Frigyes
Karinthy :
"Qui m’a interpellé ?"
madÁch
(Pour sa
commémoration)
Avant de mettre le
titre noir sur blanc – car j’ai trouvé ce nom propre seul
trop fruste et désolé, je fouillais mon esprit pour des
épithètes et j’ai réalisé avec
étonnement qu’il n’en existe point. Goethe était
intitulé le divin – au nom de Petőfi on associe
"cœur enflammé", quant à Kant, je sais qu’il
était profond – Shakespeare, "le plus grand", Tolstoï
était sage et Heine spirituel. Une feuille de chou a récemment
évoqué Madách comme "le grand philosophe
hongrois". De la même façon elle aurait pu l’intituler
"l’excellent économiste". Non, Madách n’a
pas d’épithète, l’élan iambique de ces deux
syllabes résonne en nous, seul, et il n’y a peut-être
qu’un seul autre à part lui qui vogue comme ça, sans
épithète aucune, dans l’océan des idées
associées, n’évoquant que lui-même, sans adjectif
valant échelle de comparaison, constituant à lui seul le
substantif et son épithète – c’est autre est Dante.
I.
Après cette appogiature
improvisée qui n’a rien à voir avec ce qui suit, je
souhaiterais immerger "le fil à plomb de l’intelligence"
dans les "profondeurs de son eau" – me doutant bien que le fil
"basculera de côté" et ne restera rien d’autre que
des cris bégayés ou quelques métaphores. Essayons quand
même.
À l’âge de vingt ans
j’ai noté dans mon journal : « Si de la Tragédie
de l’Homme ne nous était parvenu rien d’autre que le
bout de papier sur lequel Madách a noté ses idées du drame
– s’il n’avait jamais écrit rien d’autre que son
projet, l’intrigue du drame, brièvement, en quelques mots, ce
projet, cette esquisse aurait suffi pour que son nom demeure et qu’on
l’évoque comme un des plus grands poètes
hongrois. »
J’assume aujourd’hui encore
cette définition paraissant exagérément grotesque de
l’importance de Madách. Je revendique que
Je ne veux pas m’embourber dans la
clarification des notions de base. Ce processus de clarification s’est
fait en moi il y a longtemps et ses résultats ont été en
tout point approuvés par l’expérience. Cependant je
voudrais attirer l’attention sur un phénomène particulier.
Les excellents esthètes et critiques qui créaient et affirmaient,
qui créent et affirment la conception de l’art esquissée
plus haut lorsqu’ils apprécient une œuvre poétique ou
un poète, puisent volontiers leurs métaphores et images dans les
dictionnaires des arts plastiques et de la musique – ils ne pourraient même
pas accéder à l’œuvre sans cela. Dans leurs
écrits fourmillent les expressions telles que "pittoresque",
"monumental", "plastique", "coloré",
"incolore", "orchestral" etc. ils finissent par oublier la
provenance de ces termes et ils les appliquent directement à
C’est tout pour la poésie en
général, et même ceci parce qu’il s’agit de
Madách. En effet, la personne qui s’occupe du problème
Madách, doit compter avec quelque chose, avec une conception critique
latente qui chez un autre poète que lui serait restée une
question auxiliaire, mais dans l’évaluation de Madách elle
a failli devenir fatale. Cette question délicate est la parenté
de l’œuvre de Madách avec Faust de Goethe, ou plus
brutalement l’hypothèse que Goethe aurait eu une influence
décisive sur Madách, et par conséquent il conviendrait de
considérer Madách comme un épigone de Goethe, et son
œuvre comme un Nachdichtung, une adaptation, de Faust.
Cette position n’est pas d’origine hongroise : elle a
été une invention de l’orgueil culturel allemand,
ébahi des proportions vertigineuses de la Tragödie
des Menschen[1] et dissimulant sa gêne par une
dialectique esthétique – la seule chose qu’on peut reprocher
là-dedans à la critique hongroise c’est de ne pas avoir
protesté, de ne pas s’être dignement armée pour la
défense de Madách (nous ne comptons au total que deux essais
sérieux sur Madách, et c’est pourquoi quelqu’un comme
moi-même, non seulement refuse l’idée de prendre
Madách pour un épigone de Goethe, mais même si son
créateur a cent fois ressenti l’influence de Faust, nous affirmons
que la Tragédie de l’Homme est un chef-d’œuvre
d’une plus grande perfection que Faust – n’ayant pas la
possibilité de nous référer à des autorités,
nous sommes contraints de chercher les lois d’étalonnage par
nous-mêmes.)
Je ne me sens pas partial.
S’agirait-il de la Trilogie de Toldi[2] ou des œuvres de Petőfi, je
tiendrais compte de la sympathie, plus profonde que toute parenté qui,
grâce à Dieu, brouille le regard d’une froide
objectivité – et que je dois à ma naissance hongroise, mais
la Tragédie de l’Homme n’appartient au patrimoine national
que par la personne du poète – l’œuvre elle-même
appartient à la Littérature universelle, et se battre pour elle
ou contre elle est d’une importance littéraire capitale,
universelle.
