Frigyes Karinthy

 

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LE CHÂTEAU ENCHANTÉ

(1921)

 

Conte finaud

 

Personnages­

­

Le roi Bendegúz

La Princesse Public ­­­­

Ses trois dames de compagnie :

Belle au Bois Dormant,

Cendrillon,

Blanche Neige

Jeannot Petit Pois

Cheval Fée, ministre

Masure, planton

Jojo Cœur-de-Colombe, bourreau

Ogresse au nez de fer

Jenő Heltai[1]

Zsigmond Móricz

Ferenc Molnár

Béla Szenes

Ernő Szép

Lajos Kassák

Frigyes Karinthy

Rip van Winkler


 

Lieu :

Salle du trône du château tournant sur une patte de canard dans la capitale du pays des fées.

Installation fantastique, mêlée à des éléments réels. Dans le fond une immense fenêtre gothique arquée, grillée. La fenêtre donne sur un paysage féerique ; on aperçoit au loin neuf pals pointés vers le haut. Au milieu de la salle le trône royal, Bendegúz est assis sur le trône, bordé de deux hallebardiers. À côté du trône du roi, un petit trône minuscule, occupé par la Princesse Public ; la Belle au Bois Dormant, Cendrillon et Blanche Neige sont assises sur la marche de son trône – Jeannot Petit Pois est assis un peu plus loin sur un coussin. Deux portes. L’une est gardée par le planton Masure. Devant l’autre porte Jojo Cœur-de-Colombe, le bourreau, avec son énorme hache. – Lumière d’après-midi. On entend de la musique. Quand le rideau monte, tout le monde est immobile. Ils écoutent la conférence du ministre Cheval fée qui, un grand livre d’images à la main, rend compte au roi. Princesse Public ne cesse pas de pleurer, Cendrillon recueille ses larmes dans un plat.


CHEVAL FÉE (poursuit) : …comme je disais donc, la situation exige que…

LE ROI (l’interrompt avec passion) : J’ai déjà dit que je ne tolère pas ce ton. Ces derniers temps le laisser-aller s’est répandu à la cour, on oublie les bonnes manières et on néglige le ton officiel. Moi, je ne comprends pas ce genre de discours truffé de "donc" et de "situation". Soyez plus cohérent.

CHEVAL FÉE (se prosterne) : Je vous prie de me pardonner. (Il se redresse et prend une profonde respiration.) Il était une fois, au-delà des mers lointaines… là où l’herbe ne pousse plus…

LE ROI : Tu vois que tu connais le langage diplomatique comme il faut. Poursuis, mon cher ministre Cheval fée.

CHEVAL FÉE: Il était une fois un palais tournant sur une patte de canard. Ce château avait un roi, Bendegúz

TOUS : Vive le roi !

LE ROI (nerveusement) : Bon, bon, arrêtez. Songez plutôt à l’ordre de la maison, je me passerai des vivats. Pourquoi ce matin la patte de canard ne tourne-t-elle pas ?

MASURE : Majesté, je n’ai qu’une vie, qu’une mort – hip, hop, que je sois là où je veux – je suis allé voir le réparateur d’antan.

LE ROI : Et qu’a-t-il dit ?

MASURE : Qu’il n’y a pas de courant dans les conduits – il y a eu un court-circuit : et le beurre de corneille avec lequel il aurait fallu les graisser, a été retiré de la circulation.

LE ROI : Partout ce désordre ! Mes bottes de sept lieues n’ont même pas été cirées ce matin. Eh, toi, Sang-de-dragon !

L’OGRESSE AU NEZ DE FER (se lève) : Présente !

LE ROI : Pourquoi n’a-t-on pas ciré mes bottes de sept lieues ? Et pourquoi ton nez n’est-il pas passé au papier de verre quand tu te présentes devant moi ?

L’OGRESSE AU NEZ DE FER (orgueilleusement) : Pardonnez, ce n’est pas à moi de le faire. Je suis sage-femme diplômée, on ne peut pas m’obliger à cirer des bottes. (Elle s’assoit, prend une feuille de papier de verre et se met à se frotter le nez.)

LE ROI : La discipline, il n’y a plus de discipline. – Poursuis, mon cher ministre Cheval Fée.

CHEVAL FÉE (pendant qu’il parle il jette de temps à autre un regard furtif dans le livre de contes qu’il tient à la main) : Bref – là où l’herbe ne pousse plus…

LE ROI : Ça, tu l’as déjà dit.

CHEVAL FÉE : Oui. Ce roi avait une merveilleusement belle fille, la Princesse Public célèbre au-delà de sept frontières.

TOUS : Vive la princesse !

LA PRINCESSE (éclate en sanglots, Blanche Neige recueille ses larmes dans un plat.)

CHEVAL FÉE : Cette princesse possédait tout ce que désiraient ses yeux, ses lèvres – un sac-ouvre-toi, un serpent-aspic, un bouc-à-demi-écorché – bref, la dot en son entier.

Le ROI (le rabrouant) : Tu recommences !

CHEVAL FÉE (pris de peur, jette un regard furtif dans le livre de contes) : Grâce, Sire, pour ma tête ! – Elle était célèbre dans tout le pays – en deçà et au-delà des frontières que ne frôlent pas même les oiseaux – au point que même le dragon-lézard laissait pendre ses pattes au bord du monde à cause d’elle. Elle était accompagnée de la bénédiction des aléas, dans la trace de ses pas les coquelicots viraient au rouge.

Le ROI: Pressons, mon ministre, pressons – car l’étoile du dîner monte au ciel.

CHEVAL FÉE : Et pourtant ce pays n’était pas heureux – il était maudit – tous faisaient pendre leur long nez sur les monts de bouillie de riz, en deçà des ruisseaux de mélasse. Des oisillons de peuplier pleuraient sur les arbres de pie : le sommeil de tous était plus court que la queue d’un lapin ! Le coq déféquait des boutons d’argent, le plat doré s’est fendu en deux. Parce que la Princesse Public s’est réveillée un jour en pleurs dans son lit immaculé – elle sanglotait comme les giboulées, sans pouvoir s’arrêter. Trois jours font une année – deux sous font uns sac d’or…

JEANNOT PETIT POIS (y met son grain de sel) : C’est bien vrai, ça. Ça va mal pour nous sur le marché des devises…

Le ROI: Silence ! – Continue, mon ministre.

CHEVAL FÉE : …et pourtant mon cœur pleurait comme les giboulées. Tout le monde l’appelait ainsi : « Princesse des larmes ». On a essayé de la consoler, de la faire rire, en vain. La Princesse Public ne faisait que sangloter, rien n’y faisait, ni fouaces cuites sous la cendre, ni plantain pané. Qu’il était triste, ce vieil âne, le pauvre roi blanc-bec, barbe moisie…

Le ROI (impatient) : Bon, bon, va au plus court.

CHEVAL FÉE : Grâce pour ma tête !… Je ne vois plus bien les lettres. En cent mots comme en un – la tristesse recouvrit le pays tout entier.

Le ROI (impatient) : Bon, bon, va au plus court.

CHEVAL FÉE : J’y vais, j’y vais comme le Christ chez le savetier. Voilà la triste histoire. Pleurs et sanglots sans fin dans tout le pays de Ongarie – les larmes ont fait déborder les eaux, on écopait avec des seaux, même les cochons pataugeaient dans des flaques de larmes. Voilà la triste fin de notre histoire… (Il respire avec soulagement d’avoir terminé.)

