L’ÉCRAN
RACONTE
Du
carnet d’esquisses d’un scénariste débutant
Frigyes Karinthy
Textes parus
entre le 8 septembre 1936 et le 19 mars 1937
dans le journal
"Magyarország" (Hongrie)
(satires de films)
Prologue
(Comme
l’indique le sous-titre, je dois en réalité présenter mes excuses au lecteur.
Il s’agit en effet de ce que, après une modeste activité littéraire de quelques
décennies, j’ai décidé de changer de carrière. Je vais devenir scénariste, car
c’est moderne, c’est la musique de l’avenir, et parce qu’apparemment la
littérature touche petit à petit à sa fin. Naturellement, de même qu’autrefois
(« Ainsi vous écrivez », etc.), j’aimerais faire précéder cette fois
aussi mon nouveau métier d’études sérieuses. À cette fin, à compter
d’aujourd’hui, je conduirai des études approfondies et intimes des films et du
genre cinématographique actuels les plus à la mode et les plus populaires. Je
noterai leur contenu brièvement dans mon carnet d’esquisses afin de m’exercer
de la sorte à l’écriture des scénarios, avant d’oser me lancer dans l’écriture
cinématographique et me faire une place parmi les rangs glorieux et immortels
de Messieurs les auteurs de films. De temps à autre je présenterai mes notes au
lecteur pour examen.)
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Pasteur, ou le film scientifique[1]
(Création artistique monstrueuse des
studios "Univers" sur la tragédie de la vraie science, avec la
collaboration des comédiens les plus populaires. Œuvre majeure de tous les
temps, en comptant aussi les temps préhistoriques ou éventuellement même posthistoriques. Écrit par : le grand Balthasar Neverheardhisname. Adapté à l’écran par : Cecil Ceinhardt. Photographié par : Döme
Deinhardt. Contrôlé par : Ferenc Feinhardt. Tamponné par : Henrik Heinhardt.
Louangé par : Béla Pásztőr.)
Fumée sale, décapante. Elle s’avère être la
fumée d’un pitoyable poêle de fer cabossé. Il est installé dans une pauvre
chambre au grenier, c’est là que Pasteur, petit chimiste, mène une misérable
existence avec ses vingt-deux enfants mal élevés, comme cela a toujours été de
règle chez les chimistes. L’unique décor de la chambre est une lunette
astronomique empruntée à l’usine de Greenwich, par laquelle Pasteur étudie les
punaises parasites d’une puce martienne, les minuscules Furunculus
Asiensis. On voit la puce agrandie qui se gratte
parce qu’elle est piquée par les punaises. Napoléon III passe par là par
hasard. La fumée lui pique les yeux, il envoie un de ses chanceliers pour voir
ce qui se passe. La belle Mici Pasteur, une des
filles du chimiste tape à l’œil du chancelier, mais la jeune épouse (Madame
Pasteur) a l’intention d’envoyer sa fille chercher du fromage blanc. Le
chancelier décide de rester dans la maison, de se faire embaucher par Pasteur
comme assistant. L’empereur l’attend un moment, puis il se vexe, et depuis lors
il regarde d’un mauvais œil l’activité du grand savant. (On voit bien son œil
complètement mauvais.) Une nuit de pleine lune, avec son instrument installé
près de la fenêtre sur jardin, Pasteur découvre le pathogène de la fièvre puerpérale,
ainsi que quelques autres bricoles, dans son émotion il fait tomber un pot de
fleurs de la fenêtre, il sera ramassé par Alphonse, autrefois chancelier,
présentement assistant chimiste, qui s’imagine que le pot de fleurs lui a été
lancé par la belle Mici Pasteur, il va donc frapper à
la fenêtre de la jeune fille au deuxième étage.
Longue promenade au bord de la mer aux sons
lointains d’une romance d’autrefois, « I am so blue ». Pendant que
l’antisepsie se répand dans toute l’Europe, Semmelweis en personne se
joint au mouvement, et même Érasme de Rotterdam se manifeste depuis le seizième
siècle : un petit mouton[2] se penche dans la chambre à coucher de
Pasteur endormi, lui bêle à l’oreille, Pasteur s’alarme, son rêve qui avait
déformé la réalité car un fou furieux venait le menacer dans sa chambre lui
revient à l’esprit (prise de vue). Cela le fait penser à la pustule
charbonneuse, qu’il déchiffrera sur l’image suivante, de là il songe à un œdème
laiteux, puis au lait, qui n’est pas encore pasteurisé en ce temps-là.
Indigné, il veut pasteuriser le lait, mais
la société des médecins qui alors était extraordinairement conservatrice,
voulait à tout prix empêcher cela aussi, comme la propreté dans la chirurgie.
La Société des Nations se réunit donc sur le champ à Genève, elle ordonne sous
la pression des grandes puissances d’envoyer désormais les instruments médicaux
à la salissure. L’image montre un instrument qu’un chirurgien trempe dans du
purin et les égouts, pendant que la belle Mici
Pasteur danse un fox-trot chagrin au Bois de Boulogne. Mais l’arme se retourne.