Et puisque cette lutte existe : voyons
quel est le point de confrontation majeur au regard de la littérature
universelle, la question de l’originalité.
II.
Le contenu du carnet de notes, l’idée
du drame dont je veux avant tout prouver la merveilleuse perfection en soi,
l’originalité que l’on ne peut comparer à rien, je
l’imagine de la façon qui suit.
Dans le jardin d’Éden
où sur le plan individuel Adam, le premier homme, se sent très
bien. Il médite pour savoir si cela vaut la peine de se
préoccuper de ce qui arrivera après sa mort. Dans le cas
d’Adam cette question présente un intérêt
particulier ; il est l’unique homme chez qui ce n’est pas un
simple passe-temps philosophique, mais au contraire un problème
pratique. En effet, laisser à la suite de sa réflexion libre
cours à l’avenir, ou bien se sentir rassuré dans le bonheur
individuel du jardin d’Éden comme dans un état dont il ne
pourrait pas souhaiter plus heureux, considérer donc l’œuvre
divine par sa propre personne, l’expérience la mieux
réussie de la création, comme achevée, et ne pas se
fatiguer à imiter Dieu pour créer lui aussi des êtres
semblables à lui, mais plus parfaits encore dans le bonheur,
dépend de son choix délibéré. La question de
l’avenir n’est donc pas pour lui une question de perception, mais
celle de la volonté.
Seulement son bonheur a un revers :
l’ennui. S’il ne s’ennuyait pas il n’aurait pas de
temps pour méditer – il reconnaîtra donc rapidement que
c’est justement en cela qu’il diffère de Dieu, et par
là même son bonheur est moins parfait. Dieu ne s’ennuie pas
car avec la création du monde il a lancé une comédie dont
on ne pourrait même pas imaginer une plus magnifique, plus distrayante,
plus drôle et plus excitante. Lui aussi il voudrait une telle
comédie qui l’intéresserait au moins autant que
l’Univers intéresse Dieu. Mais pour cela il faut d’abord
créer des acteurs.
La curiosité vaincra. Adam se
coalisera avec Lucifer, le grand metteur en scène pour que celui-ci invente
pour le distraire quelque chose de similaire. Il a fallu qu’il se
produise quelque chose dont les protagonistes ne sont ni des systèmes
solaires infinis, ni des anges ou des démons comme dans la Divine
Comédie, mais des hommes, ses semblables, dont le destin
intéresse Adam, homme justement, plus que tout.
Donc Adam s’endort et la
comédie commence : l’Histoire de l’Humanité.
S’animent les différentes époques de l’histoire
– mais pas du tout sous une forme épique. Adam endormi se
reconnaît, interloqué, dans les diverses scènes
oniriques. Et chaque époque de l’Histoire de
l’Humanité se construit autour de sa personne – chaque
tournant de l’histoire est une conséquence de sa vie personnelle
bien connue, ses joies, ses chagrins, ses méditations, ses réflexions,
sa bonne ou mauvaise humeur. Plutôt qu’un roman ou une
épopée fascinants il se trouve au milieu d’un drame
bouleversant ; l’Histoire de l’Humanité
n’était qu’un titre alléchant : c’est en
réalité la Tragédie d’Adam qui essaye tout pour
recouvrer le bonheur du jardin d’Éden, pour mettre fin à la
comédie que dans son ennui il avait construite. Adam, en tant que
Pharaon, en tant que Tancrède, en tant que Miltiade, en tant que Kepler,
en tant que Danton est à la recherche du bonheur, il poursuit un combat
torturant contre les images monstrueuses de ses cauchemars, ses semblables,
afin de s’en libérer. Mais désormais Lucifer ne lui permet
plus de se réveiller – il peuple ses cauchemars de personnages de
plus en plus horribles ; le dormeur ne trouve pas le repos, se tortille et
râle – il commence à se douter (à partir des
scènes dix, onze, douze) qu’il ne fait que rêver, et
à la fin, se débarrassant de ses hantises, se réveille
dans un hurlement. Cependant, dans son sommeil, il a pu se connaître
d’une façon qui était possible seulement en
dormant : ses espoirs, ses désirs, sa peur de la mort, son
mépris de la vie et pourtant sa volonté de vivre – son
amour et sa haine. Et il est pris d’une grave inquiétude :
quelqu’un comme lui est-il autorisé à vivre ? Mais la
comédie s’est déjà déroulée et en y
repensant il reconnaît avec un grand étonnement que
l’histoire de ses méditations, tentatives, espoirs et
échecs coïncide en tout point avec l’histoire de son
espèce.
III.
J’ai volontairement rapporté
la Tragédie tout en évitant de mentionner son contenu
soi-disant "philosophique" ou "idéologique" :
j’ai négligé la compétition de Dieu et du Diable
pour l’homme, la gloire de Dieu et la conversion de l’homme. Je
voulais souligner que le conte lui-même contient tout – l’Idéal
n’est ni un complément ni le fondement ni la matrice du conte, et
le conte n’est ni symbole ni parabole de l’idéal.