Le ROI (déçu) : Quoi ? C’est la fin de l’histoire ?

CHEVAL FÉE (cherche l’inspiration dans son livre, apeuré) : Oh, pardon !... Non, ce n’était que le milieu. Mais le reste n’est pas écrit dans mon livre…

Le ROI : Je veux bien le croire ! Il s’agit justement de ce que nous, Bendegúz, roi oint du pays de Ongarie et vous, mes chers sujets qui jouez un rôle dans ce conte, lorsque le rideau est monté, nous étions justement en train de chercher une suite à cette histoire. Notre fille unique, la Princesse Public est frappée d’une grave maladie de larmes, nous avons décidé qu’il faudrait y porter remède. Il s’agit de sauver l’honneur du pays. Par conséquent, mes chers sujets, à la vie à la mort – trouvez quelque médecine pour que ça change. En un mot comme en cent – que nous entendions ce que vous avez d’intelligent à dire.

MASURE (près de la porte, à haute voix, comme un crieur) : Qui a une idée se présente !...

 

(Pause.)

 

Le ROI : Que se passe-t-il ici ? Personne ne se présente ? Le prince Argyre n’aurait-il pu vaincre le dragon à sept têtes devant le porche ?

JEANNOT PETIT POIS (sort une feuille de papier) : Sire, une colombe blanche vient d’apporter à l’instant dans son bec doré une lettre, d’au-delà des mers lointaines, nous apprenant que le prince Argyre ne peut pas venir, il n’a pas reçu de visa.

Le ROI (en colère) : et c’est maintenant que tu le dis ! Vous faites encore travailler ce pigeon hip-hop – à quoi servent les dépêches ? Eh bien, on a bonne mine. Qui va nous porter assistance, qui va porter assistance à notre pauvre pays ? La moitié de mon royaume à qui pourra nous aider !... Ma chère fille, mon tendre rayon de miel, dis-nous enfin quel mal te ronge, ne tourmente pas ton pauvre père !

LA PRINCESSE : Hi hi hi !... Aïe, pauvre de moi ! Pourquoi suis-je venue au monde !... Hi hi hi

Le ROI (en colère) : Mais pourquoi pleures-tu, sanglotes-tu, mauvaise enfant ?

LA PRINCESSE : Hi hi hi !... Comment pourrais-je ne pas pleurer, alors que c’est ainsi que c’est écrit dans le conte ?... Hi hi hi… Pourquoi ma mère m’a-t-elle mise au monde, pourquoi dois-je figurer dans ce conte tel un ver dans le fruit !... Hi hi hi

Le ROI : Oh, toi, malheureuse, personne ne veut de toi !... Oh vous, les filles… Belle au Bois Dormant… Blanche Neige… Cendrillon – pourquoi vous ai-je recrutées pour entourer ma fille alors que vous n’arrivez pas à la consoler ?!... Blanche Neige, tu m’écoutes ? C’est à toi que je parle !

BLANCHE NEIGE (se lève, fait des manières) : J’entends. Mais qu’y puis-je ? Je lui ai déjà dit ploum ploum tralala lanlaire et ça ne l’a pourtant pas fait rire ! Je ne peux tout de même pas la chatouiller du matin au soir ! (Elle se regarde dans la glace.)

Le ROI (en colère) : Retourne chez les sept nains, créature vaniteuse ! Si les enfants apprennent que depuis que tu as toussé et recraché la pomme empoisonnée, nous avons plus de problèmes avec toi qu’avec la méchante reine, ils ne demanderont plus à leur papa de leur raconter ton histoire ! Tu as même volé le miroir de la reine !

BLANCHE NEIGE (vexée) : Ce n’est pas ma faute si le prince m’a préféré à la Belle au Bois Dormant ou à Cendrillon (Elle les désigne) !...

La BELLE AU BOIS DORMANT (doucement) : Oui, ma chérie. Je sais en effet que tu lui as plu – pendant que je dormais.

BLANCHE NEIGE (ironiquement) : Pendant cent ans, qui plus est. Personne n’aime attendre les filles si longtemps !...

La BELLE AU BOIS DORMANT (piquante) : Il y en a qu’ils attendent – quand ça vaut la peine !...

BLANCHE NEIGE : Quant à moi, ils étaient sept à me faire la cour.

La BELLE AU BOIS DORMANT : Oui, ma chère, sept nains… Question de goût. Moi je les préfère grands.

BLANCHE NEIGE : Mais les hommes n’aiment pas beaucoup les dames qui ont la langue trop piquante !...

La BELLE AU BOIS DORMANT : Occupe-toi de la blancheur de ton linge, ma chère !...

BLANCHE NEIGE : Et toi de tes confitures de gratte-cul.

CENDRILLON (innocemment) : Les filles ! Vous n’avez pas honte de vous chamailler devant la cour ?...

La BELLE AU BOIS DORMANT (la rabroue) : Bon, bon – petite violette modeste – nous savons très bien que tu n’as pas pu rentrer ton pied dans la pointure vingt-sept !

CENDRILLON (se met en colère) : Je proteste !... Ce n’est pas parce que je ne chausse pas du quarante-deux comme Blanche Neige que…

BLANCHE NEIGE (toute rouge) : Insolente !... Toi, qui as intrigué pour qu’on exclue tes pauvres sœurs de l’école du théâtre.

CENDRILLON : Moi ?!... C’est toi qui oses affirmer ça ?...

Le ROI (tape furieusement le bras de son trône avec son sceptre) : Assez, vauriennes !!... Ne voyez-vous pas que la Princesse sanglote ?!... C’est comme ça que vous essayez de la faire rire ?...

Les TROIS JEUNES FILLES (Se taisent, mais elles se toisent avec des regards menaçants)

Le ROI : Allez tout de suite vivre heureuses et avoir beaucoup d’enfants ?!... Plus un seul mot !... Palsambleu !... Ministre ! Présente notre volonté royale !

CHEVAL FÉE : Comment voulez-vous que je la présente, Majesté, alors que je l’ignore ?

Le ROI : Tourne trois fois sur ton annulaire la bague qui voit les pensées – tu finiras bien par inventer quelque chose.

CHEVAL FÉE (la tourne, puis, s’écrie, heureux) : Hip hop, soyez là où je veux !... J’ai trouvé la solution idéale !... Abracadabra !... Que je sois transformé en grenouille verte, en vapeur blanche, si je ne l’ai pas trouvée. Jeveu l’aivé trourouvévé ! Jereux l’airai troutrouvévévé ! Cracbadaboum !

Le ROI : Tu vas le dire enfin ?

TOUS : On veut savoir !... On veut savoir !...

LA PRINCESSE (éclate en sanglots) : Pauvre de moi, pauvre de moi !

CHEVAL FÉE (fait l’important) : Eh chevaux fées ! Ménestrels ! Móricz ! Eh, tout le monde – vous, auteurs de cabaret aux yeux de cirage, au nez en tôle – hé toi, directeur de théâtre nourri de lait de coq et margarine de corneille ! Il est parti naguère, le journal tournant sur une patte de canard, tenter sa chance, lancer une question circulaire. Sa mère lui a fait cuire sous la cendre des fouaces bien tendres, des bugnes et des crampampoulis. Un jour le journaliste de naguère s’amène chez l’éditeur omnipuissant. Que manque-t-il à ton bonheur, mon vassal, lui dit l’éditeur omnipuissant – car chez moi trois années font un jour. Autrement dit, tu toucheras aujourd’hui en trois ans autant que tu as touché autrefois en un jour. Eh, Monsieur l’éditeur, dit le journaliste de naguère, c’est une affaire d’importance qui me conduit chez vous. En quoi consiste-t-elle, mon vassal ? Alors le journaliste de naguère expose à l’éditeur l’histoire de la tristesse de la Princesse Public, qui ne fait que pleurer et sangloter – on fait tourner un moulin à eau du flot de ses larmes…

TOUS : Vive la Princesse !