En effet, le conservatisme fait songer Pasteur aux conserves de lait, et
celles-ci constatent avec bonheur qu’elles sont enfin découvertes. À cette
bonne nouvelle les brebis souffrant de fièvre charbonneuse guérissent, l’une
d’entre elles quitte aussitôt son lit de malade et se présente comme ouvrier
volontaire au laboratoire de Pasteur, où un couple d’amoureux paniqué cherche
justement refuge, poursuivi par les hurlements d’un chien enragé.
Pasteur affronte courageusement la rage de
ce chien et la découvre, ce qui fait que le chien déguerpit la queue et les
oreilles pendantes. Pasteur, lui, fait savoir à Madame Pasteur que c’est elle
qu’il a toujours aimée (musique d’ambiance : l’entrée de Carmen), et il va
chercher le sérum contre la rage. Mais un agent de l’État voisin se manifeste
et il l’invite à signer un contrat pour un film biographique sur lui à
l’attention d’un studio de cinéma qui sera inventé à la fin du siècle.
Là-dessus Pasteur, qui s’apprête à se rendre à un banquet organisé en son
honneur, est saisi d’une attaque hémiplégique[3]. Néanmoins avec son côté valide il se
lance dans un travail véhément pour trouver le pathogène de la rage
cinématographique des temps futurs.
8
septembre 1936
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La Mort Verte, film
d’épouvante
HORREUR
SENSATIONNELLE !
Prochainement ! Prochainement !
Au cinéma des
Terreurs la semaine prochaine !!!
QU’ON SE LE
DISE !
Strictement
réservé aux adultes accompagnés de leurs grands-parents !
Examen médical
préalable obligatoire !
Interdit aux
cardiaques ! – Nerfs solides exigés !
Priorité aux anciens
combattants !
Remise de
10 % aux employés de la morgue !
Bourreaux :
demi-tarif !
Au buffet, remontants du cœur, injections de camphre, sels de syncopes,
à la disposition du public.
Peigne et brosse à cheveux dans chaque loge
(pour aplanir les cheveux dressés
sur la tête.)
QUELQUES PLANS :
1) Ululements de hiboux. Rires
sardoniques. Volutes noires. Une voix : Cette noirceur est une lampe
torche par rapport à la conscience du capitaine Hugh.
2) Plat dans lequel tombent des
gouttes de sueur mortelle.
3) Le colonel Horr,
héros des pampas, fixe des yeux exorbités le spectacle horrible qui se déroule
devant lui. Il murmure dans sa barbe : quelle horreur, quelle
horreur ! Une minute plus tard la même tête avec les cheveux blanchis
chuchote : quelle épouvante, quelle épouvante !
4) Le visage du capitaine Whig, la
Mort Verte. Il grince des dents, serre violemment les poings. Il siffle
doucement : « Ça y est ! Je le serre ! Je vais en extraire
l’âme ! »
5) Mabel
fixe la profondeur et ne dit que : « Hor… hor… hor… » Puis elle tombe
dans le ravin.
6) Un chacal saute dans un hurlement
de lion à fendre des tympans.
7) Viscères piétinés dans une auge.
8) Un homme au visage ensanglanté lève
un couteau au-dessus de sa tête, ses vêtements sont trempés de sang. Devant lui
Mabel, blême. Mabel :
« Vous n’avez pas de cœur ? » L’homme ensanglanté, le couteau à
la main (voix éraillée) : « Non ! ».
LE FILM :
1) Le capitaine Whig transporte du
matériel africain à la Fédération des Taxidermistes et à l’Institut
d’Entomologie. Il est accompagné de son épouse, la blonde Mabel.
Sur le bateau ils font la connaissance du colonel Horr,
à qui la jolie Mabel plaît beaucoup. « La
conscience du capitaine est sombre », observe Horr
dans un tunnel.
2) Horr
tient la photo de Mabel à l’envers, avec la tête de Mabel vers le bas. Lorsque Mabel
voit cela, elle rit de bon cœur (gros plan, un visage déformé par un rictus),
elle effleure le visage de Horr et lui demande de
l’accompagner. Promenade agréable.
3) Horr
s’arrête, regarde le sol. « Qu’y a-t-il, Colonel ? »
« Regardez, Mabel, un insecte étrange. »
« Qu’est-ce que c’est ? » « Ça, c’est une espèce rare
d’asticot nain anthropomorphe du Cameroun, un nabot-minable » Pendant ce
temps il commence à neiger, la tête de Horr devient
comme chenue sous la neige. Gros plan. « Voyez-vous, Mabel,
cette taupinière ? C’est laissé par une sorte de pou au flair renommé, un nezpou-vante. »
4) Le capitaine Whig fait le guet,
caché parmi les arbustes. Il a les mains dans les poches. Il avance d’un pas,
sa figure se tord de douleur. « Maudite puce ! » crie-t-il et il
farfouille dans ses poches. Il finit par l’attraper. Gros plan : « Ça
y est ! Je l’ai ! Je la serre à en faire sortir l’âme ! ».