Idéal et intrigue, pensée et symbole ne sont qu’une et
même chose dans la Tragédie – si je voulais
prôner la parfaite unité matérielle et formelle du plus
haut degré de la création, je ne pourrais guère trouver
plus belle illustration. Adam, le premier homme, médite dans le vide de
la pensée qui ne connaît ni passé ni avenir (de passé
il n’en a pas, son avenir dépend de lui), non influencé par
des souvenirs, non freiné par la peur, il médite sur les
possibilités de la vie, le sens de la vie. Tout ce qu’il conclut
sur les possibilités et leurs conséquences, découle
successivement en suivant les lois de la Pensée libre,
indépendante de toute expérience – si Adam périt
sans descendance et l’Histoire de l’Humanité n’a pas
lieu, l’histoire de l’âme d’Adam, enthousiasme
et découragement, amour et déception, désir et
renoncement, se déroulerait quand même ainsi en lui, dans la
même succession. Et voici que la réalité connue,
l’Histoire, parcourt le même chemin, comme si elle voulait
illustrer les crises psychiques d’un homme – faut-il encore des
preuves, exemple, symbole, réflexion philosophique, point de vue
idéologique pour reconnaître que ce que nous appelons Histoire, ce
n’est pas le jeu aléatoire de l’accumulation, froissement et
cavalcade de la matière et de la masse, mais ce sont différentes
expérimentations dans les formes de vie d’une Âme,
d’un Sentiment et d’une Pensée quelconque d’origine
inconnue – que la Réalité dont nous sommes tous
protagonistes, n’est pas source initiale de tout drame mais elle est
déjà drame elle-même, elle n’est qu’image et
reflet de quelque Réalité Absolue inconnue : drame et roman
ayant un héros – ce qui se passe ici, ce n’est pas
l’affaire de l’Humanité mais l’affaire de
l’Homme qui n’est pas l’individu mais qui n’est pas non
plus la somme des individus, qui en réalité n’existe pas et
qui est pourtant fort bien connu de nous tous, que l’on peut
décrire avec précision, que l’on peut distinguer de tout
autre, qui est quelqu’un de très intéressant et très
particulier.
Cet idéal incontournable,
indestructible, non traitable d’une façon similaire à la
pensée de l’infini, donc probablement éternel, cet
idéal récurrent depuis plusieurs millénaires n’a
encore jamais été saisi avec une idée aussi heureuse que
celle de Madách. Cette idée est que le premier homme
s’endort et dans son rêve défile – et c’est son
histoire personnelle – toute l’histoire de l’humanité.
Cette idée, non seulement subtile, est suffisamment originale pour ne
pas être comparable à l’idée de départ
d’un ou d’autres auteurs ; tout au plus peut-elle être
comparée au contenu de fables symboliques ou de mythes servant de base
à des légendes, cosmogonies, systèmes religieux,
taillés, polis, perfectionnés au fil des temps par plusieurs
auteurs ou poètes successifs, dans la mesure où on les
considère comme création poétique et non comme
manifestations divines. Et effectivement, la légende de Madách
pourrait aussi bien être la base d’une religion ou d’une
cosmogonie imaginaire que même l’histoire du prince Bouddha, ou
celle de Chronos, ou le conte des sept jours et des sept nuits liés au
nom de Moïse – car n’oublions pas (concernant Moïse) que
Madách n’a vraiment repris de la légende
judéo-chrétienne que le nom d’Adam : son
Premier Homme, être à l’intelligence parfaitement
développée, a aussi peu à voir avec Adam de la Bible que
celui de Milton[3] qui a bien composé, lui aussi, un
Adam intelligent mais il l’a laissé dans l’environnement
où il l’avait trouvé. Il est en tout cas certain que
c’est seulement dans ces poésies légendaires que pouvaient
être soudés idéal et histoire, conte et moralité,
règles et exemples, que la vision religieuse née de ces
poésies légendaires ne peut même plus déterminer si
c’est la légende qui a été inventée
après son contenu philosophico-religieux – ou si la loi
philosophico-religieuse est née plus tard de la légende. Est-ce
la fable de Chronos dévorant ses enfants qui vient de la connaissance de
la notion du temps – ou est-ce que le philosophe grec a connu la notion
du temps grâce à cette fable ; est-ce le Temps qui a
été nommé d’après Chronos ou bien est-ce
celui-ci qui a été nommé d’après le
Temps ? Mais dans l’histoire de la littérature il est
quasiment sans exemple que le noyau d’une œuvre poétique soit
aussi autonome que celui des légendes.
IV.