CHEVAL FÉE : Eh bien, c’est cela, justement, que vive la Princesse Public – mais de quoi ? Alors le journaliste astucieux a eu l’idée de faire rire la Princesse. L’éditeur omnipuissant lui répond là-dessus : mon cher vassal, il est énormément grand, le monde – qui doit donc faire rire la Princesse Public ? Cours vite jusque chez le voisin, l’union théâtrale – à sa porte tu trouveras ce László Beöthy[2] à sept têtes, peut-être aura-t-il une idée. Alors le journaliste de naguère partit, cahin-caha, sauta au dos d’un taxi ardent et lui dit : hip, hop, que je sois là où je veux. Mais le cocher à tête de chien lui répond : chez moi sept jours font une année, un liard fait quatre-vingts pengoes  – en as-tu autant ?!... J’ai sur moi deux livres avoirdupoids et demie de billets de banque, réplique le journaliste de naguère – cela vous suffira peut-être, sale voleur de poulets ? Tu as bien de la chance de m’avoir rendu hommage – répond le cocher à tête de chien – hip, hop, grimpe !... Et ils arrivèrent au-devant de László Beöthy à sept têtes. Bonsoir, Monsieur le Directeur !... ne manque-t-il pas de dire. Tu as bien de la chance de m’avoir intitulé le Nestor de la littérature dramatique hongroise – répond le directeur à sept têtes – sans quoi j’aurais coupé aussitôt tes avances ! Que me veux-tu ? Alors explique le journaliste de naguère : la tristesse et les pleurs sont grands en pays de Ongarie tronquée – elle pleure, elle sanglote, la Princesse Public – qui pourrait la faire rire ? Eh oui – réplique le directeur de théâtre à sept têtes – seuls mes braves humoristes en sont capables – sinon, à quoi serviraient-ils ? Va les voir, fais-toi accompagner de sept hallebardiers – mais veille à ne pas rire, sans quoi je te métamorphose en public au théâtre Feld. Alors partit le journaliste de naguère, il les pria de venir faire rire la Princesse Public. Ici finit mon histoire, vous la croyez si vous voulez.

Le ROI (se lève avec enthousiasme) : Je la crois, moi !... Il faut faire rire la Princesse Public !... Où sont donc ces gaillards hirsutistes ?!...

CHEVAL FÉE : Qu’en sais-je ? Ils étaient dans l’histoire.

Le ROI (tape trois fois dans ses mains) : Eh, Masure !... Va jusqu’à la grande route, proclame le message du roi Bendegúz… : Celui qui arrivera à faire rire la Princesse Public, obtiendra la main de ma fille et la moitié de mon royaume !... Mais le prétendant ferait bien de tourner sept fois sa langue dans sa bouche car s’il échoue à la faire rire, il sera empalé et son corps coupé en quatre morceaux cloués aux quatre coins de la ville !... Eh, bourreau, Jojo Cœur-de-Colombe !

Le BOURREAU (en chevrotant) : Me voici !...

Le ROI : Aiguise les pals – les humoristes arrivent !

Le BOURREAU : À vos ordres, Majesté – oh, comme je les plains !

Le ROI : Je déclare qu’en humour je ne plaisante jamais. La Princesse Public doit rire – même au prix de ma vie. On rira ici aujourd’hui. Pars, Masure !

MASURE : À vos ordres, Majesté ! (Il salue militairement et sort. Au dehors retentissent de trois cors, suivis du message royal.)

LA PRINCESSE (sanglote) : Oh mon Dieu, que va-t-il se passer ?...

Le ROI : Tais-toi, méchante fille ! Tu ferais mieux de tenir tes faibles côtes – tu vas rire aujourd’hui.

 

(Remue-ménage, préparations.)

 

La BELLE AU BOIS DORMANT : Oh, comme ça va être intéressant ! Les célèbres humoristes arrivent !...

BLANCHE NEIGE : Je leur demanderai des autographes !...

CENDRILLON : J’irai chercher l’humour même sous la cendre !

La BELLE AU BOIS DORMANT : Je me réveillerai de mon sommeil !...

L’OGRESSE AU NEZ DE FER : Moi, sage-femme diplômée au nez de fer, je les aiderai s’ils ont du mal à accoucher la chute de leurs blagues.

La BELLE AU BOIS DORMANT (à Blanche Neige) : Tu recommences à faire la coquette !... Tu auras du mal à leur faire avaler que tu es une oie blanche, à ceux-là !...

BLANCHE NEIGE : Ne crains rien – personne ne voudra te réveiller, toi !...

CENDRILLON : Ça, c’est sûr !...

La BELLE AU BOIS DORMANT : Toi aussi tu t’en mêles ?... Tu espères peut-être obtenir un rôle de Ferenc Molnár ?

CENDRILLON : J’en aurai un avant vous deux.

La BELLE AU BOIS DORMANT : Écoutez cette insolente !... Tu voudrais peut-être figurer dans Vie Théâtrale ?...

BLANCHE NEIGE : J’y serai avant vous deux !...

La BELLE AU BOIS DORMANT : On ne lui court pas après, nous !... Moi j’ai déjà été mise en musique !

BLANCHE NEIGE : Sur moi on a écrit une pièce !...

CENDRILLON : Moi, je suis devenue personnage de cabaret ! Moi, la première !...

Le ROI (tape furieusement le bras de son trône avec son sceptre) : Hé, ça suffit, ce boucan !... Je ne veux plus entendre le moindre bruit.

 

(Silence. Attente tendue.)

 

MASURE (revient).

Le ROI (se lève) : Alors, quoi de neuf mon cher serviteur ?

MASURE : J’ai porté et proclamé le message du roi – neuf journalistes l’ont aussitôt attrapé – s’ils l’ont attrapé, ils l’ont emporté – s’ils l’ont emporté, ils l’ont divulgué – s’ils l’ont divulgué, il fera son effet. Les cors attendent ici devant le palais : dès qu’arrivera quelqu’un ils le signaleront. Nous sommes prêts pour le tournoi !... Nous attendons l’arrivée des humoristes de contes afin qu’ils luttent pour la main de la belle Princesse Public !...

Le ROI (mornement) : Masure – devant la porte !

MASURE (salue et se retire).

JEANNOT PETIT POIS (dans un silence général, d’une voix sépulcrale).

 

La poule a grimpé sur le puits,

Ne me séduit pas ma rose

Parce que si tu me séduis

Je meurs de honte, morose.

Lâche-moi ma rose, lâche-moi

Aujourd’hui, ici on rira !...

 

TOUS (avec recueillement et solennité) : Aujourd’hui, ici on rira !...

JEANNOT PETIT POIS :

 

Même si nos mains s’arrachent,

Même si nous attrapons la rage,

Hip hop allez hop, au large

Rire ici sera notre charge !...