5) Mabel
s’assoit sur une luge, observe la profondeur devant elle et (gros plan) dans un
cri « beau - affreux » se laisse glisser.
6) Whig achète un chien-loup à un
cirque ambulant.
7) Whig prédit à Mabel
qu’elle sera un jour libérée de son mari cruel. Il fait référence aux aruspices
d’anciennes peuplades, puis il montre sur des viscères de veau comment ils
procédaient.
8) Le colonel Horr,
dont l’épouse passe ses jours et ses nuits depuis deux mois avec Whig, décide
de divorcer. Il est sur le point de mettre en œuvre son plan diabolique, quand
il est soudainement terrassé par un affaiblissement mortel. Les jeunes peuvent
s’unir et Mabel se précipite chez le boucher pour
acheter les provisions d’un dîner de fête. La scène se déroule ainsi :
Mabel (au boucher) : Vous
n’avez pas de cœur ?
Le
boucher : Non.
Mabel : Alors donnez-moi du foie. C’est
aussi bon pour faire du pâté.
Dernier
carton : « Manquerait plus que ça ! On n’est pas assez fou
pour faire interdire le film pour vous faire plaisir. Mais si vous voulez
absolument avoir peur pour votre argent :
« Hou ! Hou !
Hou ! »
20
septembre 1936
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Le sanatorium de Satan[4]
ou
Sombres
cruautés
(Grand drame historique américain)
Le pauvre Président Lincoln qui, le jour de la fin de la Guerre de
Sécession s’est dérangé l’estomac avec des pamplemousses, a héroïquement tenu
son discours du balcon, résistant aux pires crampes intestinales qui se
reflètent tout de même sur son visage. Le soir il va au théâtre. Il s’était en
effet mis d’accord avec un comédien nommé Booth pour se faire envoyer une balle
dans la tête afin de ne pas être obligé d’assister à la suite de cette
représentation épouvantable. Booth s’enfuit mais dans sa fuite il se tord une
cheville qu’un médecin nommé Mudd sera obligé de remettre
en place. Néanmoins les pantoufles du médecin ont été oubliées au
théâtre ; selon la coutume de l’époque, son certificat de baptême et son
attestation de domicile sont gravés dedans. Ces premiers indices ont permis aux
rusés inspecteurs de flairer son identité, et désormais c’est le médecin
innocent qui va être accusé d’être l’auteur de la pièce en question. Il se
défend en vain, l’accusation lui colle à la peau, et on commence à le regarder
d’un mauvais œil, mais pour la durée de l’audience au tribunal il s’enfile une
cagoule sur la tête pour qu’on ne puisse pas le reconnaître. Aussi le
confond-on avec un bourreau médiéval. On est sur le point de le transférer dans
le film intitulé "Les tortures de l’inquisition", quand sa famille
parvient à ordonner un examen de son état mental et à le faire transférer sur
l’île connue sous le nom de Sanatorium de Satan où l’on garde des requins dans
un aquarium circulaire de pierre, sous la surveillance de très nombreux soldats
nègres et blancs pour que ces poissons dangereux ne puissent s’échapper jusqu’à
la mer.
Le jeune médecin ambitieux est contraint de
subir de terribles souffrances dans ce sanatorium. En plus du fait que les
contrebandiers sont incapables de lui faire parvenir plus d’une livre de savon
par jour, et il n’a même pas le droit de se faire envoyer de Washington sa
trousse de manucure, on le contraint de se faire raser par le personnel noir
brutal, inculte et inexpérimenté, ce qu’il refuse, par conséquent chaque matin
il se réveille avec un barbe de trois jours et il ne se la coupe que
l’après-midi. Fréquemment, chaque fois qu’il est de mauvaise humeur, un sadique
commandant diaboliquement méchant le regarde volontairement et expressément
d’un mauvais œil, et une fois il lui a même tiré la langue. Le docteur Mudd ne supporte pas ce traitement infernal. La fois
suivante, quand le commandant lui fait un croche-pied et ne lui demande pardon
que très superficiellement, Mudd se résout à
s’enfuir. La cruauté du personnel du sanatorium va si loin qu’ils veulent
entraver son projet. Pendant des jours ils envoient des canons et des avions
rien que pour lui être désagréables. Un abject tortionnaire enlève même en
secret le tapis de cet escalier mural, destiné à favoriser la fuite des
prisonniers, Mudd glisse presque, et si les gardiens
ne chassaient pas les requins, il subirait une triste fin. Par punition il sera
jeté au fond d’un trou où il n’y a même pas d’appareil de massage électrique.
Heureusement éclate une épidémie de fièvre jaune et ils sont obligés de rendre
au médecin sa culotte de peau décorée de galons de général, son pantalon le
mieux coupé et qu’il aime porter surtout avec un simple polo de tennis. Tout
irait pour le mieux, mais alors, à la suite des intrigues du méchant
commandant, une requête est parvenue à l’État de renvoyer Mudd
chez lui, avec tant d’insistance que ce malheur s’accomplira. Il sera
effectivement obligé de regagner sa petite ferme primitive, misérable, où
l’attend une mort certaine lui et son domestique nègre avec ses douze enfants, qui
désormais luttent tous aujourd’hui dans la glorieuse campagne espagnole.
