Frigyes Karinthy :  "Dictionnaire simplet"

 

 

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mariage

(voir : pathologie cérébrale, procédure criminelle, difficulté respiratoire)

 

1. Contrat réciproque entre un homme et une femme par lequel ils se mettent réciproquement d’accord qu’à compter de la signature du contrat ils ne s’informeront plus sur les liaisons qu’ils auront. Celui ou celle qui transgresse cette clause, soit en rapportant à l’autre une liaison qu’il entretiendrait avec untel ou une telle, soit en le lui faisant savoir par une voie détournée, soit encore qu’il ne veille pas suffisamment à ce que l’autre cesse de l’ignorer, celui-là ou celle-là commet l’adultère que le Code pénal réprime d’un châtiment singulier, appelé sacrifice humain. La femme surprise dans l’adultère est punie par le mari lui-même. Dès qu’il surprend sa femme, il saisit un bâton et il en transperce le séducteur, le canapé et le trou de la serrure à travers lequel il a été témoin de cet adultère. Comme on peut le constater, cette punition se base sur la jurisprudence archaïque et naturelle en vertu de laquelle, si moi, quelqu’un me frappe avec sa canne, alors je lui prends sa canne et je lui rends la pareille. Ou encore un autre exemple : mettons que j’aie une tumeur sur le ventre, alors je sépare mon ventre de la tumeur, et alors la tumeur peut aller se cacher de honte, elle n’aura plus rien sur quoi nuire et faire mal. Ou bien, si c’est ma dent qui me fait mal, j’arrache ma bouche de ma dent. Ou encore, si quelqu’un me vole ma montre en or et l’emporte au mont-de-piété, moi, je vais gifler le mont-de-piété en tous sens, j’en casse les cheminées, j’en brise les carreaux, je le provoque en duel, je le tue d’une balle, je le poignarde. Cette procédure est très vieille et très juste ; dans le cadre de la vie conjugale on la retrouve jusqu’à nos jours dans sa forme archaïque ; si par exemple un petit garçon vole une prune par gourmandise, sa maman le prend par la main et lui dit : « Gosse dépravé, c’est avec cette main que tu as péché par gourmandise ? Hein ? » Elle lui frappe la main par punition. Ou si l’enfant fourre son doigt dans son nez, sa mère attrapera le doigt et dira ces mots : « C’est ce doigt que tu t’es fourré dans le nez ? Hein ? » Elle lui frappe le doigt par punition. Le mari trompé procède de la même façon avec un sens juridique que l’on n’admire pas suffisamment lorsque, après que sa femme lui a planté des cornes, il attrape l’amant et dit à sa femme : « Femme dépravée, c’est avec celui-là que tu m’as trompé, hein ? » Et il poignarde l’amant par punition.

Le code pénal reconnaît également l’absolue légitimité et la pertinence judiciaire de cette procédure, en octroyant a posteriori sa bénédiction distinguée à la sentence de mort exécutée par le mari. D’éminents juristes sont en train de plancher sur un projet de loi qui, dans le but de raccourcir cette procédure actuellement un peu laborieuse, se baserait sur une inversion de la procédure présente pour lui assurer un déroulement plus rapide. En effet, en vertu du nouveau code du mariage le tribunal commencera par acquitter les maris, au cas où ; ensuite le mari, en tant qu’exécuteur, la sentence d’acquittement du tribunal à la main, remplissant tout à la fois la fonction d’autorisation de port d’arme, d’attestation de la police, de laissez-passer militaire, de carte d’accès gratuit au tramway et d’abonnement demi-tarif au cinéma, rentre tranquillement chez lui et, faisant appel à une intervention éventuelle de l’armée, exécute la sentence sur la personne de l’amant ; après tout cela la femme pourra s’adonner à l’adultère, et la procédure légale en sera achevée.

2. D’une manière générale on distingue deux types de mariage, à savoir, le mariage simple et le mariage mixte. Ce dernier s’entend par l’union entre un homme et une femme. Dans de tels mariages l’adultère est également mixte dans la mesure où la femme trompe son mari dans la mixité. Le mariage est précédé par des fiançailles, procédure au cours de laquelle le fiancé présente un anneau ayant une signification symbolique : Dieu me torde tel cet anneau si je suis indigne. Une maladie caractéristique des gens mariés est l’éruption nommée enfant, qui se manifeste à un moment donné à la surface de l’épiderme et qu’il est très difficile d’éliminer. C’est une maladie contagieuse que les mariés attrapent l’un de l’autre en période de forte chaleur.

 

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