Tu peux vaillamment verser le vin nouveau
dans une vieille outre, parce que « je ne suis pas venu pour effacer
la forme de la loi, mais pour la remplir de nouveau ». Cette
nouvelle idée venue du christianisme, personne ne la confondra ou la
récupérera de la pensée juive sous le prétexte que
les disciples juifs du Christ ont exprimé l’enseignement de leur
maître dans le langage de l’ancien Testament. Si le Christ
était né à Athènes et s’il avait
inspiré par son verbe des philosophes grecs, les quatre évangiles
rappelleraient peut-être les discussions de Platon, mais leur contenu,
leur importance, l’enseignement millénaire de ses idéaux
resteraient les mêmes.
Ce n’est pas Faust et La
Tragédie de l’Homme mais seulement leur relation que je veux
comparer à l’ancien et au nouveau testament. Quelqu’un qui a
un discours, un sujet aussi original et autonome que ceux de Madách,
peut sans problème se permettre de renoncer au style
"personnel", "original" dans sa poésie. En effet,
"la poésie expressive" de Madách, le ton et la
présentation de son art, l’ensemble de ses comparaisons métaphysiques,
l’emploi de ses aphorismes sur les situations, font souvent penser
à l’art de Goethe, au moins aussi souvent que Goethe fait penser
à ses maîtres classiques qu’ils aient été
grecs ou latins.
Mais que signifie en réalité
cette "originalité" formelle si souvent
évoquée ? L’esthétique surestime quelque peu
cette vertu de nos jours, elle commence à se considérer
exagérément comme scientifique, comme une branche latérale
de la psychanalyse moderne, elle se targue de progrès voire de
résultats brillants dans son domaine. Cette critique d’art
psychanalytique ne se préoccupe plus guère de l’œuvre
elle-même, elle ne s’intéresse plus qu’à
"l’artiste", "le poète",
"l’âme du poète", "la nature du génie",
"la vision particulière de l’artiste" – elle
considère l’œuvre comme une sorte de document, un
symptôme, dont elle peut tirer des conclusions sur l’âme du
poète, dont elle peut reconstruire pour elle ce précieux et rare
spécimen d’âme. Dans son admiration pour le génie,
dans certains cas elle aboutit (on pourrait citer de nombreux exemples)
à ce que les poèmes peuvent être exécrables, mais
l’âme sœur de l’expert y flaire que c’est un
très grand poète qui les a écrits. Un tel critique
d’art amateur, dilettante, célébrant l’artiste,
tombant en pâmoison devant une dédicace, analysant un manuscrit
(mis à sa place, utilisé pour collecter des données
biographiques et de l’argent pour une statue, il peut exécuter un
travail culturel très utile) n’estime évidemment rien
autant que "l’originalité", "la note personnelle",
"une nouvelle forme". Quelqu’un que l’on ne peut comparer
à personne d’autre doit forcément être le meilleur.
S’il découvre une nouvelle association de termes, un rythme
inhabituel, une syntaxe peu banale, il flaire aussitôt "une nouvelle
ère" dans la poésie – il est prêt à
claironner sur le nouveau poète qui a inventé tout cela, que
celui-ci n’a pas eu d’ancêtres et n’aura jamais de
descendants, qu’il a tété la poésie avec le lait
maternel, il l’a transformée et l’a recréée et
il a surpassé tout le monde. Il extrait par conséquent ce
poète "d’un ton nouveau" de sa place naturelle, de
l’histoire de la continuité des Essais et des Formes (la
littérature), et il le considère comme source spontanée de
toute connaissance esthétique, comme si ce poète avait
découvert la langue elle-même, il reconduit avec force la racine
de chaque mot du poète jusqu’aux notions antiques, et bien
sûr il se rend compte avec étonnement et stupéfaction
qu’en réalité ce nouveau poète "contient
tout", tout l’univers, et que c’est dans ce poète que
ce "vécu" cosmique terrifiant a trouvé son premier
visionnaire inspiré. (L’atout principal d’un tel admirateur
est la qualification de "visionnaire" ou de
"prophète" – d’ailleurs quelqu’un qui avec
son inspiration merveilleuse n’aurait pas su anticiper que ce sera comme
ci ou comme ça, il y aura bien quelque chose, n’est pas un vrai
poète à ses yeux.) Et autour de la personne du "nouveau
poète" démarre le dilettantisme de caniveau du bla-bla
interprétatif, dont le noyau réel est l’émerveillement
charmant et très compréhensible de l’âme bourgeoise
sans oreille, que l’homme simple n’ayant pas le temps
d’esthétiser exprime ainsi, en hochant la tête, mais au
moins avec un respect sincère : « où diable
est-il allé pêcher toutes ces balivernes ?! » Car
n’oublions pas qu’épater le bourgeois sert aussi
efficacement à éveiller l’intérêt du bourgeois
– mais évidemment plutôt pour la personne du poète.
