troisième acte

 

Demain matin

 

 

deuxiÈme ACTE

 

L'intérieur d'un hangar: au milieu un aéroplane muni de deux paires d'ailes. À gauche le mur s'ouvre sur un atelier avec établis, outils. À droite une porte coulissante, par terre des pièces de rechange. Le hangar est fait de panneaux de bois qui s'emboîtent, avec un toit à deux pans. Au milieu est suspendue une lampe à pétrole, à portée de main. À droite une table en bois. Il est six heures du soir, au mois  de mars et on aperçoit les rayons du soleil couchant à travers les fentes du mur en  bois. Les acteurs peuvent entrer par les côtés ou par-devant : le hangar occupe presque toute la longueur de la scène et donne sur la salle. Stepan, le monteur, travaille dans l'atelier, il s'affaire avec marteau et perceuse, son bleu de travail est sale, ses mains, son visage, sont tachés d'huile. Devant, Sándor Lhomme, portant un blouson d'aviateur, une casquette de sport, discute  avec deux officiers ; l'un est lieutenant et l'autre est capitaine.

 

LE CAPITAINE : Alors, tout est en ordre, n'est-ce pas ?

LHOMME (très doux et poli. Il s'efforce d'être attentif à ses interlocuteurs, sans toujours réussir. Parfois il regarde distraitement devant lui sans entendre la question qu'on lui pose) : Tout est en ordre, mon capitaine. Plus tard, je ferai venir les documents du quartier général.

LE CAPITAINE : Nous viendrons demain matin, et nous assisterons au vol.

LHOMME : Je serai là, Messieurs.

LE LIEUTENANT : N'oubliez pas, Monsieur l'ingénieur, de passer cet après-midi au quartier général.

LHOMME (pensif) : Demain... demain après-midi, n'est-ce pas ?

LE LIEUTENANT : Oui, oui, faites donc un saut au bureau et demandez-moi. Je vous guiderai.

LHOMME (pensif) : Demain... demain après-midi, n'est-ce pas ?

LE CAPITAINE : Alors... vous restez encore ?

LHOMME : J'ai encore à régler quelque chose sur l'engin.

LE CAPITAINE (amicalement) : Eh bien... Du courage. Faites attention à vous, parce que l'armée peut avoir besoin de votre vie.

LHOMME (le regarde et sourit) : de ma vie ? Comment ? Comme s'il fallait que je la donne ? Ou qu'elle puisse rester avec moi, tant qu'on n'a pas besoin d'elle.

LE CAPITAINE : Je ne comprends pas.

LHOMME (regarde devant lui) : Eh bien... si quelqu'un a besoin de quelque chose... il le prend... Si quelqu'un a besoin de ma vie, c'est pareil, n'est-ce pas ?

LE CAPITAINE : Allons, ne vous en faites pas, Au début tous ceux qui se retrouvent dans l'armée ont la trouille, et disent des bêtises. Mais ils deviennent les meilleurs soldats. (Il fait le salut militaire) Je vous salue.

LHOMME (s'incline) : Serviteur, Messieurs.

LE LIEUTENANT (fait le salut militaire) : Au revoir. (Lhomme accompagne les deux officiers à la porte coulissante et puis, plongé dans ses pensées il revient ; on entend le bruit de la voiture qui s'éloigne.)

LHOMME (avance jusqu'au milieu de la scène. Doucement, presque suppliant.) Stepan !

STEPAN (barbouillé d'huile, sort de l'atelier) Eh bien, quoi ?

LHOMME : Arrêtez-vous un peu, Stepan. Tout sera prêt pour demain matin. (Il s'assoit sur une hélice cassée.) Vous avez terminé la douille coulissante ?

STEPAN (s'assoit sur un billot sous l'aile de l'avion) : Allez la voir, Monsieur l'ingénieur.

LHOMME : Qu'en pensez-vous, Stepan, quelle sera la météo demain ?

STEPAN : On aura un bon petit vent du nord durable.

LHOMME (pensif) : Non, je veux dire... est-ce que vous pensez que demain il y aura du soleil... ou le ciel se couvrira... ou il pleuvra... ?

STEPAN : Qu'est-ce que c’est pour nous un peu de pluie... j'ai bien goudronné la Marinette... (Il tapote le côté de l'engin comme le poitrail d'un cheval) Même la grêle, elle ne la craint pas cette fifille, il faut seulement la chevaucher à cru.

LHOMME : Et à midi ?... Qu'en pensez-vous, Stepan... il fera du soleil, comme d'habitude ?...

STEPAN : Pourquoi diable, n'y aurait-il pas de soleil ? Mais cela ne nous concernera pas.

LHOMME : Vous si, Stepan... à midi vous partirez gentiment chez vous... mais au fait, Stepan, tantôt... la lettre que j'ai déposée sur la table, à côté des vis... à midi, tout bonnement, vous la porterez chez le notaire... 

STEPAN : Très bien, Monsieur l'ingénieur.

LHOMME (hésitant) : Et puis... qu'est-ce qu'il y a encore ? Après ça vous prendrez en charge... d'ailleurs, je l'ai mentionné aussi... (Avec tristesse) Dites-moi un peu, Stepan, vous penserez à moi, quand vous me quitterez ? Je vous le demande, parce que pendant les deux dernières semaines nous nous sommes habitués l'un à l'autre.

STEPAN : Ah, je vous en prie, ne vous laissez pas abattre, Monsieur l'ingénieur... Ça se voit que vous ne faites pas ça depuis longtemps... Au début tout le monde est comme ça.

LHOMME (tristement et avec un peu de vanité) : Malgré cela, n'est-ce pas, Stepan, j'en sais un bout.

STEPAN : Vous en savez beaucoup, Monsieur l'ingénieur. Vous pouvez me croire. Quand je suis arrivé ici, j'ai vu de quoi il s'agissait, que c'est un engin qui vole tout seul, bien sûr ; j'ai pensé que ce n'est pas la peine de commencer pour vous Monsieur l'ingénieur, à faire rentrer le métier : ma foi, puisque vous n'en avez pas besoin. Mais j'ai tout de suite remarqué que vous seriez aussi bon pilote que constructeur, alors je me suis dit, puisqu'il a commencé qu'il aille jusqu'au bout.

LHOMME : Une très belle chose, n'est-ce pas, une chose magnifique.

STEPAN (il hausse les épaules) : Pour celui qui aime ça...

LHOMME (envieux) : À coup sûr, vous avez volé beaucoup plus que moi.

STEPAN : Mais toujours derrière, je n'ai jamais piloté un engin.

LHOMME : Et vous voudriez bien ?

STEPAN : J'aimerais mieux me casser une jambe. Vous Messieurs les ingénieurs, vous dessinez, réfléchissez, et fumez des cigarettes ici en bas. Tandis que moi,  je me démène je rafistole, je fore, l'huile et la rouille me collent à la peau : alors si je peux monter un peu là-haut, eh bien je préfère me caler dans le siège arrière pour faire un petit tour. Tranquillement, les bras croisés. C'est mon seul repos.

LHOMME : Repos ! Mais alors, vous ne tremblez pas de joie et de frayeur, quand vous êtes là-haut ?