23
septembre 1936
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La femme coupable
ou
Le mari
indulgent
Le film précédent, produit par l’usine Box, comme vous vous en
souvenez, avec Tom Miksz dans le rôle principal, est
l’histoire d’un mari trompé qui, prenant sa tendre épouse en flagrant délit, la
coupe en quatre. Comme à Budapest ce film a été trouvé trop cru, on présente
cette fois le doux et intelligent Harry Baur, avec sa femme, fabriquée du quart
le plus pécheur de la femme coupée en quatre dans le film précédent, avec une
garniture française. Une introduction passionnante, un développement des
caractères à secouer les nerfs. En effet, le pauvre Harry, intelligent jusqu’au
bout des doigts, regarde longuement, en méditant, dans un tuyau de poêle, puis
se met lentement debout ; d’abord c’est son bras qui nous est montré pour
qu’on voie comme il est brave, puis le bout des doigts pour qu’on constate à
quel point il est doux et intelligent. On voit ensuite les meubles et on retient
sa respiration, quand on est témoin de l’instant d’horreur : Harry se lève
et traverse la pièce. Dans cette atmosphère tendue, son ami Maurice, trompé
jusqu’au bout des ongles, sort du journal humoristique allemand Fliegende Blätter et il lui
apprend qu’il a vu sa femme (la femme d’Harry) dormir dans la corbeille à
papiers avec un jeune homme de vingt ans pleinement irresponsable. Une lutte
terrifiante se reflète sur les traits du visage d’Harry, particulièrement du
lobe gauche du nez vers le bas, jusqu’à la lèvre de droite, mais cette lutte
sera surmontée par la compréhension et le chagrin, dont la passion fait sauter
Harry de sa place et, oubliant toute culture et civilisation, il se rend
directement à la fenêtre par laquelle (censuré pour les âmes sensibles à partir
de seize ans vers le bas) il regarde dehors pendant cinq minutes. Apparaît
alors sa femme, la Marianne pécheresse jusqu’au bout des doigts et elle trompe
son mari sur la joue droite.
Dans Harry, selon nos correspondants sur le
champ de bataille, le fauve est sur le point de l’emporter, quand il se
rappelle pourquoi il est ici en réalité et, dans une torture infernale il tend
aussi la joue gauche pour qu’elle soit trompée elle aussi. C’est après que
commence la véritable histoire héroïque du pardon. Marianne retourne dans la
corbeille à papiers, Harry, lui, s’engage sur la route du pardon. Il va
pardonner à : un fauteuil dans lequel il aimait se reposer, une vieille
pipe, une grille de mots croisés de Pest Napló
de la plume de József Gräetzer, les verticaux, deux
tours blanches de l’échiquier, une jolie jeune fille assise en face dans le
tram, une cage d’escalier en colimaçon. De l’autre côté, arrive un mendiant
vieux jusqu’au bout des orteils et il lui demande de l’argent, mais Harry,
après une courte réflexion, préfère pardonner à sa femme, puisque le vieux
mendiant (« Dieu vous le rende ») se réfère à des garanties qui ne
sont pas couvertes. Dans un autre tram une vieille demoiselle laide jusqu’au
bout des chevilles est assise en face de lui ; ensuite Harry préfère ici
aussi pardonner à sa femme. En outre, on exécute les insurgés bulgares ainsi
que les troupes espagnoles réfractaires et gouvernementales, en Inde de l’Ouest
la rage éclate en dépit de l’excellent film sur Pasteur, dans le quartier de
Ferencváros un charcutier administre une telle baffe à l’apprenti cordonnier
que celui-ci perd deux dents, Harry profite de ces occasions pour pardonner à
son épouse infidèle. En revanche il ne pardonne pas au clou qui dépasse de sa
chaussure, ni aux horizontaux dans les susdits mots croisés qu’il n’arrive pas
à résoudre. Puis, à propos du directeur général de la chocolaterie concurrente
qui pourtant lui avait cédé toute son usine, il déclare à l’audience :
« Monsieur Weisz n’est pas un salaud ?
Alors là, pardonnez-moi !! », en conséquence de quoi l’industriel
sera bouclé ; lui, Harry deviendra millionnaire et obtiendra en prime
l’Ordre de la Gloire d’Or du Grand Pardon, et aussi le Prix Nobel de la Paix. À
la soirée solennelle Marianne cessera de bouder et pardonnera à Harry de
l’avoir pardonnée ; ils se libèrent du jeune homme vagabond irresponsable
et vil séducteur, il le raccompagne à la soupe populaire, et ils vivront
heureux et auront beaucoup d’enfants.
Annonce préalable
Après les films dans lesquels les
protagonistes se coupent en quatre puis se pardonnent et restent ensemble,
vient le chef-d’œuvre du studio Nyux dans lequel ils
ne se pardonnent pas et restent tout de même ensemble.