 

TOUS (résolus et enthousiastes) : Rire ici sera notre charge.

LA PRINCESSE (gémit) : Oh, j’ai peur !... Oh, j’ai peur !... Pauvre de moi, pourquoi suis-je venue au monde !...

JEANNOT PETIT POIS :

 

Jojo, va aiguiser les pals !

Pour empaler les réticents au rire !

On les enroule dans un drap de cheval,

On les empale, on les fait frire

Mes cheveux tremblent et se gondolent,

Nous entendrons plein d’histoires drôles.

 

TOUS (sombrement) : Nous entendrons plein d’histoires drôles

 

(Les cors retentissent trois fois, tous se taisent.)

 

MASURE (apparaît à la porte et claironne l’annonce les arrivants) : Jenő Heltai !... (Il reste à la porte.)

Le ROI (le regard sinistre) : Qu’il entre !...

La BELLE AU BOIS DORMANT : Oh, je suis tout excitée !...

HELTAI (entre à pas pressés, accompagné du bourreau, il se prosterne) : M’est-il permis de vous demander laquelle est la Princesse ?

Le ROI (la désigne) : C’est elle, Chevalier !

HELTAI : Ah oui, je la vois !...

La BELLE AU BOIS DORMANT : Tu entends ? Il a dit : je la vois !

BLANCHE NEIGE : Oh, qu’il est mignon !...

CENDRILLON : Je vais mourir de rire ! (Elles se donnent des coups de coude, elles ont du mal à se retenir de rire.)

HELTAI (à la Princesse) : Chère Princesse !

TOUS (pouffent de rire).

HELTAI (avec fermeté) : J’aimerais rétablir l’ordre : la plaisanterie d’abord, l’effet ensuite. Donc, vu qu’il s’agit de ma tête (Il se frappe la tête.), permettez-moi, conformément aux conditions, de présenter ma défense.

Le ROI : Silence !

HELTAI : Chère Princesse !... Avec la permission de ton très honoré père, le Roi simple mais honnête, je te raconterai l’histoire du mistigri. – Le mistigri, comme chacun le sait, est une simple carte au jeu.

TOUS (rient de bon cœur.).

HELTAI : Dans sa jeunesse il s’appelait Blau, mais comme il détestait les jeux de hasard, il jouait exclusivement des haricots comme les enfants, pour ne pas perdre son argent.

TOUS (pouffent de rire).

HELTAI : Mais le mistigri n’a pas eu de chance, le mois dernier il a perdu trois kilos de haricots et il a fait faillite. Alors il a juré de ne plus jamais jouer aux cartes ; sinon en toute innocence – pour de l’argent.

TOUS (rient de bon cœur.).

LA PRINCESSE (éclate en sanglots).

HELTAI (effrayé) : Qu’y a-t-il, pour l’amour de Dieu ?

LA PRINCESSE (sanglote) : J’ai compris qui était visé par ce poète triste, envahi de chagrin – le mistigri, c’est moi !... Pauvre de moi, pauvres de nous ! (Elle sanglote.)

HELTAI (effrayé) : Mais, chère… euh… Princesse – ne me faites pas ça !... Pas plus tard que ce matin, un journaliste m’a demandé pour son enquête dans quelle époque j’aimerais vivre… Je lui ai répondu, dans celle-ci – si cela m’était possible !... Mais apparemment (Il se tourne vers le bourreau.) – cela ne sera pas possible.

LA PRINCESSE (éclate en sanglots).

La BELLE AU BOIS DORMANT (effrayée) : Qu’est-ce qui ne va pas, ma petite Pub ?

LA PRINCESSE (sanglote) : Les splendides poèmes tristes de ce  maître me sont venus à l’esprit !... Hi hi hi… (Elle sanglote.)

Le ROI (sursaute) : Ma fille pleure !... Emmenez-le !

MASURE et le BOURREAU (encerclent Heltai).

Le BOURREAU (poliment) : Veuillez nous suivre, Maître.

HELTAI : Où ça ?

Le BOURREAU : Au pal !

HELTAI (amèrement) : On m’avait bien dit me faire porter pâle !

Les TROIS JEUNES DAMES (l’entourent) : Maître ! Un autographe, s’il vous plaît !...

HELTAI : Un dernier !... (Il écrit. Au bourreau.) Dites, ça ne fera pas mal ?

Le BOURREAU (avec douceur) : Pas davantage qu’une critique de Elemér Császár[3] dans Szózat.

HELTAI : Ah, c’est supportable !... Je les lis toujours à rebours !... (Il sort entre le bourreau et Masure.)

Le ROI (mornement) : Au suivant !...

 

(Les cors retentissent trois fois.)

 

MASURE (approche et annonce) : Zsigmond Móricz, poète des contes populaires !...

TOUS (joyeusement) : Vivat !...

Le ROI (joyeusement) : Enfin ! Celui-là, il réussira, il nous connaît si bien !

La BELLE AU BOIS DORMANT : Je suis bien curieuse de le voir ! Nous ne l’avons jamais vu au palais.

MÓRICZ (arrive accompagné du bourreau) : Bien le bonjour – comment va ?

Le ROI (avec dignité, mais affectueusement) : Le bonjour, vassal bien aimé. Qu’est-ce qui conduit tes pas en nos contrées ?

MÓRICZ (jette un regard autour de lui) : Eh ben ! Où c’est qu’on m’a emmené ?

Le ROI : Nous voulons que tu fasses rire notre fille, la Princesse Public toujours en larmes !... Nous te faisons confiance !

MÓRICZ (avance, trébuche dans les pieds et les tapis) : Laissez-moi faire ! Je suis comme chez moi ici, tel un petit cochon avec son groin de bois !... (Il se prosterne devant Jeannot Petit Pois.) Princesse d’une beauté sans pareille !...

TOUS (rient).

LA PRINCESSE (sanglote) : Oh, pauvre de moi !...

MASURE : Ce n’est pas lui la princesse, Monsieur Zsigmond.

MÓRICZ : Oh pardon, je suis un peu myope. (Il se prosterne devant l’Ogresse au nez de fer.) Oh, rose papillon, la plus belle des Princesses !...

TOUS (rient).

MASURE : Monsieur Zsigmond, c’est l’Ogresse au nez de fer !

MÓRICZ (se frappe la tête) : Ah oui, j’avais oublié ! Pourtant je l’avais noté !... (Il se plante devant le roi.) Que ce jour soit le plus beau de votre vie, belle Princesse !...

TOUS (rient).

MÓRICZ (craque nerveusement) : Qui êtes-vous alors, vieux Juif barbu ? (Il gémit.) Je ne connais personne ici, je ne m’y retrouve pas – où m’a-t-on emmené ?! Où suis-je ?!...

Le BOURREAU (avec douceur) : Dans la capitale des contes de fées populaires, dans le château tournant sur une patte de canard !...

MÓRICZ : Qu’est-ce que c’est cette rédaction qui siffle sur un arbre en cuivre ? En combien d’exemplaires vous tirez ? J’en ai déjà vu des rédactions, mais des chamarrées comme ça, jamais, arrêtez de me prendre pour un jobard – où se cache le rédacteur en chef ? Qui est le responsable des publications ?

LA PRINCESSE (sanglote).

MÓRICZ : Moi, on m’a promis que je toucherai vingt pourcents – et que je serais tout de suite traduit en allemand, anglais, espagnol, portugais et swahili, tant bien que malais. Ce n’est pas à moi que vous apprendrez la poésie populaire – je sais moi, ce qu’est une rotative à cache-cœur bridé tournant sur un pas de vis maternel !

