Frigyes Karinthy : Théâtre
Hököm
Le cas du docteur Fuksz
Conseil tenu
par :
Le foie, le rein, le poumon, le cœur, l’estomac, la
vésicule biliaire, etc.
Le pancréas agite sa
sonnette. Monsieur le
Président demande la parole.
Le cœur, vite. J’ouvre la séance, je
salue les participants. C’est pour des raisons d’une
actualité brûlante que j’ai convoqué ce conseil
des ministres extraordinaire, pour aborder le cas d’un de nos excellents
confrères.
Le rein souffle à
l’oreille du foie. Que
dis-tu de ce style prétentieux ?
Le foie fait la moue. Laisse faire le vieux… Son
unique joie c’est de faire l’important. S’il
n’était pas là !
Le rein. Avec sa figure compassée ! Tu
entends la systole ? Horrible ! Ça écorche aux
oreilles.
Le foie. Mon vieux, si je ne faisais pas mon travail,
il n’aurait pas bougé le petit doigt pour empêcher la Krepecska, notre patrie bien aimée, de crever. Tu te
rappelles, dans le temps, au cours du premier mois, il était question
que j’assume la circulation sanguine… Non, merci. Qu’il
s’en charge, lui. Je n’ai pas cette ambition. Cela sied mieux
à une grande gueule, à une nature exubérante. Il faut de
l’estomac pour ça.
L’estomac se tourne
vers lui. C’est
à quel sujet ?
Le foie en toute
innocence. Je ne parlais pas
de toi, cher confrère. Je suis en train de développer à
mon voisin la misère qui règne dans nos provinces. Nous ne
recevons pas suffisamment de protéines. Il paraît que le
côlon est incapable d’obtenir suffisamment de lipides, le fonds de
réserve digère tout.
L’estomac. Excusez-moi. Il se détourne.
Le rein se met à
rire. Tu es fort quand il
s’agit d’éreinter.
Le foie verdit. Tu me parais un peu bilieux, mon beau.
Le rein rit. Moi ? Regarde-toi dans la glace.
Le pancréas agite sa
sonnette. Silence, Messieurs.
Le cœur poursuit. L’affaire ne supporte aucun retard, il
convient d’agir de toute urgence. Sa Grandeur… Il se prosterne
légèrement.
Le poumon. Vive Lobe Frontal, matière grise
centrale, notre souverain bien aimé !
L’estomac souffle
à l’oreille de l’appendice, son secrétaire
d’État. Regardez-moi
ce fayot !
L’appendice, avec un
rictus poli. Il est ridicule,
n’est-ce pas, Monsieur ? Monsieur le Poumon a toujours
été un homme de cour.
L’estomac. Un lèche-bottes, oui. Il est capable
de suspendre sa respiration si (ironiquement) Madame a l’idée de… Que ma
femme essaye un jour de m’ordonner de suspendre la digestion, si je ne le
veux pas…
Le pancréas agite sa
sonnette. Messieurs, si vous
ne faites pas silence, je me verrais contraint de secréter de
l’acide…
Le cœur en cliquetant,
d’un bruit un peu minéral. Bref, Sa Grandeur, selon le rapport confidentiel de mon bureau de
presse, Noyau du Myélencéphale, caresse l’idée de
lancer de nouvelles négociations en notre nom et dans nos affaires
intérieures – avec le Docteur Fuksz.
Tous,
s’emportent. C’est
inouï !
L’estomac. Encore ce Fuksz !
Le rein. Lui qui l’an dernier a bien failli me
démolir !
Le foie. Lui qui a dissuadé notre souverain
d’importer de la viande. Je ne suis pas d’une nature sanguinaire,
mais si de nouveau on permet à cet individu de se mêler de nos
affaires, ici tout partira en quenouille – je ne suis pas prêt
à en assumer la responsabilité !
Le rein. L’atmosphère est
révolutionnaire parmi les cellules !
L’estomac. Mes chers électeurs, ou plutôt,
mes chers sécréteurs, les glandes, me reprendraient mon mandat.