STEPAN : Pourquoi diable, devrais-je ? Là-haut ou en bas, c'est le même tabac. Le principal c'est toujours avoir une banquette sous le derrière du bonhomme ; après, c'est égal si la banquette est par terre ou en l'air. De toute façon ce bleu au-dessus de ma tête que j'aperçois d'ici en bas, on ne peut pas l'atteindre. Au début, moi aussi j'ai lorgné vers là-haut... J'ai espéré l'atteindre avec ma tête, et puis j'ai vu les oiseaux, eux aussi regardent tous vers le bas pendant qu'ils volent vers là-haut.

LHOMME : L'oiseau oui... Mais l'animal auquel Dieu n'a pas fourni d'ailes... s'en fabrique.

STEPAN (geste de découragement) : Il n'en raffole pas non plus, croyez-moi. Une fois, quand j'ai travaillé avec Monsieur Wittmann, nous avons amené avec nous là-haut, un petit chien de berger pour voir comment il réagissait. Je l'ai tenu sur mes genoux : au début il a aboyé quelques fois, et puis il s'est arrêté, et regardait çà et là. Quand nous avons atterri, il a bondi du siège, il a regardé autour de lui, et a détalé  comme un lapin. Nous l'avons suivi des yeux en cherchant à savoir comment il assumait la gloire. Il y avait une petite, un ratier, qui non loin de là agitait sa queue. Il a couru vers elle.

LHOMME : Peut-être voulait-il lui raconter...

STEPAN (geste de dédain) : Pensez-vous ! Il aurait mis son museau à son oreille et pas...

LHOMME (pensif) : Peut-être que somme toute j'ai très peu volé... Mon vol demain serait le vrai... le reste n'était que des essais... Tandis que demain, ce serait le...

STEPAN : Pourquoi serait ? Sera !

LHOMME (le regarde de biais: Avez-vous une telle confiance en moi, Stepan ?

STEPAN : Allons, Vous aussi vous avez confiance en vous, Monsieur l'ingénieur...

LHOMME (excité) : Alors, vous croyez ? Dites Stepan... entre nous, vous êtes entièrement sûr qu'il ne peut rien m'arriver demain ?

STEPAN (sourit) : Eh bien... il faut faire gaffe au tramway, il peut toujours avoir des problèmes en arrivant ici...

LHOMME : Trêve de plaisanterie. Je parle de moi – demain – pendant le vol...

STEPAN (sourit) : Monsieur l'ingénieur est incapable de tomber.

LHOMME (consterné) : Incapable ?

STEPAN : Mais bien sûr. Même si le vouliez.

LHOMME (se lève, très excité) : Même si je le voulais ?

STEPAN (posément) : Mais bien sûr ! Vous n'en êtes plus là !! Il y a une semaine... je ne dis pas... mais Monsieur l'ingénieur, déjà deux semaines...

LHOMME (le regarde sans un mot)

STEPAN : Quand l'enfant apprend à marcher, et qu'il marche depuis une semaine, il peut encore tomber, et heurter la terre avec sa tête. Au bout de deux semaines il ne pourra pas répéter cet exploit. Parce qu’à la dernière seconde, il tendra ses deux mains et tombera dessus... (Il montre) Nous ne pouvons pas tomber en avant. Monsieur l'ingénieur non plus ne peut pas lâcher le gouvernail d'altitude, quand l'avion commence à piquer du nez, machinalement il l'attrape.

LHOMME (ne répond rien)

 

Entrent du côté droit de l'avant-scène: Lendvaï, Mme Lendvaï, Cauchemar, Polacsek, Hermine.

 

POLACSEK : Voici le maître !

LENDVAÏ : Cher Maître, nous sommes venus collégialement.

Mme LENDVAÏ : Pour découvrir l'engin.

HERMINE : Veuillez bien agréer mon sourire tricolore.

CAUCHEMAR (c'est un jeune homme aux cheveux longs, habillé d'une façon extravagante. Il serre la main de l'ingénieur sans un mot, il le regarde droit dans les yeux. Salutations, poignées de mains.)

LHOMME : Je vous en prie, veuillez avancer... En ce moment il y a peu de visibilité... La machine électrique qui actionne tout, se trouve dehors dans le champ, mais il est difficile de l'apercevoir à cause de la pénombre.

CAUCHEMAR : Une machine dans la pénombre... Très beau, très beau... (Il note sur son carnet)

HERMINE : Il fallait le dire plus tôt pour en jouir plus longtemps. À bon entendeur...

LHOMME : Eh bien... voilà l'engin. Le non-initié ne le distingue pas à première vue d'un aéroplane ordinaire. Tout au plus, on remarque quelques petites hélices supplémentaires. Et ici... (Il les conduit vers le fond)

HERMINE: Hé, oh ! Montrez-le moi aussi. Je ne veux pas qu'on me traite en invitée et qu'on m'oublie aussitôt (s'adressant à Stepan) D'habitude vous montez aussi ?

STEPAN : Si madame monte aussi.

HERMINE : Moi, je n'ai pas l'habitude.

STEPAN : Mais si, Madame aussi monte d'habitude... (Il entre dans l'atelier)

HERMINE (crie après lui) : Imbécile !

POLACSEK (prend à part Lhomme. Les autres regardent l'engin) : Écoutez, je vous en prie, je suis venu exprès pour vous poser une question, mais je ne suis pas sûr que vous me comprendiez... il se peut que ce soit une question bizarre et peut-être que vous allez croire que je suis un original extravagant.

LHOMME (anxieusement) : Mais je vous en prie, je vous écoute.

POLACSEK : Je ne sais même pas comment m'exprimer... quelles circonlocutions employer... Bref, je voulais vous demander, mais vraiment, essayez de me comprendre...

LHOMME : Disposez de moi, je vous en prie.

POLACSEK : Que sentez-vous d'habitude, quand vous êtes là-haut ?

LHOMME : Mais je vous assure, cette question n’est pas si farfelue... C'est comme si j'étais... (il cherche désespérément l'aide de Cauchemar)

CAUCHEMAR (s'approche) : Pardon. (Il tire à l'écart Lhomme, de l'autre côté. Avec sérieux) C'est moi qui vous suis redevable d'un grand merci.

LHOMME : Je ne comprends pas.

CAUCHEMAR (interloqué) : Vous ne comprenez pas... mais pour le sujet...

LHOMME : Quel sujet ?

CAUCHEMAR (étonné) : Mais alors, vous n'avez pas lu la Gazette du Matin

LHOMME : Non, je n'en ai pas eu l'occasion. Depuis deux semaines je suis déconnecté de tout. Je vis ici. Qu'est-ce qui s'est passé

CAUCHEMAR : Ça alors !... Puisque partout on en parle ! J'ai écrit sur vous un long article... à la une... Vraiment, vous ne l'avez pas lu ?

LHOMME Je le regrette beaucoup.

CAUCHEMAR : Dommage, pourtant ça vous aurait plu... Je crois que vous seriez content d'en prendre connaissance... je ne sais pas si artistiquement il est réussi... mais c'est un article très chaleureux...

LHOMME : Je le lirai.

CAUCHEMAR : Écoutez... je l'ai apporté ! Je peux vous le lire, si vous voulez... Une chose très chaleureuse, j'aimerais...