LA PRINCESSE (éclate en sanglots).

Le ROI : Emmenez-le !...

MASURE et le BOURREAU (encerclent Móricz).

MÓRICZ : Où ça ?

Le BOURREAU : Au pal !

MÓRICZ : Au pal ?!... Ah, j’ai compris, ça doit être la section des livres. C’est là que je toucherai mes avances ?!...

MASURE : Des avances – postérieurement.

MÓRICZ : Bon, voyons ce contrat ! (Il s’en va allègrement, accompagné du bourreau et de Masure.)

LA PRINCESSE (sanglote).

Le ROI (désespéré) : Encore raté ! Qui va la faire rire, si pas même lui ?

 

(Les cors retentissent trois fois.)

 

MASURE (approche et annonce) : Ferenc Molnár, l’écrivain des mœurs budapestoises ! L’auteur de "Le Diable" ! Le poète de "Liliom" !

TOUS (avec une grande joie) : Enfin !...

La BELLE AU BOIS DORMANT : Oh, les enfants, je suis tout excitée !...

MOLNÁR (entre avec son monocle et le bourreau, il est rêche et orgueilleux) : Bonjour. Excusez-moi, j’ai beaucoup de travail. Je crois que nous pouvons régler notre affaire rapidement ici, en quelques phrases. Je vous en prie, restez assis. (Il cherche autour de lui.) Où est le roi ? C’est très bien, qu’il reste là où il est. En revanche, baissez un peu la lumière. Comme ça, ça ira. Par contre, les personnages secondaires, ça ne va pas. Les trois dames de la cour – avancez un peu – plus vite que ça.

Les PERSONNAGES (obéissent, effrayés).

MOLNÁR : Je veux du silence. Ici nous mettrons un peu de musique – du piano. Pour commencer la Princesse doit pleurer, pas trop intensément au début. Une lumière verte.

LA PRINCESSE (éclate en sanglots).

MOLNÁR : C’était trop fort. Avec plus de retenue. C’est bien. Bon, avançons. – Je veux du silence, je travaille. Sachez dès le départ que le prix de faire rire la Princesse, la moitié du royaume, je le veux en dollars. Quant à la main de la dame, j’y renonce – éventuellement Sándor Incze[4] pourrait être intéressé. – (Il s’adresse à la Princesse avec sévérité.) Pour l’instant ne riez pas, riez seulement quand je vous ferai signe. Nicht vor die Dienstboten[5]. Lumière rouge.

TOUS (le regardent ébahis).

LA PRINCESSE (sanglote).

MOLNÁR : C’est bon. Donc : le pauvre malheureux Liliom administre un soufflet à la mort et rit aux larmes de Andor, pendant que celui-ci rit si intensément que son cœur en est fendu. Je vais compter jusqu’à trois, et quand je prononcerai trois, on pourra rire. (Il tape dans ses mains.) Un – deux – trois !...

TOUS (rient à un rythme mécanique) : Ha !... Ha !... Ha !...

LA PRINCESSE (éclate en sanglots).

MOLNÁR (fâché) : Qu’est-ce qu’on fait là-bas ? On recommence la scène du rire, il y a eu des ratés. (Il tape dans ses mains.) Un – deux – trois !...

TOUS (rient à un rythme mécanique) : Ha !... Ha !... Ha !...

LA PRINCESSE (sanglote).

MOLNÁR : Je veux la Princesse toute seule…

LA PRINCESSE (sanglote).

MOLNÁR : Je vais taper trois fois dans mes mains, à trois vous riez !... (Il tape dans ses mains.) Un… Deux… (Il change d’avis, il place son pouce sur son front.) Attendons ! (À part.) Pourquoi devais-je m’exposer à des surprises ? Très peu pour moi. (À haute voix.) Mesdames, Messieurs, j’ai changé d’avis… À la Princesse, du point de vue de notre pièce, le rire sied mal. Laissons-la sangloter, en fin de compte ça me plaît davantage, ça met mieux en perspective le personnage principal.

LA PRINCESSE (éclate en sanglots).

Le ROI (se lève, tend le bras) : Emm

MOLNÁR (l’interrompt) : Laissez, je m’en occupe. (Au bourreau.) Le bourreau se place à côté de moi : comme ça, un peu sur la droite. Monsieur Masure avance d’un pas. Lumière bleue. Marche funèbre. Où est le pal ? C’est moi qui marche en tête, vous me suivez, Messieurs. Je vendrai la scène de mon exécution au Théâtre de la Gaîté… Ou plutôt au National… Non, ce sera mieux au Hongrois. Ou plutôt pas, laissons-la au National. On peut y aller, voilà. Rideau. (Il sort à pas solennels et vaniteux entre le bourreau et Masure.)

TOUS (sanglotent) : Oh, comme c’était beau… Oh, comme nous avons bien ri !... (Ils se frottent les yeux.) C’était épatant !...

 

(Les cors retentissent trois fois.)

 

TOUS (se frottent les yeux, puis lèvent la tête).

MASURE (approche et annonce) : Frigyes Karinthy.

Le ROI : Qu’il entre.

La BELLE AU BOIS DORMANT : On va bien rigoler !... « Ainsi vous écrivez »… On va mourir de rire !... Il en administre à tout le monde !... Et puis les Bulloks, les Oïhas, Farémido

 BLANCHE NEIGE : Mais ce n’est pas un humoriste, c’est au contraire un écrivain de la profonde tristesse… J’ai lu son œuvre intitulée "Douleur" !... Il rend hommage à tout le monde !

CENDRILLON : Je n’ai rien lu de lui… Je suis rongée de curiosité !...

KARINTHY (entre tout en se chamaillant avec le bourreau) : Fichez-moi la paix ! J’ai clairement dit que je ne participe pas à ce concours.

Le BOURREAU : Pourquoi vous êtes-vous inscrit alors ? Avancez – c’est trop tard pour reculer. (Il le traîne.)

KARINTHY (avance en traînant les pieds) : D’accord, je viendrai, mais pas tout de suite… Attendez un peu – je vais d’abord faire un saut ici à l’université de l’univers, pour achever mes études.

Le BOURREAU : Impossible – venez.

KARINTHY : Mais d’abord, je dois absolument écrire quelque chose – un article pour "Nyugat" – une blague pour "Borsszem Jankó" – un opéra pour l’Odéon de Paris – une lettre à Lloyd George – une scène de cabaret pour le théâtre de l’Avenue Andrássy – je l’ai promis… je l’ai juré… je me suis engagé… je reviendrai tout de suite après… je dois aussi terminer cette scène… que nous sommes en train de jouer ici… on n’a pas encore trouvé la fin…

Le BOURREAU : Impossible, vous devez participer. (Il le tire dans la salle.)

KARINTHY (se prosterne rapidement) : Bonjour, comment allez-vous ? Comment allez-vous ?

Le ROI : Que viens-tu faire ici, mon vassal très cher, dans cette contrée lointaine ? Tu dois faire rire ma fille, la Princesse Public.

KARINTHY : Ne pourrait-on pas d’abord… Bon, tant pis, soit. De quoi s’agit-il ? Qui est-ce qu’il faut faire rire ?

Le BOURREAU : La Princesse ! (Il la désigne.)