Je le répète, c’est une
fausse mise en lumière de l’importance de Madách qui me
force à m’étendre davantage sur la problématique
ingrate et stérile de "l’originalité" que sur la Tragédie
de l’Homme elle-même. – Je sais parfaitement que
réfuter quelque chose dont le caractère insoutenable
s’avérera tôt ou tard de lui-même est un travail
superflu, mais j’essaye de raisonner sans emportement ni
partialité ; je me réfère donc à la réalité,
à l’expérience, au passé. Nous pouvons être
d’accord à peu d’exceptions près (le
futurisme !) pour dire qu’un des critères objectifs de la
beauté poétique est le Temps ; mis à part les cas
comme celui d’Érostrate[4], la voix la plus puissante est celle dont
"les cimes du temps, les siècles" (Petőfi) renvoient le
plus loin l’écho. En somme, celui qui se sent vraiment à
l’aise dans l’histoire des Idéaux et des Formes, apprendra
petit à petit que les véritables plus grands se ressemblent
davantage en ton et en forme que les seconds violons. Comme si dans le
courant des millénaires ils étaient mus par un but commun, des
intentions parentes, un soutien mutuel, dans un effort surhumain, ils essayent
de renoncer au ton "personnel", à un "nouveau violon".
Ils essayent de se passer, de prendre les uns aux autres, la vieille
lyre : ils essayent de n’instrumentaliser que
"l’art" (il m’est impossible de ne pas citer ici
Madách : « La plus grande perfection de l’art
est de se cacher si bien qu’on ne le remarque pas »). La
minuscule fusée de la pensée explose fièrement, avec une
autonomie sûre d’elle, et sème autour d’elle des
étincelles bariolées ; l’âme chargée de
la joie et du chagrin de la grande pensée, en revanche, a peur,
n’aime pas s’occuper d’elle-même, ne cherche pas en
elle-même des signes distinctifs, craint d’en trouver trop, de
rester passablement seule – elle est à la recherche
d’âmes sœurs dans le temps et dans l’espace. Si enfin
elle parle – elle s’intéresse davantage à la
possibilité de la communication qu’à celle de l’expression
(il y a une grande différence entre les deux !), et elle a
volontiers recours à des formes de communication et des cadres connus
éprouvés. Bien sûr celui qui n’a rien d’autre
que sa "personnalité", est davantage intéressé
par l’expression, les signes distinctifs. Ainsi se forme un
deuxième groupe de poètes, une spécificité à
part, singulière, "les poètes que l’on reconnaît
à chacun de leurs vers". Mais curieusement ces raretés
d’un certain point de vue uniques sont relativement plus nombreuses que
les poètes globalement les plus grands. Je reconnais en effet à
chacun de ses vers Monsieur Marinetti[5] – je ne reconnais pas Petőfi.
Pourtant il existe plus de Marinetti que de Petőfi. Le plus grand esprit,
le "génie" (s’il faut à tout prix le
désigner sous ce terme), n’est pas quelque monstre d’esprit
incompréhensible, insaisissable, martien ; sa particularité
"primus inter pares" réside dans ses
proportions – il est l’un de vous, il est plus près de
chaque homme que deux d’entre eux l’un de l’autre. Il est Adam
dans lequel Pharaon et Miltiade, Sergiolus et
Tancrède, Danton et Kepler[6] se reconnaissent aussi bien que
n’importe quel observateur anonyme dans la foule de la Tower of London,
ou le marcheur des champs enneigés qui cherche son semblable dans les
igloos des esquimaux. N’analysez pas son âme, n’essayez pas
de déchiffrer son secret, prenez ce qu’il vous donne et
reconnaissez en lui vous-mêmes.
V.
Il est Adam – cette métaphore
dévoile clairement le secret de l’envers de la médaille, le
secret de la perfection formelle, descriptive, de La
Tragédie de l’Homme – et l’art de
Madách également. Ainsi quelqu’un qui
s’intéresse non seulement à la signification de
l’œuvre mais aussi à la psychologie de la création, ne
pourrait pas trouver d’exemple plastique, d’explication et de
solution plus globale, que ceux offerts par La Tragédie.