LHOMME (poliment) : Allez-y, je vous en prie, vous m'obligerez

CAUCHEMAR (lit le journal) : « Sur un vilain petit pilote... »

LHOMME (porte la main à son visage avec frayeur) : C'est moi ?

CAUCHEMAR : Attendez un peu ! Vous allez voir à quel point c'est un papier chaleureux, sincère. (Il lit) « Je ne sais pas, honorable lecteur, si, comme moi, toi aussi, tu es étonné et incrédule en observant les petites gens, quand, en ce mois de mars, ils s'affairent çà et là : ils montent dans leurs petites voitures, se glissent dans leurs petites maisons, construisent des petites casernes, et ils s'efforcent d'inventer d'autres petits jeux ». (Il lève les yeux)

LHOMME (opine de la tête) : Vraiment très beau...

CAUCHEMAR (avec modestie) : Mais non... c'est simple et sincère... (Il lit) « Et pendant que j'observe combien est étrange ma main, longue, fine, parcourue de veines délicates – des agneaux bleus sur un pré blanc – (il regarde Lhomme à la dérobée)et j'imagine déjà que ce que j'écris deviendra de petites lettres de plomb et je me dis : main... main... comme c'est étrange qu'on l'appelle main... combien de mains partout... cheminant... des milliards de mains... tripotent des cordes de violons, se joignent... sortent de l'eau... d'un corps agonisant... et peut-être, maintenant, quelque part à la campagne, un vieux paysan qui s'appelle peut-être Kovatchik est en train de chausser ses bottes, et, éclairé par la lune, tend sa main vers une autre main... comme c'est étrange, toutes ces mains... mains... mains... pourquoi s'appellent-elles mains ? Pourquoi pas pieds ? Bien sûr, cela signifie autre chose. » (Il lève les yeux)

LHOMME : Très intéressant. (Très gêné, il regarde ailleurs)

CAUCHEMAR (lit) : « Et je me souviens d'une autre petite main, terne et vilaine, qui peut-être maintenant caresse l'hélice d'un aéroplane en vol... »

LHOMME : Pardon... l'hélice d'un aéroplane... ce serait un peu difficile de la caresser en pleine fonction...

CAUCHEMAR : Eh bien, j'ai pensé au manche à balai. Un petit écart de plume. (Il lit) « Et je me souviens d'un vilain petit homme, poli, sans prétention, dont on parle beaucoup maintenant dans les milieux militaires, et qui est ingénieur, qui a un nom tout ce qu'il y a de plus sérieux : Sándor Lhomme. Ingénieur diplômé ; les garçons de café, en s'adressant à lui disent Docteur... alors qu'il n'est qu'un homme triste, un petit gars que j'ai aperçu hier, un enfant inspiré, avec une vilaine frimousse fanée, et des yeux d'enfant émerveillés, comme s'ils nous interpellaient : que voulez-vous de moi, vous les adultes, alors même que je vous crains, et ce que je voudrais faire maintenant, par-dessus tout c'est pleurer sur ma vie... » (Très ému, lève les yeux)

LHOMME (très embarrassé et troublé) : Tiens, tiens... Vraiment... vous êtes très gentil avec moi.

CAUCHEMAR (significativement) : Attendez un peu. (Il lit) « Et quand ce petit homme vilain, modeste, m'a regardé, j'ai soudain compris qu'il avait le regard des martyrs. »

LHOMME (tressaillit) : Des martyrs ?

CAUCHEMAR (en extase) : Vous savez que cet article a fait pleurer, aujourd'hui, l'un de mes amis ? (Il lit) « Je ne sais pas s'il y a quelque chose en cet homme, peut-être quelque chose dans les yeux d'un homme qui porte en lui des choses lointaines, le destin de l'homme, l'inconnu... mais le regard de cet homme est celui de quelqu'un qui nous observe depuis un monde inconnu... » (Il lève les yeux).

LHOMME (très ému, il bredouille) : Eh bien, vraiment.... c'est très gentil... Très flatteur...

CAUCHEMAR (continue triomphalement) : « Que savons-nous de ce que peuvent voir ces yeux, que nous n'ayons pas encore vu ? Voient-ils des nuages, des terrains vagues ?... Ou peut-être ces yeux sont-ils tournés vers l'intérieur, et aperçoivent le visage blême d'un homme mort, regardant le ciel, couché dans la boue froide, un matin pluvieux... où de petits angelots font-ils sonner des clochettes qui portent sur leurs épaules de minuscules avions ? Ils l'appellent, attendent le vilain petit canard sous le grand hangar... dont les murs sont faits de nuages... et à l'intérieur des angelots barbouillés d'huile, s'ébattent entre les roues... » (Il termine triomphalement et lève les yeux dans l'expectative) Alors, ça vous plaît ?

LHOMME (est pâle) : Très beau... je me sens honoré... très flatteur... vraiment...

CAUCHEMAR (range l'article, prestement) : Tout le monde dit que c'est mon plus beau papier.

LHOMME (effondré) : Merci.

CAUCHEMAR (galvanisé, il se tourne vers les autres) : Messieurs, il vaudrait mieux maintenant ne pas déranger le maître.

POLACSEK : Je voulais seulement poser une question.

Mme LENDVAÏ (à Hermine) : Qu'est-ce que tu en dis ? Tu as lu que ce pauvre Biró s'est brûlé la cervelle ?

Mme LENDVAÏ : Quand ?

Mme LENDVAÏ : Ce matin. Vous le connaissiez, Monsieur l'ingénieur ?

LHOMME : Je le connaissais. C'est terrible. Mais pourquoi ?

Mme LENDVAÏ (embarrassée) : Je ne sais pas.

LENDVAÏ : Il était amoureux d'une belle femme

HERMINE (avec innocence) : De Marie Lehotay ?

Mme LENDVAÏ (très gêné) : Pas du tout.

HERMINE : Mais puisqu'ils l'ont dit. (Mme Lendvaï la tire à l'écart et elle lui parle en chuchotant, Hermine hausse les épaules signifiant qu'elle ne savait pas.)

HERMINE : il est temps de prendre la poudre d'escampette.

LENDVAÏ : Cher monsieur l'ingénieur, nous vous remercions.

LHOMME : De rien, je vous en prie.

Mme LENDVAÏ : Demain matin, sans faute, nous serons là !

LHOMME (sursautant) : Oui, demain matin.

CAUCHEMAR (lui serre la main, et le regarde intensément dans les yeux) : Moi aussi je viendrai, Monsieur l'ingénieur, moi aussi je veux assister au vol.

LHOMME (le regarde avec effarement, et à peine audible) : Vous serez le bienvenu.

HERMINE : Veuillez bien agréer...

LHOMME (songeur, comme s'il parlait d'un rêve éveillé) : Votre sourire tricolore. Je sais... (Il les accompagne à la porte, et puis il revient, se promène plusieurs fois, de long en large, puis il dit sur un ton mystérieux) : Stepan !

STEPAN : Me voici, Monsieur l'ingénieur ! (Il sort de l'atelier)

LHOMME (pareillement) : Stepan... Je vais partir maintenant... vous entendez... et je ne reviendrai probablement pas.

STEPAN : Bien, Monsieur l’ingénieur.