KARINTHY : Merci, oui, je la vois !... Que souhaite la Princesse ? Je sais faire des galipettes, je l’ai appris en quatrième B. Je sais faire le ventriloque, je sais chanter cocorico – je peux imiter le cri des animaux !... Attendez, par exemple – comment crie le dezsőszbó à points… ou le bélabalázs à houppe… ou le splendide oiseaukrúdy… ou le petit szomori douillet… Ça vous intéresse ? (Il forme un entonnoir de ses deux mains pour se préparer à faire ses imitations.)

LA PRINCESSE (fait non de la tête en sanglotant)

KARINTHY (cesse) : Vous voulez plutôt que je me fasse harakiri ?... Ou que je vous raconte ce que le bourreau m’a soufflé à l’oreille en entrant ? Ou que je vous dise le menu du déjeuner de demain ? Ou que je vous raconte l’histoire de ma vie ?

LA PRINCESSE (fait non de la tête)

KARINTHY (se tape la tête) : Tiens !... J’ai oublié le tonneau !

LA PRINCESSE (lève le regard)

KARINTHY : En effet, il était impossible de le tourner à la fin… Il était trop bombé, mais je crois qu’on pourrait tout de même le faire entrer dans le troisième acte. – Est-ce que vous savez, chère Mademoiselle, à quoi ça tenait ? – Vous allez rire si je vous le raconte !

LA PRINCESSE (écoute) : Comment ?

KARINTHY : J’aurais préféré vous le taire – mais maintenant je suis obligé de parler.

LA PRINCESSE (impatiente) : De quoi ?

KARINTHY : C’est une histoire affreuse – mais vous allez rire à la folie !...

LA PRINCESSE (trépigne) : Mais de quoi il s’agit ?

KARINTHY : Je ne peux pas le dire devant tout ce monde – je ne peux le dire qu’à vous en particulier. Vous rirez à la folie !...

Le ROI : Dites ! Dites !

KARINTHY : Impossible. – Sortez tous… Ou bien permettez-nous de sortir nous deux…

Le ROI (sursaute, scandalisé) : Emmenez-le !... Empalez-le !

KARINTHY (tristement) : J’ai toujours su qu’il n’est pas possible de parler confidentiellement avec des femmes… (Au bourreau.) Venez, cher collègue, profitez-en pour me lire les poèmes de István Lendvai[6], ça passera plus facilement ! (Il sort entre le bourreau et Masure.)

LA PRINCESSE (sanglote).

Le ROI (furieux) : Tais-toi !...

 

(Les cors retentissent trois fois.)

 

MASURE (approche et annonce) : Béla Szenes.

La BELLE AU BOIS DORMANT : Ah ! L’homme stupide !

CENDRILLON : Ah ! La fille riche !

BLANCHE NEIGE : Ah ! Le mari endormi ![7]

SZENES (entre avec le bourreau) : Votre serviteur !...

Le ROI : Dieu soit avec toi, jeune berger ! Fais rire ma fille Public, la Princesse en larme !...

SZENES : À vos ordres. (Prudemment.) La question est de savoir : qui sont déjà venus avant moi ?

BLANCHE NEIGE (pudiquement) : Pourquoi souhaitez-vous le savoir, Maître ?

SZENES : Comme ça. J’ai besoin de le savoir.

CENDRILLON : Heltai… Móricz… Molnár… Karinthy…

SZENES : Je vois. (Il feuillette son calepin.) Voudriez-vous énumérer pour moi les blagues déjà présentées par ces quatre humoristes ? J’ai besoin de le savoir. (Il sort de sa poche un crayon et une immense gomme.) Alors voyons, quelles blagues a dites Heltai ?

La BELLE AU BOIS DORMANT (tristement) : Ils n’ont pas dit de blagues.

SZENES (se réjouit) : Non ? Allons bon. (Il range son calepin, son crayon et la gomme.) Donc, Mesdames et Messieurs ! Écoutez cela. (Il se tourne soupçonneusement vers les trois dames.) C’est vrai qu’ils n’ont pas dit de blagues – vous ne me faites pas marcher ?

Les TROIS DAMES (enthousiastes) : Non ! Non ! Nous vous écoutons !...

SZENES : Donc. Un texte gai. Dis, Papa, qu’est-ce qu’on lance blanc et retombe fric ? – Ça, mon garçon, c’est le prix de l’œuf à Zürich.

TOUS (rient de bon cœur).

SZENES : Une autre. – Dis, Papa, qu’est-ce que c’est : si ça tombe, c’est Zürich, si ça monte, c’est l’œuf ? – Ça, mon garçon, c’est le prix de l’œuf blanc en jaune.

TOUS (rient de bon cœur).

SZENES : Une autre. – Dis, Papa, qu’est-ce que c’est : On le lance, c’est une noix, ça tombe, c’est… C’est, mon garçon ?…

LA PRINCESSE (interrompt un instant ses sanglots, lève la tête).

TOUS (le pressant) : Alors ? C’est quoi ?

Le ROI (plein d’espoir) : Alors, dis-le, mon ami…

SZENES : Voyons voir. On le lance, c’est une noix, ça tombe… Non, non. Ça tombe… On le lance, c’est la flèche de Dieu… Pardon, une seconde… On le lance, c’est la noix de Dieu… ça tombe… flèche d’œuf… on le lance, ça retombe… si ça tombe… (Il s’embrouille, sa voix se fait plaintive.) Si ça retombe, c’est du Molnár… si on le relance, c’est du Szenes… si ça tombe, c’est du Forray… (Il pleure.) Monsieur le Professeur, j’ai préparé, moi… Où est mon calepin ?... (Il cherche.) On le lance, c’est une vieille blague… Si ça tombe à plat, c’est la centième représentation…

LA PRINCESSE : Mon pauvre !... (Elle sanglote).

Le ROI (en sanglotant) : Emmenez-le, il me brise le cœur ! (Il se cache le visage.)

SZENES (en pleurant, au bourreau) : Maman !... (Il s’éloigne entre Masure et le bourreau.)

Le ROI (ému) : On le lance, c’est une noix… C’est en lui que j’avais le plus confiance…

 

(Les cors retentissent trois fois.)

 

MASURE (approche et annonce) : Ernő Szép

CENDRILLON : Oh, qu’il est mignon !

BLANCHE NEIGE : Notre meilleur ami !

La BELLE AU BOIS DORMANT : J’ai failli me fiancer avec lui – il est arrivé juste une minute plus tard que le prince charmant !...

SZÉP (Masure et le bourreau l’apportent dans des langes géants, à la bouche une tétine remplie d’encre, à la main une clochette qu’il ne cesse de secouer. – Ébahissement général, puis joie).

Les TROIS DAMES (pêle-mêle) : Qu’il est mignon !... Il est à croquer !... Qu’il est dodu !... Et puis ses fossettes !... (Elles accourent, elles l’arrachent des bras de Masure, puis l’une de l’autre.) Donne-le-moi !... Fais voir !... Petit Ernő… Petit Ernő

Le ROI : Ne sera-t-il pas trop peu développé pour faire un fiancé ?!... À supposer qu’il arrive à la faire rire ?...

JEANNOT PETIT POIS : Faites-lui confiance, Majesté, il n’est pas né de la dernière pluie !...

Le ROI : Alors d’accord. Il a passé par ici, il repassera par là… Mon serviteur bien aimé, Petit Poucet, fais donc rire la Princesse Public. – Jeunes filles, posez-le ici !... (Elles posent le nourrisson, le bourreau et Masure le soutiennent des deux côtés.)

