Frigyes Frigyes Karinthy : Nouvelles parues dans la presse

 

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boxe

(En rentrant du match)

 

… Ouf, enfin c’est terminé… Pouah, c’est vraiment écœurant… Mais bien sûr, le public en redemande… cela en dit long sur notre époque… ça alors, la foule qu’il y a, on est bousculé, je ne pourrai pas monter dans le tram… au pire je rentre à pied, tant pis.

Salut, cher Felhő, qu’est-ce que tu viens faire par ici ?!... Si je viens du théâtre ?!... Non, j’étais là, à côté, au… au vieux Millénaire… j’ai dû accompagner quelqu’un, il y avait un match, n’en parlons même pas, c’est épouvantable… je suis content de l’avoir oublié… Merci, je vais bien – je suis un peu fatigué, j’ai travaillé toute la journée… Comme tu le sais, je caresse cette idée de livre intitulé "Pensées éternelles et autres"… Ah oui… le truc de Fekete… oui, je l’ai bien reçu… Excuse-moi, je n’ai pas eu le temps – je l’ai tout au plus feuilleté un petit peu…

Oui, ce passage n’est pas mauvais… Attends, ça me reviendra… Oui, tu utilises une métaphore, elle est très belle… avec ces touffes d’asphodèles… Oui, je crois que c’est le point fort du livre… Comment ? Ce n’est pas dans ton livre ? Ah oui, ça me revient… c’est dans un poème de Mihály Babits… Ça aurait pu très bien venir de toi…

Qu’est-ce qui t’arrives ? Un vertige ? Assieds-toi vite… ça va bientôt se terminer, le round… ou quoi déjà… un… deux… trois… quatre… pourquoi tu ne dis rien ?... cinq… six… je compte à combien tu regagneras tes esprits… sept… comment ?

Comment dis-tu ? Nous ? Qui ça ? Moi ? Qu’il a dit beaucoup de bien de moi ?... À propos de… de ce qui a paru de moi ?... Quoi ? Comment dis-tu ?... Le titre t’échappe… allons… réfléchis un peu… hier ?... quand même… Ce n’est pas que ça m’intéresse… mais quand même, qui est-ce qui l’a dit ?... Ça ne te revient toujours pas… Allons, fais un effort…

Qui ça ? Moi-même ?... C’est moi qui ai dit du bien… de moi-même ?… C’est très drôle… oui… une bonne blague… ah, ah, ah… je me serais louangé moi-même… attends un peu… break… arbitre… j’ai très mal au ventre… c’est la bière sûrement…

Attends… je voulais te dire quelque chose… mais c’est sérieux… c’est toi, n’est-ce pas, qui as cuisiné ce Kerekes, ce critique sévère… je ne l’ai jamais entendu dire du bien de quelqu’un… je ne comprends pas, je dois l’avouer, je t’ai même envié un peu… il a parlé de toi au superlatif… il a dit que dans ton cas il n’y a rien à critiquer… il est tout simplement ton plus grand admirateur… il t’admire, m’a-t-il dit… mais si, c’est vrai, demande-le lui… il t’admire, m’a-t-il dit, d’oser encore prendre la plume…

Eh… Comment dis-tu ?... Tu es pressé ?... Bon, salut alors, à la prochaine…

Crac !... Victoire !... Vivat, vivat !... Il a abandonné !... Knock-out !... Clench !... Break… Blue-eyes !... Pénalisez!... Pénalisez!... Il s’est enfui!...

 

Színházi Élet, 1923, n°28.

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