30
septembre 1936
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Les Temps Ultramodernes
ou
Chaplin, l’universtsar
Nous sommes en deux mille trois cent vingt-quatre. La
constitution technocratique de l’État-Monde est entrée en vigueur hier.
Centre-Industriel, capitale de l’État-Monde, est en effervescence, car l’Usine
internationale de cure-oreilles a commencé de fonctionner, prête à achever la
production des cure-oreilles uniformes, fonctionnels, pour les quatre milliards
de terriens avant la fin de la semaine. On a confié à Chaplin une mission
extrêmement importante : c’est lui qui doit souffler le kérosène sur les
cure-oreilles finis, le kérosène qui pendant la fabrication pourrait goutter
des avions passant au-dessus de l’usine. À cette fin il recevra un
frotteur-souffleur automatique, permettant en même temps de frotter le rouge à
lèvres du visage de la femme infidèle du chef d’atelier, révélant aussi qu’il
n’y avait pas de peau sous le rouge, et Chaplin prend les jambes à son cou pour
fuir. Or l’instrument d’espionnage à longue-vue se lance à ses trousses.
Heureusement Chaplin se cogne à une jeune mendiante sourde dans une rue
latérale. Cela fait vingt ans qu’elle n’a plus mangé de caviar dans une sauce à
l’ananas, c’est pourquoi elle croupit d’inanition sur une aile brisée de son
petit avion déglingué.
Chaplin s’assoit sur l’aile auprès d’elle
avec une assiettée de goudron aux gnocchis que la bonne du directeur général
venait de jeter par la fenêtre. Un lampadaire électrique soupçonneux se promène
par-là, mais Chaplin, avant que la lampe n’éclaire l’action dont il pourrait
s’agir en réalité, fait semblant de se trouver là tout à fait par hasard, et il
mordille par distraction le bord de l’assiette. Mais au moment où, étant un
gentleman, il veut s’essuyer la bouche dans la cervelle d’un marchand de
fourrures en gros qui passe par là à pas rapides, et à cette fin brise le crâne
du passant innocent avec un casse-noix, il attire l’attention du ministre de la
police en Afrique (car son instrument à longue-vue était réglé comme ça).
Celui-ci fait signe à deux girafes dressées de faire descendre Chaplin de ses
grands chevaux. Mais l’opération ne réussit qu’imparfaitement : Chaplin
regagne ses esprits à temps et pendant que le goudron colle au tabouret de
l’avion, il se met à pédaler frénétiquement sur l’hélice.
L’avion déglingué et la jeune mendiante
s’élèvent en l’air, grinçant et cahotant. Pendant un moment les girafes tendent
encore leur cou, mais après mille mètres d’altitude elles en ont assez, elles
le rentrent jusqu’en Afrique. Mais pour la plus grande joie de Mickey il
s’avère qu’entre-temps les quatre pattes de girafe sont parties et les deux
cous de girafes sont restés seuls et se tordent en hélice dans leur tristesse.
Chaplin et la petite mendiante avancent péniblement en trébuchant entre les
nuages sur cet avion déglingué jeté aux ordures, auquel d’ailleurs il manque une
aile. La machine s’arrête à tous moments, elle craque et grince, et elle perd
même sa cabine de pilotage en heurtant un nuage. Les deux amoureux laissent
pendouiller leurs jambes sur l’aile qui reste. Ils essayent, oubliant tout le
reste, de s’installer dans leur lune de miel de félicité. Chaplin se met à
sortir une merveilleuse mélodie sur son chalumeau qui n’est autre que le
foreur-frotteur retrouvé dans sa poche. Maud plante un géranium à la fenêtre
préservée du demi-cockpit. Un mendiant unijambiste aveugle qui tourne la
manivelle d’un orgue de barbarie au bord d’un nuage abandonné, est tellement
étonné que l’orgue lui en tombe de la bouche, et désormais ils ont aussi un
piano, parce que Chaplin attrape habilement une des muselières accrochées aux acacias
et équipe l’orgue de barbarie de pédales et d’un lutrin.
Il s’agirait maintenant de trouver des
légumes dans leur soupe de kérosène pour que leur bonheur soit complet. Chaplin
saute donc de l’avion pour une minute, directement sur la table du conférencier
de la grande salle des séances où les diplomates de l’État-Monde sont en train
de se concerter. Paniqué, il me vole le charabia que moi-même j’avais volé. Il
se met à débiter des mots inarticulés, ce qui permet enfin aux diplomates
multilingues de se comprendre. Ils s’imaginent que c’était le but de Chaplin,
ils l’élisent Tsar de l’Univers dans un enthousiasme débordant. Mais le
prophète Mahomet qu’ils ont dépêché à son service lui rend subrepticement le
perce-oreille que Chaplin lui avait glissé au cou, et tout va être percé à
jour. Les garçons de café vont licencier Chaplin de son emploi confortable et
lui, sur une petite fusée sale qui était collée au cul de sa culotte qu’il
pousse tristement du pied, il part en méditant sur la Voir Lactée en direction
de la Grande Ourse, pendant que le soir commence à tomber et doucement il
laisse derrière lui les comètes et les systèmes solaires.