SZÉP (d’une voix basse et virile, mais en zézayant) : Dadames, Messieurs – vous tous autour de moi !... La vie est un rêve – mon bonnet je soulève !...

TOUS (rient en tous sens) : Qu’il est mignon !... Comme il est adorable !... Il parle !...

SZÉP (agite sa clochette) : Da-di, da-di… Da-di, da-di… En-dre A-dy !... Hi, hi… Drelin drelin

LA PRINCESSE (le regarde, sourit presque).

SZÉP : niel Jób… Dániel Jób… Vi… vi… VilágRédréd.. rédaction… TálBlumentál

Le ROI (descend de son trône, s’approche) : Bébé ErnőGuili-guili… Ris !...

SZÉP : Pa… pa… Patika…

Le ROI : Ris… Guili-guili… (Il le chatouille.) Fais rire la Princesse… Quand tu seras grand, tu seras son fiancé…

SZÉP : Fi… fi… fiancé… Té… té… théâtre… Da-da-da. Eeee… (Il se met à brailler.)

Le ROI : Qu’y a-t-il ?... Pour l’amour du ciel !… (Il se penche plus près, brusquement, effrayé.) Emportez-le – emportez vite cet enfant – installez-le sur le pal !... (Le bourreau et Masure emportent aussitôt le nourrisson qui braille.)

Les DAMES (dans une grande confusion) : Quel dommage… Il était si mignon ! Ramenez-le !...

 

(Les cors retentissent trois fois.)

 

MASURE (annonce) : Lajos Kassák !...

CENDRILLON : Ah bon !... 

BLANCHE NEIGE : Qui c’est ?

L’OGRESSE AU NEZ DE FER : Attendez un peu ! Moi, je le connais !... C’est lui qui fait tourbillonner le vent.

KASSÁK (entre à pas décidés) : Dobri vetcher ![8]... Je veux dire, on quadrangule un bon soir à forte connotation dans l’axe universel.

Le ROI : Vous dites ?

KASSÁK : L’idéologie du quatrième ordre ne me permet pas d’y répondre. Mais, étant donné que les objectifs me sont connus, je détermine par la présente que ce qui se passe ici n’est que de la poésie populaire ordinaire, qui dans sa forme actuelle ne peut trouver sa place dans l’empoisonnement universel épanoui. Mais nous en sommes déjà convenus avec János Mácza. Il convient d’y remédier. Parce que, par exemple, le poème de Petőfi intitulé "Je suis entré dans la cuisine"[9], ça, c’est de la poésie populaire. Mais tel qu’il est écrit, il ne prête aucunement à rire. En conséquence, je vous présente la transcription que j’en fais :

 

Cuisinnement.

 

Cuisine.

Vraisemblance froide, rythme.

Inférence de lignes.

Possibilité de libre bombance.

Jeune boniche, réveillement du désir

Du modelage musculaire. Point. Demi X.

Halètement de la chienne de vie.

Rythmes !!! Rythmes !!!

Rythmes !!!!?;’-/

Tchoutchoum professoral !

Atchoum !!

Fillette glissant vers l’adolescence ?

Kriki-kraki, quoi t’as fait pour ça ?

Yeux. Iris + réflexe

- sacs lacrymaux

Sac crénenette, ninitte, nonotte.

Du gris ! Puant !

Hagada, hagada.

Ô, mon col, noir oiseau de souillure, toi !

Coït, coït, frottement

Tumultueux de corps rigides.

Pipe ! Volcan

Va, ho… oo… oppp !!! MOI. MOI.

Ho… oo… oppp !!

Ho ! Hisse ! Krrr !!...

Crôa-crôa !!!... (moi ?)

Corvidi

Corvida.

 

LA PRINCESSE (pleure bruyamment).

KASSÁK : Crévidi-crévida.

TOUS (se tordent de rire).

LA PRINCESSE (sanglote) : Crévidi-crévida.

Le ROI (s’étouffe de rire) : Emmenez-le !... Il est vraiment fou !

KASSÁK : Mon opinion frôle l’axe universel en rhombes encorbellants. (Au bourreau.) Allons-y ! Mes dernières paroles : abonnez-vous à "Ma"[10]. (Il s’éloigne avec le bourreau et Masure.)

 Le ROI : Et ma fille belle comme le jour continue de pleurer !!... Il n’y a personne qui saurait la faire rire !... Faites venir toute la ville, petits et grands… Que vienne István Bárczy[11]… ceux des villes et des villages… Appel à tous les humoristes au chevet de ma fille !... Personne n’apparaît ?... C’était la fin du défilé ?...

 

(Les cors retentissent trois fois.)

 

MASURE (annonce) : László TristeNoir !...

LA PRINCESSE (éclate en sanglot).

Le ROI (violemment) : Emmenez-le !...

MASURE (s’éloigne avec le bourreau. Ils laissent la porte grande ouverte.)

Le ROI : Qu’allons-nous devenir ? La situation est désespérée. Il convient d’élaborer un nouveau plan de bataille : les humoristes ne nous avancent en rien. Cheval Fée !... Convoque la Cour !

CHEVAL FÉE : Hé, les Maurice ! Les Igrice ! Hé, tout le monde !... Toute la Cour !...

TOUS (se rassemblent ; Masure et le bourreau reviennent également).

Le ROI (au bourreau) : As-tu fait ton devoir ?

Le BOURREAU : Oui, Sire, je les ai tous empalés. Ils sont tous alignés côte à côte, tels des cruches sur les pieux de la clôture.

Le ROI : Renvoie les souffleurs de cor – il faut convenir d’un nouveau miracle.

MASURE (va à la porte, crie) : Cornistes, vous pouvez disposer !...

 

(Les cors retentissent trois fois, puis silence.)

 

Le ROI : Hé, Cheval Fée ! Fais tourner ton anneau visionneur d’idées !... Nous nous sommes tous tordus de rire sauf la Princesse Public qui, elle, pleure toujours.

CHEVAL FÉE (à la peine) : Attendez un peu – (Il fait tourner son anneau. Tous l’entourent emplis de curiosité, y compris le planton, ce qui fait que pendant une minute la porte reste grande ouverte, sans surveillance. Apparaît alors Rip van Winkler, colporteur, une valise à la main. Il passe la tête par la porte, essaye de frapper, mais personne ne l’entend – entre petit à petit tout entier.)

RIP (se racle la gorge) : Bonjour la compagnie !... Je dérange ?... (Il frappe en l’air comme à une porte. Personne ne l’entend. Il crie plus fort.) Je vous souhaite le bonjour !...

MASURE (se retourne) : Qui êtes-vous ? Que voulez-vous ?

RIP : Pardonnez-moi… J’ai entendu dire que vous avez lancé un appel d’offres…

TOUS (se tournent vers lui. Pendant que Rip parle, ils vont occuper leurs places habituelles.)

Le ROI (avec résignation) : Comment tu t’appelles ? Pourquoi ne t’es-tu pas fait annoncer ?

RIP : Mon nom est Rip van Winkler, voyageur. Pardonnez-moi, la porte était ouverte.

Le ROI : Es-tu venu pour le concours ? Je n’ai jamais entendu ton nom. C’est toi qui veux faire rire la Princesse ?