La solution et l’explication sont celles-ci : les poètes et
écrivains les meilleurs, qui ont créé le plus grand nombre
de héros fictifs les plus parfaits, qui sont les grands maîtres
des caractères et de la description, dont les différents
personnages sont les compagnons les plus vivants de notre vie –
qu’ils soient les caractères les plus opposés – ne créent
jamais leur héros par une simple compilation d’observations
extérieures. Tout un panorama de héros divers défile
devant nos yeux – le dessin est partout vivant et fidèle à
la nature. Madách décrit le vrai Kepler, le vrai
Danton, le vrai Tancrède, des héros vivants à
l’extérieur et à l’intérieur, tels que
l’imagination épique les dessinerait chacun d’eux
séparément. Le sujet lui-même n’en demanderait
même pas tant. Faust de Goethe, rajeuni par le breuvage magique de
Méphisto, reste le vieux savant, le penseur sceptique, même
derrière le masque de la jeunesse et de la passion. En revanche
Tancrède et Kepler et Danton et Miltiade de La Tragédie,
s’identifient à eux-mêmes avec foi et feu – Adam ne
joue pas de rôles, les rôles de Danton, Kepler,
Tancrède et Miltiade, mais il est identique à Danton, Kepler,
Tancrède et Miltiade. Cette fusion est parfaite –
l’impossibilité et la contradiction se déroulent sous nos
yeux, et il n’y a rien d’impossible et de contradictoire. Le
caractère de Tancrède est nettement contraire à celui de
Danton – mais le caractère d’Adam contient les deux :
bien qu’Adam ne soit nullement un caractère incertain ou
indéterminé. Regardez la différence. La distance froide,
l’objectivité du Faust rajeuni, s’observant de l’extérieur,
face à son rôle – et pensez aux déclarations
passionnées dans chaque cellule de l’âme de Miltiade,
Tancrède, Danton et Kepler, telles qu’elles vivent leur propre vie
dans La Tragédie. Ce sont chacun des héros dramatiques,
des personnages vivants. Pourquoi le sont-ils ? Parce que le grand auteur
épique les a représentés de l’intérieur,
de la source commune de sa propre âme, semblable à
l’âme de chacun – le grand auteur épique qui cette
fois, à l’occasion solennelle de la magnifique œuvre
théâtrale, va jusqu’à ôter son masque, qui par
la comparaison symbolique du personnage d’Adam montre le secret simple de
la magie de la création de héros : le fait d’avoir
créé tout de lui-même, de connaître chacun parce
qu’il se connaît lui-même.
Lui-même, l’Homme.
VI.
Il existe tout de même un seul
point où ce parallèle au demeurant forcé montre une
parenté commensurable entre Faust et La Tragédie
– c’est plutôt une concordance de négatifs.
L’œuvre de Madách est aussi peu de la "philosophie"
que Faust. Ceux qui voudraient la considérer comme
l’élaboration poétique d’une perception
philosophique, à défaut d’autre point d’appui, se
battent autour d’une unique phrase – la dernière phrase de
l’œuvre : « Homme, je te l’ai dit : lutte
et aie confiance ! »[7] C’est à partir de cette
phrase de clôture qu’ils essayent d’affirmer ou de
démentir que La Tragédie est en réalité un
héraut de la sagesse religieuse catholique – d’autres y
devinent une vision pessimiste, sceptique, d’autres encore un optimisme
progressiste, révolutionnaire. La base de toutes ces explications
forcées est une fois de plus cette perception critique centrée
sur le génie, personnalisant inconsciemment, qui cherche à
tout prix à savoir quelle sorte d’homme était
Madách, en quoi il croyait, ce qu’il voulait, à qui il appartenait,
quel parti, groupe, confession ou fédération pourrait se
l’approprier afin de mettre à son profit l’immense force
suggestive qu’il recèle. Les socialistes ne juraient que par lui
et le citaient fréquemment car il présentait les rythmes
récurrents des vagues de l’histoire comme si lui-même avait
reconnu la thèse sur laquelle se base le socialisme, la
légitimité du matérialisme historique – il
n’empêche que dans l’état expérimental du
socialisme, la Commune[8], ils l’ont déprogrammé
à la hâte, à cause d’une scène unique, celle
du phalanstère, qui d’une part commence très
véridiquement et se termine d’autre part dans une grande
sincérité. Et à supposer que renaisse cet autre monde
auquel aspirent de nos jours quelques échappés de l’asile,
avec la pure logique des contraires, uniquement parce que tout y est
contraire à la folie communiste (seule une idée fixe peut
être le contraire d’une idée fixe), lequel oserait monter
sur scène l’acte qui se déroule au Moyen-Âge ?
Aucun des deux ne pourrait le monter – pourtant ce que dit Lucifer
à Tancrède s’adresse à tous les deux :
Les saintes doctrines ? Mais ce sont
elles,
Précisément, qui font votre
malheur.
Quand un hasard vous les fait rencontrer,
Vous les taillez, aiguisez, raffinez
Et tortillez si bien que pour finir,
Vous en tirez esclavage ou folie.
Rien n’y fait, les tailleurs,
aiguiseurs, raffineurs des saintes doctrines continuent de citer La
Tragédie – et le continueront dans le temps et dans
l’espace toujours et partout. Philosophe, poète, sociologue
– tyran et esclave, chacun par ses propres yeux, peut s’approprier
sa pensée – il n’y a pas de pape à Rome qui pourrait
y trouver une preuve pour le mettre à l’Index – et pourtant,
aucun libre penseur ne pourrait ne pas y sentir sa pensée encore
davantage. Il peut être cité par le patriote et il peut être
cité par l’internationaliste : cette œuvre est une somme
de toutes les opinions, la création non pas de
l’incrédulité, mais de la croyance totale. Les
apôtres de la misogynie se référeraient vainement à l’infidélité
et à la méchanceté d’Ève de Madách
– ils auraient beau citer la vie malheureuse du poète,
l’expérience accablante qu’il a eu le courage d’avouer ;
au-delà de toute expérience et les conclusions qu’on en
tirerait, au-delà de l’histoire et du raisonnement, Ève se
tient là, victorieuse, auréolée de la gloire de la
bonté :
Tu peux bâiller tant que tu veux
abîme !
