Frigyes Karinthy : Nouvelles parues dans la presse

 

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FRIGYES KARINTHY

rend compte des talents de sa génération d’écrivains :

Je ressens comme extrêmement violente et brutale, précisément en art et en littérature, la distinction entre vieux et jeune. Puisque dans ce domaine ce n’est justement pas l’âge, mais exclusivement la qualité de la production qui décide. C’est pourquoi l’écrivain moderne ou non moderne n’a rien à voir avec jeune ou vieux. Souvent je dois prendre garde, comment saluer un de mes oncles qui se présente actuellement comme écrivain jeune et moderne. Je crains avant tout ceux que j’aime le plus, car je les considère comme mes élèves. Les élèves sont à la mode, mais pas les maîtres. Les maîtres avouent, mais les disciples nient qu’eux sont venus au monde dans un bosquet de lauriers. Par conséquent je n’ose qu’anonymement vous dire que j’ai par ici quelques partiellement-disciples passablement doués. Ils ont appris la comédie chez Kosztolányi[1], M­óricz et Babits, l’élocution et l’art de la compréhension chez moi, et on peut dire qu’ils fonctionnent excellemment. En outre je suis intéressé par Lili Bródy, manifestement une cultivatrice et développeuse des plus raffinées de l’humour sentimental à la Ferenc Molnár. Ákos Molnár est un écrivain talentueux, il fréquente l’école impressionniste-naturaliste selon Kosztolányi. On trouve aussi pas mal de talents parmi les jeunes Transylvaniens, mais ils sont un peu trop crus et partiaux. – Károly Aszlányi est un talent très sympathique. D’une manière générale je dois avouer que je m’occupe moins de belles lettres. Je suis davantage intéressé par le roman de la réalité, la science de l’histoire. J’ai découvert un jeune écrivain moderne, russe, extrêmement hardi et incroyablement original, nommé Léon Tolstoï, par rapport auquel je sens comme un peu dépassés les manuscrits dont les écrivains débutants m’honorent encore, pour que je les torture d’une première violence critique. Les jeunes ne devraient pas se laisser monter contre les vieux, c’est une source empoisonnée, je les connais : ils ne sont ni vieux ni jeunes, mais simplement des scribouillards sans talent. La vie est si courte par rapport à l’art, et ce n’est pas une phrase creuse, que cet affrontement dévoile une certaine insensibilité à l’art.

 

Színházi Élet, 1931, n° 25.

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[1] Dezső Kosztolányi (1885-1936) ; Zsigmond Móricz (1879-1942) ; Mihály Babits (1883-1941) ;

Lili Bródy (1906-1962) ; Ferenc Molnár (1878-1952) ; Ákos Molnár (1895-1945) ; Károly Aszlányi (1908-1938).

(les écrivains moins connus sont en italique).