Le foie. S’il faut absolument inviter
quelqu’un, je préfère la venue de ce psychanalyste qui, il
y a six mois, a prouvé à Sa Grandeur que le nodule sur mon
cholédoque a pour origine que Sa Grandeur, il y a trente ans,
était amoureuse de son cousin.
Liesse orageuse.
Le pancréas agite sa
sonnette.
Le cœur. Messieurs, Messieurs, du calme ! Nous
devons garder notre sang-froid et mener une réflexion
pondérée, si nous voulons être en mesure au moment crucial
de défendre les intérêts de notre coopération
constitutionnelle.
La rate se fâche, tape
sur son banc. Jolie
constitutionnalité ! Absolutisme manifeste ! Le chef de
l’État traite avec des États étrangers sans nous
consulter !
Le poumon. Pour l’amour du ciel ! Du
calme ! Quel ton !
Le foie, à
mi-voix. Vieil
œdémateux !
Le cœur
élève la voix. S’il
vous plaît, écoutez-moi, on ne peut pas travailler comme
ça. Si Sa Grandeur s’est résolue à cette mesure,
c’est parce que ces derniers temps elle décèle certaines
irrégularités dans les affaires de Vésicule Biliaire.
La vésicule biliaire,
étonnée. Moi ?!...
Je n’ai pas dit un traître mot ! Qu’est-ce que vous me
voulez ?
Le cœur. Lors de la dernière auscultation de
notre patrie bien aimée, Madame Krepecska,
tenue par le Docteur Kovács, certains soupçons ont surgi.
La vésicule biliaire
rougit. Je proteste !
J’exige un contrôle ! Un conseil de discipline !
Vérifiez mon budget !
Le cœur. Il est question de certains calculs
retenus !
La vésicule
biliaire. Mensonges !
J’ai tout livré avec précision ! Calomnies !
Monsieur le Foie ne m’a même rien viré…
Le cœur. Vous savez, les soupçons ne
proviennent pas de nos rangs. Nous traitons démocratiquement les
affaires les uns des autres.
L’appendice
vermiculaire crie. Nous
préservons notre indépendance !
Liesse
générale/
Le cœur. S’il s’avère que l’accusation
est sans fondement, nous préviendrons le chef de l’État que
ses conseillers l’ont induit en…
La rate. Ils l’induisent volontairement en
erreur ! C’est ridicule ! C’est à cause de la
corruption à la cour !
Le poumon,
indigné. Messieurs,
Messieurs !
Un globule sanguin en rouge
de service avance discrètement derrière l’Estomac et lui
chuchote quelque chose.
L’estomac,
nerveusement. Qu’est-ce
que vous voulez ?
Le globule sanguin en
chuchotant. Monsieur, un
transport important de chocolat aux noisettes vient d’arriver.
L’estomac. C’est inouï ! Nous sommes en
retard, même pour les brioches de l’après-midi ! Au
foie. Dis, tu ne pourrais pas reprendre cent grammes de graisse
végétale ?
Le foie. Je regrette, j’ai trop de tout.
Récemment on m’a livré de l’alcool de contrebande,
pendant deux jours tout le ministère s’est trouvé
chamboulé. Virez-moi ça !
L’estomac, au globule
sanguin. Qu’on
téléphone pour de la pepsine ! Il est là, le
téléphoniste ?
Une cellule nerveuse. À vos ordres, Monsieur.
Le globule sanguin salue
sans un mot et s’en va.
L’estomac. Téléphonez pour de la pepsine.
La cellule nerveuse
s’incline et part.
Le cœur,
nerveusement. Je n’ai
pas bien entendu dans ce boucan… Quelqu’un a parlé de
corruption à la cour… Je mets ces Messieurs en garde avec
vigueur…
La rate sursaute. C’était moi !
J’assume ce que j’ai dit ! Je ne parle pas à la
légère ! Je peux prouver avec des documents que le ministre
des affaires étrangères…
Brouhaha général.
Le poumon, en extase. Veuillez ne pas mêler la personne du ministre
des affaires étrangères à ce genre de…
La vésicule biliaire
tambourine sur la table. Mais
si ! Mais si ! Justement ! C’est un secret de polichinelle
que le ministre des affaires étrangères influence en secret le
chef de l’État… dans l’intérêt de ce
Docteur Fuksz ! C’est un joli ministre des
affaires étrangères ! Un intrigant, un courtisan, oui !