LHOMME : Vous... vous finissez ce qui reste à faire... et aussi n'oubliez pas de vérifier les moteurs. (Il ramasse son chapeau et son manteau, et il continue de parler pendant qu'il les met) Ensuite vous pourrez partir, vous aussi... mais ne fermez pas le portail... il est possible que je revienne pour une minute... voire... mais ce n'est pas probable. Dites, Stepan... Avez-vous lu l'histoire de la révolution française de Carlyle ?

STEPAN : Pas moi, Monsieur l'ingénieur.

LHOMME : Parce qu'il y a des descriptions très intéressantes... par exemple la loi martiale... savez-vous ce qu'est la tribune d'exception ?

STEPAN : Le tribunal...

LHOMME : Ou le tribunal... Assurément, Stepan, assurément mon petit Stepan. (Il est habillé et debout, les mains dans les poches, il regarde devant lui.) Et puis... attendez un peu, je voulais vous dire quelque chose... ah oui, qu'une fois, quand j'avais dix ans, j'ai été avec ma mère à Debrecen... une ville très poussiéreuse, vous pouvez me croire... c'était la dernière fois...

STEPAN (ne comprend pas) : La dernière fois ?

LHOMME : Holà !... Mais ce n'est pas à vous que je voulais dire cela... plutôt à ce journaliste. À vous je veux dire que même s'il vient quelqu'un, il est presque sûr que je ne reviendrai pas... et qu'ils viennent demain matin... et Bella aussi... et ma mère aussi... et maintenant je vais me promener un peu... par ici dans les champs parce que j'ai mal à la tête... et si demain j'ai encore mal à la tête... alors qu'ils ne viennent pas demain matin... (Il réfléchit.) Oui... Qu'est-ce qu'il reste encore ?

STEPAN : Allez, partez, Monsieur l'ingénieur, il fait déjà noir... L'air va vous faire du bien... Vous raconterez le reste demain.

LHOMME (tressaille. D'une voix enfantine peureuse) : Mais non... si j'ai mal à la tête, alors je ne viendrai pas demain... Quelle importance... N'est-ce pas ?

STEPAN : Partez tranquillement, Monsieur l'ingénieur, vous avez beaucoup travaillé aujourd'hui.

LHOMME (s'arrête à la porte) : Oui, je vais me promener un peu, Stepan. (Il sort lentement tête baissée.)

STEPAN (secoue la tête avec compassion, puis il retourne dans l'atelier, commence à travailler, quelques minutes après il fait nuit, il y a quelque chose d'incandescent dans l'atelier) Vrombissement du moteur, la voiture stoppe, on frappe.

STEPAN : Entrez. (Entrent Beniczky et Marie.)

MARIE (avance rapidement) : Évidemment, je vous l'ai bien dit, que c'était lui.

BENICZKY (à Stepan) : Monsieur l'ingénieur n'est pas là ?

STEPAN : Il est parti à l'instant... Vous ne l'avez pas rencontré ?

MARIE (à Beniczki) Vous voyez bien que c'était lui ! Je lui ai crié après, mais il ne m'a pas entendu.

STEPAN : Il s'est plaint d'un mal de tête.

MARIE : Il ne reviendra pas ?

STEPAN : J'en doute fort, c'est même improbable.

MARIE (regarde Beniczky) : Nous allons attendre un peu, n'est-ce pas ?

BENICZKY (à contrecœur) : Mais puisque c'est improbable qu'il revienne...

MARIE (rapidement) : Mais écoutez, c'est quand même possible. D'ailleurs, d'ici là, nous pouvons visiter le hangar. (Souriant à Stepan.) N'est-ce pas, c'est permis de jeter un coup d'œil ?

STEPAN (bougonne) : Oui, c'est possible, mais moi j'ai à faire avec les machines électriques... (Il attend.)

MARIE : Vous n'avez qu'à partir, cher monsieur le mécanicien, partez tranquillement, nous vous attendrons, et si Monsieur l'ingénieur ne revient pas…

STEPAN (avec une certaine hostilité) : Je doute fort qu'il revienne.

MARIE : Allez, partez. On ne va rien vous chiper.

STEPAN (très méfiant) : Eh bien, alors... je reviens tout de suite... (Il sort lentement, s'arrête à la porte de l'atelier.) N'entrez pas, dans l'atelier s'il vous plaît, tout est plein d'huile.

MARIE : Ne craignez rien. (Stepan sort.)

Pause

BENICZKY : Ne vous fâchez pas, chère Marie, mais je peux dire que je suis presque content de ne pas le trouver ici.

MARIE (tape du pied) : Maintenant ça m'est égal. Il est possible que vous ayez raison.

BENICZKY : Je ne sais pas, ma chère Marie, comment vous avez imaginé cela, mais avec le recul je dois vous dire que pour moi ce n'est qu'un caprice très étrange.

MARIE : Caprice ! Si tout ce dont on ne connaît pas la raison était caprice... (Elle s'assoit.) est-ce que je connais, par exemple, la raison pour laquelle je vous... (Elle sourit.)

BENICZKY (résolument) : Il vous faudrait en donner la raison si je vous le demandais, mais je ne vous le demande pas.

MARIE : Eh bien, pourquoi pas ? Comme vous êtes bizarre ? Pourquoi pas ?

BENICZKY : À quoi bon ? Ça ne nous mène nulle part, d'expliquer nos sentiments.

MARIE (pensive) : Quelle chose étrange !... Jusqu'à maintenant cela m'a ennuyé vraiment... Que les hommes insistent pour expliquer leurs sentiments, et qu'ils veulent aussi que j'explique les miens. À cause de cela j'ai méprisé, je me suis moquée d'un tel homme... à présent ça me passionne que, sans préalable... nous disséquions, nous consommions nos sentiments comme un repas dont il est impoli de parler. Maintenant j'ai presque envie de polémiquer à propos de toutes sortes de bêtises, par exemple : qu'est-ce que l'amour, et ainsi de suite... Cela me passionne maintenant.

BENICZKY (tranquillement) Cela vous passionne... Mais ne me méprisez-vous pas, si je ne vous suis pas ? L'amour, c'est la rencontre de deux cœurs.

MARIE (le regarde avec ahurissement, et puis elle rit) : Ah, avec quel talent vous faites cela... Savez-vous... pendant un instant, j'ai cru que vous parliez sérieusement, et que ce n'était pas une blague !

BENICZKY (posément) : Non, ça n'était pas une blague, tout à fait sérieusement, c'est mon opinion.

MARIE (le regarde soudainement, et puis avec un geste de lassitude) : Tant pis ! Alors ceci est sérieusement votre opinion. C'est mon opinion aussi. Après mûre réflexion, j'ajouterai que l'amour est aveugle.

BENICZKY (très sérieusement) : C'est vrai aussi. Il suffit de réfléchir pour arriver à la conclusion que c'est vrai. Le poète a exprimé nos sentiments avec justesse.

MARIE (un peu contrariée) : Je continue: Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour.

BENICZKY (tendrement et très sérieusement lui tend la main) : Chère amie, je suis persuadé que vous m'aimez, et de plus j'ai aussi les preuves d'amour que je porte au fond de mon cœur.

MARIE (nerveusement) : Quelles preuves ?

BENICZKY (tendrement) : Ici je ne peux pas vous les montrer, mais dans l'intimité je vous ferai une démonstration.