11
octobre 1936
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Qui
a volé le sujet ?(non
traduit)
18 octobre
1936
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La dernière conquête
ou
Les mystères
d’un cœur maternel
(Film monstre, prévisible premier prix du
festival de cinéma de l’année prochaine, dont la valeur historique et muséale,
d’après des experts, est garantie par le fait qu’il a inspiré à l’auteur de
bandes annonces et de communiqués des poèmes tels qu’on en a jamais vus encore
dans la poésie lyrique des bandes annonces. Cette bande annonce ci ouvre une
nouvelle ère dans l’art des annonces préalables. Des membres éminents de la
Société Kisfaludy prétendent qu’il s’agit là d’une véritable résurrection du
culte des odes et des hymnes, décadent depuis Vörösmarty, de laquelle il n’y a
jamais eu d’exemple dans l’histoire de la littérature. D’après des cercles bien
informés l’auteur de cette bande annonce, sur la base exclusivement de cette
œuvre, serait proposé à l’Académie et pourrait décrocher l’année prochaine le
Prix Nobel, voire le prix de la Fondation Jolán Földes.)
Ben Blumenfeld,
speaker célèbre et admiré de la radio de Berlin, célèbre un de ses plus grands
succès : il lit une de mes humoresques bien connue dans son micro, il y
déploie son art bien connu de lecteur d’humoresques. L’auditoire redouble
d’adoration pour le lecteur, et nous voyons l’Océan Atlantique qui bat le
rythme dans sa mélancolie, au milieu de grosses rigolades de la parfaite
prononciation allemande de l’artiste lecteur. Or, cette lecture est écoutée en
Amérique par l’épouse d’un plagiaire indélicat dont le mari s’était tiré une
balle dans la tête dans sa crainte qu’on le soupçonne de ce film aussi.
L’épouse est aux abois, elle entend mon humoresque pour la première fois, elle
succombe à son emprise, éclate en sanglots, et rien que pour me compromettre
elle n’hésite pas à sauter du lit et aller tellement près de la caméra qu’on
puisse constater sans l’ombre d’un doute ses yeux pleins de larmes et son
expression désespérée.
Elle traverse ensuite une grave crise de
conscience. En effet, ses larmes qu’elle voit dans la glace l’émeuvent très
fort, elles la font penser (ce qui ne serait pas produit sans mon humoresque) à
ce jour, six ans auparavant, quand elle a émigré en Amérique, qu’elle avait un
petit garçon qu’elle avait oublié à la gare ainsi que son sac à main. Sa propre
sensiblerie l’interloque d’avoir rappelé une chose vieille de six ans que toute
personne normale aurait déjà oubliée. Elle va consulter un médecin qui
l’ausculte et lui conseille de se rendre en Europe et de rechercher son sac à
main, condition nécessaire de sa guérison. Elle se rend à Berlin, ville en fête
parce que Blumenfeld lit pour la dixième fois mon
humoresque. La ville est pavoisée, un majestueux feu d’artifice est organisé le
soir en l’honneur du grand Speaker, qui
sera adopté par le ministre et nommé speaker de la rubrique météorologique.
Mrs. Cœur Maternel débarque en plein milieu de ces célébrations. Bien qu’elle
retrouve son sac à main, elle est intriguée par le soupçon qu’elle avait oublié
quelque chose d’autre aussi en même temps que le sac, mais elle ne sait plus ce
que c’était. Cela la tracasse – vous savez à quel point il est désagréable
d’avoir oublié quelque chose, l’avoir sur le bout de la langue, mais ne pas
pouvoir dire ce que c’est. Mais elle a de la chance. En effet, le Grand Speaker
qui veut distraire sa femme à lui, retrouve l’enfant de Cœur Maternel que
celle-ci avait oublié six années auparavant à la consigne de la gare, il prend exemple sur le noble geste du
ministre et il adopte l’enfant. Cœur Maternel n’est pas loin de se suicider
du désespoir de ne pas se rappeler ce qu’elle avait oublié en Europe en plus du
sac à main, quand Blumenfeld passe par là et l’invite
chez lui pour devenir préceptrice de son enfant adopté.
Cœur Maternel s’exclame dans sa joie, cette
offre d’emploi lui rappelle qu’autrefois elle avait aussi un enfant, et elle
est très contente de constater que c’est justement celui-là. Elle est en train
de se réjouir, lorsque arrive l’amant de Madame Blumenfeld
pour soutirer de l’argent à l’épouse du Grand Speaker. Mais le Grand Speaker
rentre lui aussi à la maison au pire moment, juste quand son épouse désespérée
jette à la porte Cœur Maternel qui voulait enlever son fils, et alors l’épouse
se suicide. Dans la cage d’escalier se croisent par hasard Cœur Maternel,
l’amant maître chanteur, l’enfant enlevé, la bonne qui à ces occasions a la
tâche d’annoncer le suicide de sa maîtresse, le commissaire de police, l’avocat
de Cœur Maternel, le procureur royal, le témoin à décharge venu d’Amérique, la
pharmacie qui avait mixé le poison, l’officier d’état civil, ainsi qu’un agent
commercial de la fabrique de meubles qui agencera l’appartement pour eux trois
après le mariage de Blumenfeld avec Cœur Maternel,
grâce à Dieu tout est bien qui finit bien.