RIP (étonné) : Moi, vous voulez dire ?... Il doit y avoir erreur. Moi, j’ai apporté des échantillons… Cela fait dix ans que je tente d’avoir l’honneur de vous rendre visite, mais j’ai toujours été refoulé… Dix ans, c’est long, vous savez – c’est depuis que je piétine devant votre porte… Mais il m’a toujours été répondu que dans cette ville trois jours font une année… J’ai donc fait mon calcul : cela ne fait que neuf jours et trois quarts… Ma société me vaut bien ça. Je suis de toute façon rémunéré au forfait, avec remboursement des frais.

Le ROI (étonné) : Mais d’où sors-tu ?

RIP : Comment ça, d’où je sors ? Quelle question ! Voilà dix ans, en 1912, je suis parti de Budapest, du siège de ma société, rue Dohány. J’ai dit à mon chef que je voulais dix pourcents… Il m’a répondu que c’était une blague, ça n’existait que dans les contes de fées… Je lui ai répondu que si ça existait dans les contes de fées, va pour les contes de fées, c’est là que j’irai… Là-bas on n’a jamais vu de tissus… Et les autres marchandises… Je tente ma chance… C’est comme ça que je me retrouve ici aujourd’hui, au-delà du bout du monde, dans ce château… Il faut toujours essayer, n’est-ce pas ?

Le ROI : Tu te moques de nous ?!... Déguerpis avant que je te fasse empaler !...

RIP : Écoutez, mon cher Monsieur… Avec moi on peut causer. Je vois que vous avez une fille, elle a sûrement besoin de fanfreluches.

Le ROI : Ma malheureuse fille n’a besoin de rien, sinon de sourire… Mais personne n’est en mesure de lui offrir cela. Saurais-tu la faire rire ?

RIP : Écoutez, je suis un homme sérieux, moi, ne vous payez pas ma tête. Il n’y a rien à rire dans ce que j’ai à vous dire. Mais si mes affaires vous intéressent, je suis à votre disposition. Je ne chipoterai pas sur les frais. Rien que pour le chemin de fer, de Budapest jusqu’à Baja j’ai dépensé trois couronnes quatre-vingts fillérs…

LA PRINCESSE (cesse de pleurer, ouvre de grands yeux).

Le ROI : D’où jusqu’où, dis-tu ?

RIP : De Budapest jusqu’à Baja. Ça, je le mettrai sur ma note de frais – le reste sera compris dans le forfait. Écoutez, je suis un homme sérieux en affaires. En 1902 j’avais un copain au lycée de commerce, le Pista Friedrich…

Le ROI : Qui ça, dis-tu ?

RIP : Le Pista Friedrich… Il disait toujours que le plus important dans les affaires, c’est le sérieux. Et de bien choisir sa branche.

LA PRINCESSE (refrène son envie de sourire).

RIP : Alors voilà. (Il ouvre sa valise.) Tenez – je peux montrer quelques tissus à la Demoiselle… Cette crêpe Georgette… Deux couronnes vingt fillérs le mètre…

LA PRINCESSE (ça lui échappe) : Combien ?

RIP : Écoutez, écoutez… Je suis un commerçant sérieux. Disons que pour vous ce sera deux couronnes tout rond… Je compte conclure cette affaire, c’est la fin du stock, demain je dois passer une nouvelle commande… Je passerai encore cette nuit dans les parages, demain je m’en retourne à Budapest… Il me reste encore cent cinquante mètres… Ces autres dames ici auront sûrement des besoins, elles aussi…

LA PRINCESSE (se met doucement à rire).

RIP (en colère) : Écoutez, Mademoiselle, il n’y a rien à rire dans ce que je dis… Je ne doute pas que certains concurrents vous proposent moins cher… Mais ça ne peut pas satisfaire une jeune dame comme vous…

LA PRINCESSE (s’abandonne au rire).

TOUS (ébahis) : La Princesse rit !...

Le ROI (enchanté) : La Princesse rit !

RIP (se fâche) : Qu’est-ce qui vous fait rire ? Vous trouvez ça trop cher ? Vous espérez trouver moins cher ailleurs ?... Écoutez, je vous garantis que dans tout Budapest…

LA PRINCESSE (rit de bon cœur).

RIP (crie) : Bon d’accord, ne dites pas que je suis radin… Je veux montrer à mon chef que j’aurai tout vendu… Même si cela m’a pris dix ans… Alors je vous compte le mètre à une couronne cinquante… Mais c’est mon dernier prix. C’est la somme pour laquelle mon chef pourra renouveler son stock…

LA PRINCESSE (se tord de rire).

TOUS (sont complètement ébahis).

RIP (vexé, fatigué) : Expliquez-moi au moins ce qui vous fait rire !

LA PRINCESSE (se tient les côtes) : Je ris… ha, ha, ha… je ris… oh, mes côtes… Je ris parce que j’imagine… ha, ha, ha… la tête que fera votre chef… à votre retour à Budapest… en comprenant… que vous avez vendu toute la marchandise… à une couronne cinquante… ha, ha, ha…

Le ROI (solennellement) : À son retour à Budapest ?!... Il ne retournera pas à Budapest !... (À Rip.) Mon fils – qui que tu sois et d’où que tu viennes – peu importe combien de temps tu as attendu à l’entrée de ce pays des fées : tu n’as pas attendu pour rien ! Tu as fait rire ma fille – la main de ma fille t’appartient, ainsi que la moitié de mon royaume !... (Il descend de son trône.) Faites-le asseoir à ma place !...

MASURE et CHEVAL FÉE (attrape Rip par la gauche et la droite et le conduisent vers le trône).

RIP (résiste) : Attendez… Attendez… L’offre paraît intéressante… La dot est convenable… Mais qu’en dira mon chef ?...

Le ROI : C’est qui, ton chef ?

RIP : La firme Klein et Blau.

Le ROI (s’esclaffe) : Klein et Blau ? J’y vais et je prends ta place ! Parole d’honneur, c’est bien plus intéressant que d’être roi au pays des fées ! J’y vais pour gagner une dot pour ma fille ! Adieu à tous ! (Il part, coiffe Rip de sa couronne et part en courant.)

RIP et la PRINCESSE (s’embrassent).

CHEVAL FÉE (avance jusqu’à la rampe) : Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants.

 

 

Rideau

 

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[1] Jen­ő Heltai (1871-1957)

Zsigmond Móricz (1879-1942)

Ferenc Molnár (1878-1952). Auteur de "Liliom"

Béla Szenes (1894-1927)

Ernő Szép (1884-1953)

Lajos Kassák (1887-1967). Écrivains, poètes, journalistes hongrois.

[2] László Beöthy (1873-1931). Directeur de théâtres.

[3] Elemér Császár (1874-1940). Académicien, critique littéraire.

Szózat : revue chrétienne traditionnaliste.

[4] Sándor Incze (1889-1966). Écrivain, journaliste.

[5] Pas devant les domestiques.

[6] István Lendvai (1888-1938). Écrivain et journaliste.

[7] "L’homme stupide", "La fille riche", "Le mari endormi" : Pièces de théâtre de Béla Szenes.

[8] En russe : "Bonsoir"

[9] Voir la traduction française de cette célèbre poésie (Traduction de Jean Rousselot). Éditions Gallimard, dans le texte de Karinthy intitulé "Futurisme"..

[10] Aujourd’hui.

[11] István Bárczy (1866-1943). Juriste, maire de Budapest.