Il ferait mieux de s’occuper de sa charge ! Il fait au mieux une
apparition par mois dans son bureau !
Le poumon,
méprisant. Enflure !
La vésicule biliaire. Enflure vous-même ! Moi
j’en suis peut-être une, mais vous en êtes cent mille !
Éponge animale ! Reptile !
Le poumon pâlit. Monsieur le Président…
Le pancréas agite
désespérément sa sonnette.
Le cœur. Par le ciel, Messieurs ! Prenons
garde ! Si même ici, au conseil des ministres, s’installe
cette ambiance révolutionnaire, que pourrons-nous attendre du
pays ?
Le foie, très
indigné. C’est
le pays qui attend de nous cette révolution ! Oui, le pays avant
tout. Le pays est plus que le souverain. Et si c’est le souverain qui
veut mettre en danger le pays avec ce Fuksz, alors
moi je dis : que lui périsse plutôt que la patrie !
La rate. Vive la république !
Le foie. Vive Madame Krepecska,
notre patrie bien aimée !
Le poumon crie plus fort
encore. Notre patrie bien
aimée – ayant viré Cervelle – à l’asile
de fous !
La rate. Mieux vaudra une vie saine, heureuse,
végétative à l’asile – que la situation
actuelle où le souverain traite avec des Docteurs Fuksz,
au point de mettre le pays en faillite ! Nous mettre en faillite !
L’intestin
grêle. Messieurs, je
demande la parole. Je serai bref.
Le cœur, au
téléphone. Messieurs,
un instant ! C’est mon oreillette qui m’appelle, elle a
créé une liaison secrète avec le bureau du cabinet…
Nous allons être en mesure d’écouter Sa Grandeur… Elle
parle justement avec Fuksz.
Tous se taisent,
sidérés.
Le cœur tient le
téléphone à la main, on entend doucement. Ils tendent
l’oreille.
La voix de Madame veuve Krepecska. « Enfin
je vous ai, cher Docteur ! Je me sens très mal. »
La voix du Docteur Fuksz. « Du
calme, du calme, chère Madame ! On va voir. De quoi
souffrez-vous ? »
La voix de Madame veuve Krepecska. « C’est
encore ma vésicule. J’y ai mal en continu. »
La vésicule biliaire,
en chuchotant. Quelle
insolence ! Je n’ai pas dit un mot ! Une sorte
d’émanation de la gauche. Tonus musculaire !
La voix du Docteur Fuksz. « Chère
Madame, je vous l’ai déjà dit. Je ne partage pas le
diagnostic du Docteur Kovács. Le cliché est flou, on ne peut pas
se baser dessus. Le mal ne provient pas de la vésicule
biliaire. »
La vésicule biliaire
donne un coup de coude au foie. Qu’est-ce
que j’ai dit !
La voix de Madame veuve Krepecska. « Aïe,
un nouvel élancement ! »
La voix du Docteur Fuksz. « Un
élancement, je comprends, mais pas dans la vésicule. Le dernier
examen m’a rendu cela tout à fait clair. Ne craignez rien. Solennellement.
C’est votre rein qui est atteint. »
Le rein sursaute. Quoi ? C’est moi qu’il
incrimine ?
Le cœur, avec une joie
maligne. Silence,
Messieurs ! Écoutons !
La voix du Docteur Fuksz. « Et
ceci n’a pas une cause aiguë. Vous avez eu une angine grave, ce que
votre faible poumon… »
Le poumon rougit. Alors là !
Le foie, avec une joie
maligne. Attendons un
peu… Le fayot aussi va morfler !
La voix du Docteur Fuksz poursuit. « … et en outre le fonctionnement du foie aussi est
passablement dégradé… »
Le foie lève le
poing. Merde alors !
Le cœur,
vigoureusement. Laissons-le
parler, Messieurs !