MARIE (nerveusement) : Bon, laissons tomber cela maintenant. Vous avez un sens de l'humour bien particulier, ça me rend nerveuse. Parlons d'autre chose.

BENICZKY (placidement) : Vous ne croyez pas que je parle sérieusement ; je suis sûr qu'avec le temps vous en serez convaincue. Parlons donc de ce caprice qui nous amène ici.

MARIE (regarde devant elle) : J'ai lu un article dans la Gazette... d'un certain Cauchemar... et j'ai été très touchée... Vous ne l'avez pas lu ?

BENICZKY : Sur... sur un pilote... C'était le titre, si je ne me trompe pas.

MARIE : Oui, sur un vilain petit pilote. Ça m'a beaucoup ému. Vous n'étiez pas ému ?

BENICZKY : Pour dire la vérité, je ne l'ai pas compris.

MARIE : Vous ne l'avez pas compris ! Qu'est-ce que vous n'avez pas compris ? Mais aucune importance. Ne recommençons pas. Dès le matin, quand j'ai lu l'article, j'ai pensé à lui, comme ça en passant, et aussi le cas échéant à aller le voir, Sándor Lhomme. Mais après, quand nous étions dans la voiture, et que vous ne disiez rien, que vous regardiez seulement devant vous, et que moi j'observais votre visage, il m'a paru soudain indispensable de vous voir, vous deux ensemble, immédiatement. D’observer comment vous réagissiez, dès le premier instant de votre rencontre, avant même que vous vous saluiez.

BENICZKY : Je l'ai bien dit que c'est un caprice très étrange.

MARIE (vivement) : Non, ce n'est pas un caprice. Que ça plaise ou non, c'est explicable. D'autant que l'explication n'est pas très compliquée. On ne peut même pas parler de ma prétendue perversité, cruelle et mystérieuse que ce pauvre Biró avait l'habitude d'invoquer pour expliquer ma façon d'agir. J'ai des raisons tout à fait pratiques et honnêtes.

BENICZKY : Je ne sais pas de quoi vous parlez.

MARIE (se place devant lui) : Regardez-moi... Il s'est passé quelque chose entre vous.

BENICZKY : Je ne sais pas, Marie, comment...

MARIE (vivement) : Tut, tut !... Silence. Il s'est passé quelque chose entre vous. Vous ne pouvez pas le nier, n'est-ce pas, que vous vous êtes entretenus de quelque chose, pendant que je vous ai attendus, un quart d'heure, dans la voiture. C'est cela que je voudrais savoir : ce qui s'est passé entre vous.

BENICZKY : Marie, la réserve obligatoire m'interdit d'en parler.

MARIE : Eh bien, voilà la tonalité qui convient. La réserve obligatoire l'interdit, Ah !... C'est pourquoi vous allez tout me dire, tout de suite.

BENICZKY : Je ne le peux pas, Marie, croyez-moi, Marie.

MARIE : Je suis bien marrie avec toutes vos "Marie"... Accouchez, qu'est-ce qui s'est passé entre vous ?

BENICZKY : Vraiment, croyez-moi, Marie, c'est totalement impossible.

MARIE : Bon. Il ne me reste qu'à aller demain midi chez lui, et le lui demander. Lui, il n'est pas le chevalier sans peur et sans reproche... il ne connaît pas le protocole... bref, c'est un homme incorrect, il va me raconter tout ce que je veux savoir.

BENICZKY (fronce les sourcils) : Je vous l'interdis, Marie.

MARIE : Mais bien sûr, que vous me l'interdisez. Seulement voilà, si Lhomme est incorrect par conviction, moi en tant que femme, je le suis d'office, je vais vous promettre que je n'irai pas le voir, et après, j'irai quand même.

BENICZKY (réfléchit) : Vous avez raison. Dans le cas présent il vaut mieux empêcher une incorrection par une indiscrétion. Je vais vous dire ce qui s'est passé entre nous, parce que je suis incapable de mentir.

MARIE (très agitée) : Eh bien, parlez.

BENICZKY : Après mûre et sereine réflexion nous avons compris qu'il est impossible de continuer à vivre tous les deux. Moi, parce que je ne veux pas renoncer à vous, et lui parce qu'il en est incapable.

MARIE (agitée) : Et alors ?...

BENICZKY : Nous avons décidé que le sort s'en chargerait, puisque nous sommes des adversaires trop inégaux corporellement. (Il sort de sa poche la roulette.) C'est ma petite montre-roulette qui a tranché.

MARIE : Vous plaisantez.

BENICZKY : En ai-je l’air ?

MARIE : Un duel américain ? (Elle éclate de rire.) Non ! Cela convient aux lycéens... et aux héros des romans de Madame Beniczky... Lhomme ne peut pas se prêter à des âneries pareilles... Vous plaisantez.

BENICZKY (vivement) : Excusez-moi, mais la romancière en question est une parente lointaine. Sándor Lhomme a naturellement accepté la solution que je lui ai proposée – et pour son malheur il a tiré le noir.

MARIE (frissonne, chuchote) : Que me dites-vous là !

BENICZKY : C'est ainsi que cela s'est passé.

MARIE (très énervée) : Et alors... est-ce possible... C'est de la folie, comme au Moyen Âge. Je ne l'aurais pas cru... et que pensez-vous... et alors dites-moi, dans quel délai...

BENICZKY : Le délai, c'est au choix.

MARIE : Et à votre avis... il est capable de le faire.

BENICZKY (après réflexion) : S'il est capable, je n'en suis pas sûr. (Il regarde autour de lui) Mais j'ai entendu dire qu'il prend des leçons de vol, sans qu'il en ait besoin, et que demain...

MARIE (avec fébrilité) : C'est le décollage... (Soudain elle se taitBeniczky ! Naturellement vous avez déjà... parlé avec lui... depuis que...

BENICZKY (froidement) : Pas encore.

MARIE (tremble) : Mais alors... quand ?

BENICZKY (la regarde intensément) : Ce sera fait demain.

MARIE (pousse un grand soupir) : Demain !

BENICZKY (sourit) : Demain matin, au moment même où il montera dans l'avion... En tout cas, il a mérité cette leçon, n'est-ce pas ?

MARIE (frissonne) : Oui... Mais c'est terrible... Jusqu'à demain matin il va croire que...

BENICZKY : Qu'il doit mourir. J'ai décidé de le libérer de son obligation à la dernière minute.

MARIE (lui tend la main) : Beniczky, vous êtes un vrai homme, Vous avez raison, on peut proférer sérieusement de telles banalités. Maintenant... maintenant je rssens de nouveau ce qui me lie à vous.

BENICZKY : Merci.

MARIE (s'approche et se blottit contre lui) : Parce que, n'est-ce pas, Beniczky... si c'était vous qui aviez tiré le noir... on ne pourrait pas...

BENICZKY : Moi, on ne pourrait pas me décharger... C'est une question d'éducation, croyez-le.

MARIE : Je sais... et je suis heureuse qu'il n'arrive rien à ce pauvre diable. Quelle chance que ce soit lui qui ait tiré... Et aussi, vous avez raison, il a mérité cette leçon. (Elle saisit son brasTu es... comme tu es beau, et la façon dont tu t'adosses à cet engin... ça te va beaucoup mieux... Vous n'avez pas encore volé ?

BENICZKY (souriant) : Pas encore.