8
novembre 1936
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Une nuit dans l’enfer de la
jungle
(Film dans l’immense forêt vierge, au fin
fond de l’Afrique, résultat d’une expédition de deux ans dans la gorge de la
mort, de Sir Wood-Hata, un investissement de deux
millions de livres sterling.) Nous apprenons par la voix un peu éraillée du
speaker allemand (Wir betreten
den Deck des Dampfschiffes Brentano…) que nous
embarquons à bord du steamer Brentano ancré sur les côtes irlandaises, pour
notre voyage aventureux vers l’inconnu. À bord du steamer qui tangue, à la
lumière du soleil levant. Nous voyons une carte, avec une flèche noire qui
démarre dans les îles britanniques, s’incurve vers l’Afrique, et nous commençons
à comprendre comment ce film a pu coûter aussi cher : peinturlurer un pont
dans toute la largeur de la Méditerranée n’est pas une mince affaire.
Hip-hop, apparemment nous sommes déjà
arrivés en Afrique, car les immeubles à étage de Piccadilly sont remplacés par
des herbages et des arbres indigènes dont les frondaisons balancent étrangement
dans les vents africains. Wood-Hata lui-même apparaît un instant, il se fraie péniblement
un chemin à travers la savane, son bon Lancaster à la main. Aucun véhicule à proximité, ni voiture
ni métro ni rien, ce qui devait aussi coûter bonbon, sans parler de la
profusion ambiante.
Le speaker (voix excitée) :
« Und jetzt… durch die Lauben…[5] » Sa voix s’étrangle de ce spectacle que nous découvrons aussi
l’instant suivant : une clairière herbeuse se déploie entre deux branches,
on y voit sautiller des wapitis, ces
étranges monstres caprins sauvages, qui évoluent à quatre pattes et non à deux
comme leurs parents supérieurs, les sauterelles et les puces, sans même parler
du kangourou. D’ailleurs nous verrons bientôt un kangourou aussi, cet être
relativement civilisé, car s’il n’a pas d’argent, il a au moins une bourse,
contrairement à ses parents complètement fauchés, les singes, qui n’ont même
plus assez d’argent pour une bourse. C’est pourquoi ils sautillent, nerveux et
désespérés parmi les branches, pour prouver qu’ils courent sans cesse après
l’argent, et ce n’est pas leur faute si dans les conditions actuelles le
résultat n’est pas au rendez-vous.
Mais chut ! Le speaker a le souffle
coupé par l’horreur. Quelque chose bouge sur un arbre, les lémuriens alertés
fuient.
Un guépard se lance en un éclair entre les
arbres. On le voit ramper, la caméra téméraire le suit au mépris de la mort.
Mais le guépard est plus rapide, il se cache dans les fourrés. Dans cette
situation épouvantable qui menace la caméra d’impossibilité d’agir et de
laisser mourir le cameraman et sa famille d’inanition, à la toute dernière
seconde une opportunité s’offre : la tête d’une autruche apparaît. Le corps
de l’autruche est enfoui dans le sable, seule sa tête émerge, car elle est
curieuse de ce qui va suivre. En effet, le guépard, oubliant son intérêt
naturel, émerge de la verdure des fourrés, semble même venir plus près, mais
notre satisfaction est de courte durée concernant la vie familiale du
cameraman. Une sueur froide s’écoule sur notre front quand le fauve disparaît
définitivement. Fort heureusement une tache pelée sur son dos nous permet de le
reconnaître : il a joué dans le tout dernier film sur la jungle, il doit
donc figurer sur une liste, les Anglais sont des gens précis, ils ont dû noter
sinon son adresse, au moins son numéro de téléphone.
Nous voyons ensuite une girafe pour un
court moment par rapport à sa taille. Le sang se gèle dans nos veines lorsqu’un
serpent géant se déroule en silence de l’arbre voisin – un éclair et déjà il
s’enroule autour du cou de la girafe, la girafe prise de panique est étranglée,
essaye de se sauver avec le boa au cou, ce qui doit être très désagréable par
cette chaleur. Nous nous détournons de cette horreur, mais notre ami sourd-muet
sur le fauteuil voisin qui sait lire sur les lèvres nous rassure, nous rapporte
le dialogue entre la girafe et le serpent. Ils se plaignent que la vie dans la
jungle devient intenable, l’industrie cinématographique occupe trop le terrain,
des cinéastes sauvages sont désormais partout, ils feraient mieux d’émigrer à
Londres.