La voix du Docteur Fuksz. « …
l’organisme a eu beaucoup de mal à l’absorber. Il ne
m’a pas écouté, pourtant dès ce jour j’avais
préconisé de la digitaline pour stimuler la fonction cardiaque
insuffisante, voire irrégulière et non fiable… »
Le cœur raccroche le
téléphone. On
ne peut pas supporter cela plus longtemps ! Il frissonne.
Pouah ! De la digitaline ? À moi ?
Tous, dans une grande
confusion. C’est
inouï ! Il faut agir ! Le chef de l’État…
Plutôt la révolution !
Le cœur,
pâle. Messieurs,
patience ! C’est évident, il faut faire quelque chose.
Le foie, ironiquement. Où se trouve en pareil moment le
ministre des affaires étrangères ? Où est-ce
qu’il crèche ?
Le rein, ironiquement. Il intrigue contre nous au bulbe
rachidien ! Il envoie hormone après hormone avec des messages
secrets…
Le foie, ironiquement. Il a trop de temps libre ! Tant que Krepecska, le mari, était en vie, il se faisait plus
petit !
Le cœur agite la
sonnette. Je demande votre
attention ! Nous devons agir. Des négociations secrètes de Fuksz avec notre souverain, il est apparu que tout ce
conciliabule est dirigé contre nous.
Le foie. Enfin, il le reconnaît !
Le rein. Il veut me faire retirer – notre
président, il veut le supprimer avec de la digitaline !
La rate. Que faire.
Le rein et le foie,
ensemble. Ultimatum !
Déclaration de guerre !
Ils tapent tous la
table. C’est
ça ! À bas Fuksz !
La rate. Nous devons montrer que
nous pouvons nous défendre à tout prix – s’il le
faut, même en attaquant ! Il faut le mettre hors de combat avant
qu’il ne nous détruise.
L’estomac. Vive la guerre ! À bas Fuksz !
Le poumon, suppliant. Messieurs, Messieurs, peut-être
ont-ils raison ? Mais comment imaginent-ils cette guerre sainte sans une
cohésion interne ? C’est seulement sous le drapeau de Sa
Grandeur que nous pouvons espérer la victoire !
Le rein. Mais c’est justement elle qui…
Le poumon. Quelqu’un devrait assumer une
médiation.
L’estomac,
soudainement. C’est
juste ! Vive l’impérialisme ! Nous sommes beaucoup trop
à l’étroit dans nos frontières.
Le poumon. Que voulez-vous dire ?
L’estomac,
crânement. Il convient
de réveiller en le chef de l’État ce vieux
rêve… le rêve de Madame Pan-Krepecska…
L’illusion de Madame Grande-Krepecska…
Pour réaliser cela, il faut… il faut faire son affaire à Fuksz…
Le foie, taquin. Qu’on n’en fasse qu’une
bouchée !
L’estomac,
gonflé d’excitation. Écoutez… Écoutez… Ce sont des expressions de
mauvais goût, il devrait plutôt s’agir
d’annexion… Il faudrait annexer Fuksz
à la Krepecska, notre patrie bien
aimée… Éventuellement sous forme d’union
personnelle… Il y a déjà des précédents
historiques… Ce n’est pas le nom qui compte… Nous pourrions
même donner le nom de Fuksz au pays qui
naîtra après cette campagne victorieuse… Ça sonnerait
très bien : Madame Fuksz… On aurait
absorbé Fuksz tel qu’il est… Il
déglutit.
Tous, enivrés. Vive la grande guerre ! Liesse
générale, ils sautent de leur chaise.
Le cœur, avec
l’orgueil d’un chef de guerre. Attendez, il faut d’abord conquérir le pays ennemi !
Tous. C’est ça ! Il faut le
conquérir ! Vive Cœur, notre chef de guerre !
L’estomac. Notre président doit
immédiatement entrer en contact avec le chef de l’État et
essayer de le convaincre qu’à l’heure actuelle cette
campagne conquérante est plus avantageuse que tous ces menus
intérêts et soucis qu’il négocie avec Fuksz.
Le cœur, pris
d’un feu juvénile. Je
vais tout de suite faire le nécessaire. Il prend l’autre
téléphone. Allô ! Allô !