MARIE Beniczky... asseyez-vous un peu dans la machine... j'aimerais vous y voir.

BENICZKY (regarde le marchepied) : Peut-être par ici... le siège n'est pas trop sale ?

MARIE : Asseyez-vous.

BENICZKY (avec une ardeur juvénile il grimpe sur le siège du pilote) : J'y suis ! (avec amusement il s'empare du manche à balai.) Allons y !

MARIE (monte par le marchepied dans le siège du passager. Elle se penche en avant, enlace son cou) : Maintenant nous nous envolons !

BENICZKY : Oui !

MARIE : N'est-ce pas, c'est bien ? Tu as la sensation de voler, n’est-ce pas ?

BENICZKY : Mais attention... vous me faites lâcher le gouvernail... ça va finir mal...

MARIE (haletant) : Tu t'en fiches, mon grand oiseau ! L'homme-oiseau ! Que ta main est belle... Chante quelque chose, grand oiseau !

BENICZKY : Marie, de grâce, vous m'étranglez !

MARIE : Oui... et tu lâches le manche. Maintenant nous tombons... le sens-tu ? Nous nous abîmons. Oh ! Tout est noir ! Nous sommes perdus... (Elle l'embrasse sur la bouche.)

 

La nuit tombe. Stepan entre avec une lanterne. Beniczky et Marie se séparent précipitamment, Stepan regarde la scène d'un mauvais œil.

 

STEPAN : Et maintenant, si vous permettez, on ferme.

MARIE (embarrassée, elle descend de l'avion, Beniczky la suit) : Vous partez ?

STEPAN : Il faut bien, demain, je dois me lever tôt.

MARIE : À présent vous êtes sûr que Monsieur l'ingénieur ne reviendra pas ?

STEPAN : Sûrement pas. Il m'a dit que s'il n'est pas là à sept heures, je peux rentrer chez moi.

MARIE (s'adressant à Beniczky) : Alors peut-être...

BENICZKY : Bien sûr, nous partons.

MARIE : Vous m'accompagnez, n'est-ce pas ? Et demain...

BENICZKY (en sortant) : Nous nous rencontrerons ici. (Stepan les suit.)

BENICZKY (de l'extérieur) : Vous ne fermez pas le portail ?

STEPAN (de l'extérieur) : Ce n'est pas nécessaire... La nuit personne ne vient... Et à cinq heures je serai déjà là.

 

On entend un klaxon et puis un lointain vrombissement. Les parois sont un peu éclairées un certain temps par la voiture qui s'éloigne, puis tout devient noir. Pendant une longue pause on entend le mugissement du vent. La porte à gauche s'ouvre lentement, Sándor Lhomme entre précautionneusement avec une torche électrique à la main, habillé comme tout à l'heure. Il avance, pose la torche sur le billot, il se déboutonne. Puis il s'agenouille à côté du billot, sort de sa poche une lettre, il met l'adresse et la colle. Il regarde autour de lui rapidement et précautionneusement il pose et laisse la lettre sur le billot. Il hésite. Il sort lentement un objet, se rapproche de la lumière et le retourne... l'objet renvoie une lueur. Il le pose aussi sur le billot, il se lève. Et parle d'une voix enrouée et avec douceur.

 

LHOMME : Je ne l'imaginais pas ainsi... (Il déambule lentement, les bras ballants. Dehors, le vent siffle fortement, on dirait une musique lointaine. D'une voix enfantine, tremblante.) Mon Dieu, je ne l'imaginais pas ainsi. (Il retourne au billot, puis il recommence à déambuler. On entend – au début d'une façon incertaine – comme s'il était en train de parler – puis nous constatons qu'il ne parle pas : il émet des sons saccadés avec une lourde respiration haletante. Les bras ballants. Quand la troisième fois il arrive au billot, il pousse un peu la lampe qui éclaire ainsi au fond du décor un disque bien dessiné. Il retourne à nouveau, vers la même direction : soudain il a un sursaut, il porte sa main aux yeux. D'une voix rauque.) Mais qu'est-ce qu'il y a... Ah, c'est ça... (Soudain, il découvre que c'était son ombre. Laquelle se dessine maintenant nettement sur le disque.) Ca alors...

 

Lhomme fait deux pas dans cette direction, l’ombre se met à bouger et avance de deux pas et avec le troisième elle est par terre. Toute cette apparition dure au moins trois minutes. L’ombre avance encore. Lhomme recule ; maintenant ils sont face à face, mais on ne voit que leurs silhouettes, parce qu'ils sont en dehors du cercle lumineux. Par son habit et sa coiffure, l’ombre ressemble beaucoup à Lhomme.

 

L'OMBRE (calmement) : Vous le voyez bien.

LHOMME (sur un ton geignard, enfantin) : Hé quoi... qu'est-ce qu'il y a ? (En élevant la voix, presque hurlant.) Eh bien quoi ! Qui est là ? (Il se retire d'un bond, et se tait.)

L'OMBRE (avec satisfaction) : Vous le voyez bien... Voilà votre problème...

LHOMME (recule jusqu'au billot, et il est au centre du cercle lumineux.)

L'OMBRE (le suit, avec douceur) : Mais enfin, vous le voyez bien, ce qui cloche chez vous... c'est que vous avez peur de votre propre ombre...

LHOMME (claquant des dents, avec un rire hystérique) : Mais... qui est ce plaisantin ?

L'OMBRE : Je ne plaisante pas... Je vous dis tout à fait sérieusement que votre problème, c'est que vous avez peur de votre ombre. Arrêtez donc de bouger, là !

LHOMME (recule jusqu'au mur) : Stepan... ne me charriez pas... c'est vous ?

L'OMBRE (entre maintenant dans le cercle lumineux. Courroucée) : Mais non, ce n'est pas Stepan. Vous n'êtes pas capable de retenir mon nom ? Je suis Iryö Olson le médecin finnois. (En effet, comme si c'était lui, mais semble être plus grand et avec des cheveux noirs. Maintenant on dirait vraiment qu'elle ressemble à Olson. Sans accent étranger)

LHOMME (bafouille) : Qui ? Quoi ?

OLSON : Iryö Olson, le médecin finnois. Comment peut-on avoir une telle peur ? J'ai siffloté un peu.

LHOMME (bégaie) : Vous... Vous avez siffloté ? J'ai cru que c'était le vent... Qui êtes-vous ?

OLSON (avec un geste de découragement) : Voyons, nous nous sommes déjà rencontrés plusieurs fois. Un jour vous avez risqué de me rentrer dedans comme dans une porte.

LHOMME (claque des dents) : Ah oui... je vous ai pris pour un miroir.

OLSON : Oui, peut-être, vous m'avez pris pour un miroir, qu'importe. Le fait est que vous ne vouliez pas m'adresser la parole. Vous êtes un homme très inhospitalier. Peut-on s'asseoir ici ?

LHOMME (n'en revient pas encore) : Mais puisque vous... puisqu’à ce moment-là vous étiez plus petit – et blond...

OLSON (amusé) : Vraiment ? Il vous semblait, que j'étais blond ? Évidemment, vous vous êtes trompé, Vous ne vous rappelez pas bien. C'était probablement une erreur. Comment une ombre peut-elle être blonde ?