Ne crois pas que ta nuit me fasse
peur !
Il n’y descend qu’une
poussière infime,
Née de la terre… En mon nimbe
vainqueur,
Je passe outre !
Croit-il ou non en Dieu ? Fait-il
confiance à l’avenir ou le voit-il comme une simple
répétition sans espoir du passé ? Est-il pessimiste
ou optimiste ? Je répondrai aux deux premières questions par
deux citations :
Je ne me suis pas trompé : toi
qui passes
La nature et l’homme au crible, il te
reste
Ta vanité pour sédiment
final…
C’est Adam qui demande compte de cela
au savant du phalanstère ; mais Lucifer pourrait le dire aussi bien
au Seigneur : le Dieu de Madách est un dieu vaniteux, il ne peut pas
se défendre de l’accusation qu’il a réalisé la
création seulement parce que "parmi ses idéaux il a senti le
néant" dont le nom était Lucifer, le doute de sa puissance.
Et même avec ses paroles qui closent l’œuvre, il exige
et ne donne pas.
Et l’avenir ? L’action
n’encourage en rien, et Kepler, au-delà de la révolution de
Danton, après avoir vu de ses propres yeux – rêve dans le
rêve – que "le Talisman retrouvé qui rajeunira la
vieille Terre" lui échappera des mains, prend quand même
congé de lui-même dans une des tournures psychiques la plus
inattendue et la plus merveilleuse, ouvrant largement pour un instant la
profondeur finale de l’âme du vrai poète dont Rabindranath Tagore, qui a cru l’apercevoir,
prétend que là-bas même dans l’instant le plus noir du
désespoir, dans l’instant de la mort, du suicide, se
déchaîne et se tortille une joie jubilante et infinie :
Disons adieu, tous les deux, à
l’école.
Que ta jeunesse en fleur, parmi les chants
Et le soleil, te conduise à la
joie !
Et moi, viens me conduire, ô sombre
esprit,
Puisque tu es mon guide…
Emmène-moi
Vers l’heureux monde neuf, qui
fleurira
Si d’un grand homme il comprend
l’idéal
Et si, sur les maudits décombres du
passé,
Il laisse librement, s’exprimer la
pensée.
VII.
À la dernière question la
réponse sera donnée par les deux précédentes. On
distingue en général deux façons de voir – le
pessimiste qui s’attend à du mal et l’optimiste qui
s’attend à du bien, la gaie et la triste. Ce sont deux attitudes
saines car dirigées vers l’avenir. Aucune ne s’applique
à Madách – il évoque en nous une troisième,
la plus saine, la majestueuse, celle qui embrasse la totalité de
la vie. L’état d’âme provoqué par cette
attitude est le sommet à la fois de la plus grande gaîté et
de la plus grande tristesse, le pas qui le sépare du ridicule mais le
lie à la manifestation humaine la moins ridicule : le rire.
Non pas le ricanement forcé, artificiel de Nietzsche : ce rire
n’est pas émis par Lucifer, ce n’est pas un rire satanique
– il ondule comme la mer au fond de l’âme d’Adam.
Et nous voici arrivés au
troisième critère de la perfection. Madách n’est ni
pessimiste ni optimiste, il n’est ni gai ni triste : Madách
est serein et pur comme le ciel sans nuage. La Tragédie de
l’Homme n’est ni une tragédie ni une comédie
– c’est une œuvre humoristique au sens divin du terme, son
harmonie réside dans les oppositions – son effet ultime se
manifeste à l’instant du sentiment de libération, sentiment
dilaté dans lequel nous reconnaissons le pitoyable boitement de toute
dialectique et de toute philosophie dans la course de la vie – et ce que,
à mi-chemin de Dieu et de l’animal, seul l’homme exprime
avec un geste particulier et spontané de ses lèvres, le sourire.
C’est l’humour, condition de toute grandeur créatrice, qui
rend souple et vivante la succession pulsante des scènes et qui les
sauve, à travers les nuages sombres et clairs du temps qui court –
c’est la sève de l’humour qui enfle dans les mots
rusés et les actions exacerbées qui s’alignent, pour faire
tomber auditeurs et spectateurs dans une admiration bouche bée. Cette
"comédie triste", ce "poème dramatique" a
été créé à force d’allégresse
par la plus pure Intelligence et la plus pure Vision, par la volonté, le
septième jour, tel Dieu.
VIII.
On dit parfois des œuvres de Shakespeare
que des habitants d’une planète étrangère,
s’ils ne savaient rien d’autre de nous, pourraient y
connaître l’homme. S’il arrivait un événement
dans l’univers mettant cette question à l’ordre du jour,
nous proposerions à cette fin La Tragédie de l’Homme,
œuvre qui permettrait à l’habitant de la planète
étrangère de connaître non seulement l’homme mais
aussi son destin, quel que soit le moment de la rencontre.