Général Aorte ? Mobilisez sur le champ deux milliards de
globules rouges ! Il est éventuellement possible d’habiller
cinq cent mille globules blancs. Merci. Cela fait combien ? Entrez en
contact avec Moelle osseuse. Convoquez la réserve votée
l’autre jour pour un exercice chez les cadres. Allô !
Ventricule gauche à rétrécir… La veine à
ligaturer… À toute vapeur ! Ça marche…
Merci… Il va à l’autre téléphone. Silence,
Messieurs, je veux appeler le chef de l’État.
Attente tendue.
La voix de Madame veuve Krepecska. « Aïe…
mon cœur ! »
La voix du Docteur Fuksz. « Attendez
un peu… On va l’ausculter… »
Pause.
Le cœur chuchote avec
verve et force au téléphone. Majesté… Allô… c’est moi… je me
présente pour une audience… Je veux vous dire que ce Fuksz… garçon qui présente bien…
quand il penche la tête sur sa poitrine… un brave homme… on
dit d’ailleurs que l’année prochaine… il sera
nommé… professeur… Il repose lentement le
téléphone. Tous les yeux sont fixés sur lui. Puis
le cœur reprend le téléphone pour qu’ils
l’entendent.
La voix douce de Madame
veuve Krepecska. « C’est intéressant. Brusquement je n’ai
plus mal. C’est tellement bien. Restez, auscultez-moi encore un peu. Tant
que vous le faites, je n’ai plus mal. »
La voix fière du
Docteur Fuksz. « Oui, le fait de vous savoir en de bonnes mains… Une
réponse réactive. (Il devient un peu incertain.) Il
n’empêche que c’est bizarre… Je n’entends plus ce
bruit… quand le pouls est plus fort… Peut-être le mal
était-il quand même dans le cœur… »
La voix de Madame veuve Krepecska. « Ou
peut-être… »
La voix du Docteur Fuksz, gêné. « Mais tout de même, je crois que… quand
j’y pense… vous avez simplement un problème avec les
nerfs. »
Le cœur,
victorieux. Les nerfs !
Nous y sommes !
Ils se massent tous autour du
téléphone.
Le rein,
excité. Messieurs,
silence ! Le télégraphe radio est branché… On
entend et on voit tout, des affaires intérieures du pays ennemi.
Silence, tout le monde dresse
l’oreille.
L’estomac chuchote
malicieusement. Vous entendez ?
Ce sont les poumons de Fuksz.
Le poumon, avec
supériorité. C’est
assez saccadé… Un début d’asthme… Un repli du
côté droit… Une caverne sur l’aile gauche…
L’estomac. C’est le cœur de Fuksz.
Le cœur,
écoute. Pas fameux. Le
deuxième bruit est estompé… La systole est
troublée… Ça ne va pas être difficile.
Le rein. Son rein est attaqué.
L’estomac. Ce n’est pas la forme.
La vésicule biliaire
avec malice. Prescrivez-lui
de la digitaline !
La rate. Chut… La voix du ministre ennemi des
affaires étrangères… Olé !
Tous rient.
Le cœur. Messieurs, silence ! Ils
écoutent.
La voix plaintive de Madame
veuve Krepecska. « Eh oui, vous savez… Mes nerfs… C’est
bien possible… Vous savez, Andor, quand on est toute seule…
toujours seule… »
La voix rêveuse du
Docteur Fuksz. « C’est vrai, je comprends, on n’est pas bien
tout seul… C’est aussi mon cas… »
Le cœur repose le
téléphone. Solennel. Messieurs, nous avons gagné la première bataille !
L’estomac mime une
plainte. Eh bien, cette fois
tout me tombe dessus !... Il va au téléphone, il fait
l’important. Allô ! Allô ! Passez-moi Monsieur
Pancréas. Prévoyez les compléments nécessaires. Les
sécrétions particulières. Il doit s’agir de produits
spéciaux… Du saumon, du crabe ou similaire. Il se tourne
négligemment vers la vésicule biliaire. S’il te
plaît, tu veux bien… un peu de bile Bx…
Plus tard, autour de dix heures, on pourra compter sur du champagne… Le
Docteur Fuksz et Madame Krepecska
dîneront ensemble.
Rideau.