LHOMME : Mais vraiment... Ne vous étonnez pas... j'ai vraiment cru à la première minute que vous étiez mon ombre.

OLSON : Et alors ?

LHOMME : Autrement rien...

OLSON : Autrement vous ne seriez pas effrayé. C'est votre ombre qui vous a effrayé ?

LHOMME : Que voulez-vous dire par là ?

OLSON : Ce que je veux dire ?! Vous avez des questions vraiment étranges, vous, les Hongrois. Chez vous on dit autre chose que ce que l'on veut dire ? Ce que je dis, je veux le dire, ni plus ni moins.

LHOMME : Et alors... C’est pour cela que vous vous êtes caché, et vous m'avez épié, pour me dire cela ?

OLSON : Ah oui, et j'ai encore autre chose à vous dire.

LHOMME : Parce que si vous voulez me parler, seulement, alors vous êtes en retard. On m'a informé. Depuis quelques mois on délibère sur la place publique selon quoi je serais un lâche.

OLSON : Et bien sûr, ça vous pourrit la vie, Non ?

LHOMME (le regarde) : Que faites-vous ici ? Que voulez-vous de moi ?

OLSON : Pas grand-chose... Je vous demande un petit service... un service de collègue à collègue.

LHOMME (violemment) : Parce que si vous êtes venu ici, ou si on vous a envoyé pour me pousser à bout, sachez que ce n'est pas le moment, et vous pourrez vous en mordre les doigts. Il se peut que je sois lâche, mais vous êtes maintenant très mal tombé.

OLSON (apaisant) : Holà... du calme... pas tant de bruit. Puisque comme je vous le dis, nous sommes des collègues. Écoutez-moi, je suis venu à la faculté à propos d'une découverte en neurologie.

LHOMME : Vous êtes neurologue ?

OLSON : Bien sûr que je suis neurologue... La musique m'intéresse aussi, je la pratique, moi-même, les mathématiques un peu aussi... mais surtout, je crois, je suis neurologue. Alors vraiment on ne peut pas s'asseoir ?

LHOMME (regarde autour de lui) : Je ne m'attendais pas...

OLSON (se tourne vers le biplan) : Alors, bien sûr, voilà l'avion.

LHOMME (s'approche) : C'est cela.

OLSON : Belle pièce. Magnifique pièce, vraiment. Quelle invention formidable, l'avion, assurément.

LHOMME (la tête baissée) : Je l'ai cru autrefois.

OLSON (regarde l'engin) : Et vous ne le croyez plus ?

LHOMME (le regarde avec étonnement) : Tiens... vous êtes devenu soudain, si familier. Comme si...

OLSON : Et maintenant vous ne croyez plus que c'est une chose formidable. Somme toute, l'invention s'est détraquée, hein ?

LHOMME : Seul Dieu le sait.

OLSON (se tourne vers lui) : Parce que maintenant vous ne le voyez pas comme le même qu'avant. Hum... ça ne vous vient pas à l'esprit, que ce n'est pas forcément l'engin qui s'est détraqué, puisqu'il est en fer, mais peut-être que c'est vous-même, vu que les matières dont vous êtes fait sont bien plus fragiles.

LHOMME : Vraiment je ne l'aurais pas pensé.

OLSON : L'hypothèse est pourtant simple. C’est une excellente base pour l'investigation scientifique. Il est facile d'examiner l'engin, sans qu'on ait besoin d'un équipement important ; et si nous constatons que tout est en ordre, la certitude qui s'impose c'est que c'est vous qui êtes défectueux. (Il s'approche de l'avion) Voyons un peu, l'hélice est parfaite. (Il la lance et se baisse sous l’avion) Les moteurs sont en état de marche, je vois. Les fils sont souples, le raccordement est excellent. Peut-être le gouvernail ne fonctionne-t-il pas ? (Il monte sur le marchepied). Est-ce que le pilote le manie facilement ? (Il s'assoit sur le siège du pilote, attrape le gouvernail et en se baissant, il ramasse une fleur) Qu'est-ce que c’est ça ? Elle ne fait pas partie de l'équipement. (Il la jette par terre.)

LHOMME (la ramasse, stupéfait) : Quoi ? (Il l'approche de son visage) Mais c'est du parfum... (Criant) Qui est venu ici ? Qui s'est assis dans cet avion ?

OLSON : Maintenant vous attendez que je termine l'inspection de l'engin. Votre tour viendra après.

LHOMME (regarde la fleur) : Je ne comprends pas... Comment est-elle arrivée ici ?

OLSON : Eh bien, mon cher ami, cet engin se porte comme un charme. (Il reste assis dans l'avion.)

LHOMME (regarde la fleur) : Je ne comprends pas...

OLSON : Maintenant nous pouvons revenir à votre problème. Quand j'examine une machine, et que quelque chose m'est difficile à comprendre, alors, n'est-ce pas, je ne ressens aucune honte et je m'adresse à l'ingénieur. Ainsi vous, si vous sentez mal, vous vous adressez au neurologue.

LHOMME (avec un geste de dédain) Ah, le neurologue... Il va constater quelle est la cause de ma souffrance, mais sans pouvoir la soulager.

OLSON : Hum. Alors vous reconnaissez que l'origine de tout problème psychique est dans l'organisme.

LHOMME : Que m'importe, je le reconnais. Cela ne me sert à rien.

OLSON : Attendez un peu. Le but de l'investigation scientifique c'est de ramener les innombrables symptômes qui essaiment dans toutes les directions, à une cause unique commune.

LHOMME : Et quel est le but de l'homme ?

OLSON : Pour le moment c'est qu'il soit aussi sain qu'une machine à coudre en bon état de fonctionnement que je peux dérégler et réparer à ma guise, puisque nous connaissons son mécanisme. D'autant plus que sans cette connaissance, il est impossible de savoir avec certitude à quoi sert cette machine.

LHOMME : Belles paroles.

OLSON : C'est plus que des paroles. Vous allez comprendre. Tout cela vous concerne rigoureusement.

LHOMME : À ce point.

OLSON : J'affirme que tant que nous ne connaîtrons pas le bon état de marche de l'être humain, il sera impossible de connaître, même en rêve, le but de l'homme. Imaginez qu'on nous ait donné une machine, mais qu'on ait oublié d'ajouter le mode d'emploi. On ignore tout de la machine, on ne sait même pas à quoi elle sert : à débiter du bois ou à projeter des images ou à fabriquer des astres... mais puisque c'est une machine elle doit servir à quelque chose, c'est pour cela on l'a faite. Nous commençons à la retourner, nous la manipulons, nous touchons par-ci par-là un bouton...  nous soulevons un clapet... quelque chose à l'intérieur de la machine commence à  bouger, à ronronner ; quelque part un bras s'élève, une roue se met à tourner, des dents claquent... ça cloche, il faut commencer ailleurs... on attrape un autre levier... d'autres roues, d'autres pignons coudés se mettent en marche, quelque  chose craque à nouveau, ce n'est pas le bon bout... ça ne marche pas...

LHOMME : Mais puisque tu ne sais pas à quoi sert cette machine, ni si elle fonctionne normalement ?