La Tragédie parle aux hommes
dans ce qu’elle dit – mais comme si les proportions vertigineuses
de sa composition étaient dimensionnées pour un but plus
lointain dans le temps et dans l’espace ; j’emprunte
délibérément ce terme au jargon de la science des
ingénieurs. Dire que cette œuvre survivra à son temps
paraît insuffisant au regard de ces dimensions. À propos
d’une grande œuvre poétique on a coutume de dire
qu’elle vivra aussi longtemps qu’il y aura des hommes sur la terre
– cette prophétie vaut uniquement pour la pensée,
sentiment, sagesse du poète – elle ne couvre pas, ne
détermine pas le miracle de la composition.
Ne le comprenez-vous pas ?
Le symbole de la pyramide égyptienne
montre clairement la différence. Cette forme la plus parfaite de la
géométrie et du style architectural, de la science et de
l’art était destinée à être une tombe :
c’est la momie accroupie en son sein qui l’a fait bâtir
autour d’elle pour donner de ses nouvelles aux autres hommes, pour
qu’on reconnaisse qu’elle était un de ses semblables
"tant que vivront des hommes sur la Terre". Mais pour cela il eut
suffi de se faire embaumer – un cercueil, sous réserve qu’il
prenne la forme d’un corps humain, dirige mieux le regard des hommes vers
lui, apparaît plus nettement à ceux à qui il a
été destiné. Qu’a donc rendu nécessaire cette
forme particulière, cette composition spécifique, qui ne
ressemble aucunement au corps d’un homme et qui n’évoque pas
du tout l’âme humaine ? Elle ne l’évoque pas, ni
dans sa forme ni dans ses matériaux. Elle est construite en pierre, en un
matériau préexistant à la naissance des hommes, et probablement
devant survivre à leur espèce, même si un cataclysme ou une
extinction par épuisement met fin à toute vie sur la Terre.
À qui est donc destinée,
à qui parle la pyramide si elle a aussi calculé de travers
l’éventualité d’une telle catastrophe ?
L’attention de qui a voulu éveiller cette grosse noix pour
qu’il la casse et qu’il cherche dedans son noyau,
l’homme ? Attendent-elles peut-être un visiteur tardif, qui
pourrait venir même après la mort de l’humanité
– un visiteur à qui elle voudrait donner des nouvelles ?
Je ne peux comparer la composition
monumentale de La Tragédie qu’à une pyramide. Faust
de Goethe n’a pas une telle composition : le dessin capricieux de
son histoire suit fidèlement la ligne de la nature humaine – il
revêt l’habit de l’âme volage qui pulse en lui ;
aussi l’histoire elle-même est peut-être plus vivante et plus
humaine. Mais si je les mets côte à côte pour les regarder
ensemble : c’est comme si je voyais s’élever une
colonne de flammes qui éclairerait un grand bâtiment inhospitalier.
C’est ainsi que Faust illumine La Tragédie –
mais la colonne de flammes s’éteint et seul le bâtiment
perdure dans le noir.
Les vers de La Tragédie parlent
à l’homme – son histoire parle de l’homme, à
quelqu’un qui comprend l’homme mieux que l’homme. C’est
pourquoi elle ne contient pas de philosophie, de moralité, de morale
– celui dont elle révèle les lignes difformes n’en a
guère besoin, pour celui-ci la philosophie et la morale sont contenues
dans les simples Faits que relate l’histoire. Ce poème est donc un
hymne, au sens le plus vrai du terme, un hymne à Dieu, une demande faite
les yeux tournés vers le ciel – Seigneur, voilà ce qui
s’est passé, c’est à Toi de dire à qui de
droit ce que cela signifie et quelles en ont été les causes. Et
à nous de construire la pyramide, aussi longtemps que notre chandelle
n’est pas éteinte.
IX.
La Hongrie célèbre un
centenaire : le centième anniversaire de la naissance d’un
poète. Nous saluons à cette occasion avec affection et
encouragement les protecteurs patentés du culte du génie. Nous,
nous attendons dans le silence et avec recueillement un autre anniversaire qui
sera d’actualité dans une trentaine d’années :
la commémoration de la naissance de La Tragédie de
l’Homme.
Citons encore une fois les fières
paroles de Petőfi dans le cadre de ces quelques réflexions :
Que
les siècles, cimes du temps, renvoient son écho…
C’était une voix
immense ; la première cime, le premier siècle
s’apprête à renvoyer son écho.
[1]
Titre allemand de "
[2] Épopée de János Arany
[3] John Milton (1608-1674). Poète, auteur de "le Paradis perdu".
[4] Hérostrate d’Éphèse avait incendié le temple d’Arthémis (356 av. J.C.) pour passer à la postérité.
[5] Filippo Tommaso Marinetti (1876 -1944). Écrivain italien, initiateur du Futurisme.
[6]
Miltiade, général athénien au Ve siècle avant
J.C ; Sergiolus, gladiateur charismatique ;
Tancrède de Hauteville, régent de la principauté
d’Antioche au XIIe siècle. Personnages de "
[7]
Les passages de
[8]