Frigyes Karinthy :  "Ô, aimable lecteur" (objet)

 

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conversation dans le noir

Oh… Maître… c’est vous… j’ose à peine en croire mes yeux… c’est vous, vraiment… ?

- Eh oui, oui, mon jeune ami… euh… pardonnez-moi… euh… il fait un peu sombre… je ne sais pas à qui…

- Bien sûr, évidemment, vous ne pouvez pas vous souvenir de moi puisque je n’ai pas eu encore la chance… je ne vous connais, Maître, que de réputation… Mais vraiment, je suis tout troublé par la joie… je n’avais pas espéré vous rencontrer, Maître, notre grand Zedlacsek

- Très aimable, très aimable. Vous voulez dire que les jeunes s’intéressent encore à moi ?

- Oh, Maître, vous le demandez ?! Chaque fois que nous nous réunissons…

- Où vous réunissez-vous ? Au Bois Populaire, comme nous les vieux, autrefois ?

- Non, Maître… Nous préférons nous réunir au Bois de la Ville, sous le pont…

- C’est très beau. C’est gentil. Je suis satisfait. Croyez-moi, j’ai toujours considéré les jeunes et leur travail avec sympathie… Vous êtes probablement débutant également ?

- Oh Maître… oui… nous sommes quelques-uns qui, suivons vos traces, nous voudrions créer quelque chose de neuf, de personnel…

- Oh, mon jeune ami, c’est tout à fait digne d’intérêt… hum… alors comme ça, vous vous rappelez mes petits ouvrages anciens… ?

- Oh, Maître, vous le demandez ? Quand nous nous rencontrons, quelques jeunes, nous évoquons avec enthousiasme vos œuvres d’autrefois… Nous nous rappelons, qui ne se rappellerait pas la chose de la rue Kotló

- Hé, hé, hé. Bien sûr. J’étais très jeune quand j’ai fait cela. J’avais encore de bons yeux… Eh oui, c’était gentil… Hé, hé, hé…

- Avec animation. C’était superbe ! Grandiose pour la conception et pour l’exécution ! Par la cheminée… puis avec ce grattoir…

Modestement. Oui, en effet, nous avions du savoir-faire, nous les vieux… C’est très aimable de me le rappeler. Et vous, les jeunes, comment travaillez-vous ?

- Ben, nous faisons aussi des choses… voyez-vous, Maître… comme aujourd’hui par exemple… Mais je n’espérais pas vous rencontrer…

- Vous avez l’air d’un jeune homme très doué. Pour vous montrer à quel point j’estime votre talent, j’ai une idée, si ça ne vous déplaît pas, je veux bien qu’on fasse la chose ensemble…

- Oh, Maître… je ne trouve pas mes mots… Coopérer avec le grand Zedlacsek !… Si mes amis du Bois de la Ville l’apprennent…

- Doucement, du sang froid !

- Oh, Maître… êtes-vous bien couché ?… Ce n’est pas inconfortable pour vous ?… Voulez-vous changer de place avec moi… ?

- Merci… je suis bien couché… je suis un peu gêné par le pied de ce lit… et le matelas me pend dans les yeux… mais tant pis, d’ici on voit bien la porte…

- Vous la voyez bien, Maître ?

- Oui… L’avocat peut entrer à tout moment… Alors gardons notre sang-froid.

- Maître ! Vous pouvez compter sur moi !

- Du calme donc. Dès qu’il entre, vous lui attrapez la cheville, vous tirez fort, il s’étale sur le lit…

- Et vous, Maître, vous l’attrapez à la gorge… ah oui… je connais votre style…

- Très juste. Donc : du calme.

- Chut !

 

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- V… v… voilà !

- Très bien…

 

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- La gorge maintenant !

 

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- Ça y est… Maintenant, où est la clé du coffre ?…

 

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- Félicitations, mon jeune ami. Très habile.

 

Suite du recueil