OLSON : Ah ! Question très pertinente... chaque recherche a ses propres critères... Si je tombe sur le bouton approprié qui fait fonctionner la machine, alors nécessairement tout l'ensemble va démarrer : on entendra un cliquètement sain, homogène – toutes les roues commenceront à tourner... – les leviers se lèveront... tout se mettra à ronronner – rien ne se heurtera ne se cassera, ne pénétrera de force... les bâtonnets ne seront pas fêlés... tout fonctionnera en cadence d'une façon homogène, obéissante... et je m'écrierai avec soulagement : J'ai découvert le bon levier, voyons un peu, de quoi est capable cette machine.

LHOMME : Et si tu ne le découvres pas ?

OLSON : Si la machine était au point, la recherche n'aurait pas duré autant. En quelques siècles nous aurions étudié, palpé à fond tous ses coins et recoins, et nous aurions trouvé la manivelle du démarreur, la roue de lancement. Mais il y avait  un autre problème.

LHOMME : Pas possible !

OLSON : Ce n'est pas seulement le mode d'emploi que le livreur avait oublié, mais, de plus, il était négligent. La machine s'est détraquée pendant le transport.

LHOMME : Patatras !

OLSON : La tâche est maintenant mille fois plus difficile. Ce n'est pas seulement qu'il faut découvrir le clapet qui la fera démarrer, mais, dans cette machine, dont on ne connaît ni le mécanisme ni l'utilité, il faut dépister l'avarie qui nous empêche de mettre la main sur ce clapet.

LHOMME : Cherche-le, savant.

OLSON : Bien dit. Pendant des centaines d'années l'instinct dictait : cherche, savant. Nous avons cherché entre les survivances. Nous disions : les transporteurs imbéciles et maladroits ont laissé à l'intérieur, là, une pincette… ici un burin, qui servaient à la confection de la machine... comme cet appendice, qui était utile quand nous étions encore des animaux avec un estomac à plusieurs compartiments. Et nous avons trouvé encore beaucoup de défectuosités, mais pas le défaut principal.

LHOMME : Et si on le trouve ? Nous allons savoir pourquoi tout cela ne vaut rien ?

OLSON : Pourquoi ? Si nous retrouvons le défaut, la vis tordue, l'axe désaxé, le clou qui est tombé dans l'engrenage... le plus simple, n'est-ce pas, c'est qu'on le retire.

LHOMME : Si on le trouve.

OLSON (après une pause, calmement) : Et si je vous dis que je l'ai trouvé ?

LHOMME (le regarde) : Vous ?

OLSON : Mon mérite n'est pas plus grand que celui de ceux qui l'ont cherché. Ce sont eux qui ont défriché le terrain. Ainsi pour moi la chose est devenue facile. J'ai mis la main sur le défaut.

LHOMME : Vous l'avez trouvé où ?

OLSON : Parmi les nerfs. (Il se lève.) Le défaut c'est la peur de la mort. La cause du défaut est une connexion erronée. Deux nerfs se sont collés : une survivance stupide. Tout à fait inutile.

LHOMME : Vous avez trouvé le centre des affres de la mort ?

OLSON : Vous ne le croirez pas : ce n'est qu'un petit vice organique ridicule. D’un coup de bistouri je l'élimine du système nerveux, et à l'instant même, libéré, le système nerveux se mettra à cliqueter, travailler, fonctionner. Il a fallu des milliers d'années pour découvrir ce petit défaut ridicule et stupide.

LHOMME : Et une fois enlevé ?

OLSON : La mort ressemblera à un rêve. Nous penserons à elle le jour en travaillant avec entrain, éveillés et souriants : comme elle sera agréable et rafraîchissante ! Et plus je travaille, plus elle est rafraîchissante. Et le soir, je me couche heureux. Quelle harmonie pure, paisible !

LHOMME : Et si elle nous assaille le matin ?...

OLSON : Rare bonheur, la bonne fortune des élus... parvenir à cet état avant qu'on le mérite… à cet état de sommeil, de rêve

 

Lhomme d'un geste, laisse tomber la lampe. Pendant une minute il fait noir, et puis la scène est éclairée par la lune par-devant, cela fait comme si l'avion flottait dans l'air au-dessus de la pénombre. Lhomme est assis dans l'avion, et Olson parle de la pénombre.

 

LHOMME (de l'avion) : Regarde par là... je ne sais pas qui tu es. Il se peut que je rêve. Mais sur le billot est posé un revolver... que je voulais laisser ici... est-ce que tu sais...

OLSON (d'en bas) : bien sûr que je sais, ami. Tu voulais mourir... Mais pas aujourd'hui, n'est-ce pas, mon ami.

LHOMME : Demain... ce ne sera que demain.

OLSON (riant) : Tu voulais mourir pour éviter les affres de la mort.

LHOMME : Tu as raison, mon ami. Comme c'est étrange. Maintenant c'est toi qui as parlé ou moi ?

OLSON : Qu'importe.

LHOMME : Je sais que cela n'a pas d'importance. Mais c'est comme si c'était moi qui m'étais trouvé en bas...

 

(Le vent sifflote le chant de Solveigh.)

 

LHOMME : Tu charries, camarade. C'est toi qui sifflotes ? Bon... arrête, j'ai des frissons.

OLSON : Mais pas du tout, camarade, puisque je te parle.

LHOMME : Il me semble que tu sifflotes aussi... As-tu eu une maîtresse ?

OLSON : Bien sûr... Elle s'appelait Vanouchka...

LHOMME : Et elle t'embrassait ?

OLSON : Toujours quand je le désirais.

LHOMME : Et que lui donnais-tu, camarade ?

OLSON : Je l'embrassais et je riais

LHOMME : Alors, elle riait aussi, camarade ?

OLSON : Alors elle riait aussi, tout de suite.

LHOMME : Sais-tu seulement que ma maîtresse est une très grande dame, et elle coûte très cher. Je dois mourir demain matin, mon ami.

OLSON : Et alors, ami ?

LHOMME : Tu parles à ton aise, camarade. J'ai terriblement peur de la mort.

OLSON : Mais alors, pourquoi veux-tu mourir ?

LHOMME : Je ne veux pas, camarade, mais il le faut. Maintenant mon seul souci est de ne pas avoir la trouille demain matin, parce que, tu sais, que par-dessus le marché, je ne dois pas seulement mourir, mais il faut que je meure avec panache. Tu sais, comme un brave. Si par hasard tu as dit vrai...

OLSON : Bien sûr que c'est vrai.

LHOMME : Que tu es capable d'extirper la peur de la mort, eh bien pour moi ça tombe bien, camarade. Pour moi, maintenant, c'est très important.

OLSON : Je te crois. Alors, que faisons-nous ? Je te l'extrais ?

LHOMME : Pour sûr. Où pourrait-on faire cela ?

OLSON : Viens avec moi au laboratoire.

LHOMME : Attends, je descends tout de suite... (Il descend de l'avion et en tâtonnant il cherche Olson.) Hé là... où es-tu...

OLSON (on entend sa voix de l'extérieur, de loin) : Tu n'as qu'à venir... viens... je pars en avant. Je suis là...

LHOMME : Attends-moi... (Tâtonnant, il va jusqu'à la porte, l'ouvre, il reçoit le bruyant vent froid) Oh ! Quel vent !

OLSON (sa voix parvient de très loin) : Un bon vent du nord, uniforme... On y va.

 

RIDEAU

 

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