Un hurlement effroyable éclate dans la
salle : un lion se jette sur un fourmilier qui paît
là paisiblement. Un tigre fraîchement rayé approche par l’autre côté, une
bagarre s’ensuit pour la proie, tous les deux voudraient se l’approprier, et le
fourmilier désireux de fuir est attendu sur la rive par plusieurs sacs à main
de crocodiles vivants. La mort elle-même apparaît, elle jette l’eau d’hygiène
dentaire avec laquelle elle s’était gargarisée et se précipite sur lui. Ce ne
serait pas encore trop grave, mais des papillons sauvages apparaissent en l’air
en claquant des ailes. Le fourmilier semble perdu, alors, Dieu merci, à la
dernière seconde il s’avère que pas un seul mot n’était vrai dans tout
cela !
Speaker : « Aus der Hölle des Natur kehren wir zurück ins friedliche Kuturwelt…[6] »
Crépuscule sur la mer. Le Brentano tangue
paisiblement. On voit un instant le marché de Munich où le feu crépite
allègrement et familièrement dans une cheminée sous les œuvres de Thomas Mann.
18
novembre 1936
-------
(Production monstre du studio Kotro sur le Grand Déluge survenu le 6 juin de l’an
5629 avant J. C. qui a complètement détruit l’Atlantide, la ville du
péché, fierté de l’Amérique, sur la base des notes contemporaines de Moïse et
d’autres reporters, reconstruction authentique, enrichie d’intermèdes
musicaux.)
Nous sommes en Atlantide, dans le bureau d’un
cabaret nommé Jardin d’Éden, où l’on voit immédiatement que la ville est
devenue la proie de terribles et sombres péchés. Une musique filtre en effet
depuis la salle, montrant à l’évidence que les comédiens se préparent à une
représentation en soirée. L’éphéméride murale indique la date : 1er juin 5629
avant J. C.
Le directeur Gabler,
représentant typique de cette ville coupable et dépravée, est occupé à l’une de
ses repoussantes débauches notoire : il additionne les dépenses et il
accueille la délégation qui souhaite lui confier la responsabilité des
sapeurs-pompiers de la ville dans l’intérêt des petites gens face aux
capitalistes conservateurs selon qui on n’a pas besoin de sapeurs. Gabler accepte la charge, mais à ce moment apparaît Tracy
qui n’a pas mangé depuis trois jours, pourtant elle a été une cantatrice
célèbre à Sodome, elle s’est même produite à Gomorrhe, mais dans cette ville
elle a trouvé un cheveu dans ses boulettes hachées faites de jambon humain, ce
qui la fait immédiatement quitter cette ville et son amie Madame Loth qui s’est
aussitôt transformée en partie en statue de sel et en partie en une définition
de mots croisés : quatre lettres horizontalement, ce qui l’a empêchée
d’accompagner Tracy et maintenant elle fait des ménages pour payer sa chambre. Gabler signe aussi sec un contrat à Tracy pour un cachet de
deux cents dollars par semaine. Il veut aussi l’embrasser, mais devant les
protestations de Tracy pour la défense de sa vertu, elle donne d’ailleurs un
grand coup de pied dans le ventre de Gabler, le
directeur à l’âme noire décide un crime encore plus affreux. En prévention de
coups de pied supplémentaires il fuit dans sa chambre, il s’y enferme même pour
pouvoir continuer de jeter des pièces de monnaie à l’armée de mendiants rassemblée
sous sa fenêtre, à l’aide d’un appareil électrique primitif, antédiluvien, de
projection de monnaie.
À la dernière seconde arrive l’amie et
camarade de classe de Donald, le jeune Noé ferme de caractère, qui essaye de
remettre le directeur dépravé sur le droit chemin. Celui-ci se laisse presque
convaincre, il essaye de renoncer à Tracy, mais alors il apprend que le
deuxième homme au caractère sombre de l’Atlantide, c’est-à-dire Diggie, le directeur de l’Opéra, compte débaucher Tracy du
cabaret pour qu’elle chante chez lui dans l’opéra de László Fodor intitulé Jeu de société, qu’il aimerait maintenir
au programme, or il commence à passer de mode. Cette nouvelle secoue Gabler, il est envahi d’une fureur sombre et criminelle au
point de ne plus hésiter à descendre de la tranche de pain sur laquelle il
s’était fait tartiner, il veut retenir son employée, qui à cette occasion
chante la chanson Sombre dimanche.
Or Noé décide une intervention vertueuse
pour sauver le salut des âmes de son ami et de Tracy. Il se jette dans sa
voiture primitive, antédiluvienne, pour précéder l’intervention de Gabler. Mais Laurel et Hardy lui barrent la route et le
supplient que, compte tenu de l’approche du déluge, il dise quelques blagues
qu’ils pourraient utiliser par la suite. Il n’arrive donc pas à temps au
cabaret où Gabler est sur le point de commettre un
crime affreux : il repousse la main secourable de Tracy avec laquelle
celle-ci voulait lui sauver la vie.
Son plan diabolique est sur le point de
réussir lorsque éclate le déluge dans le décorum monumental. On voit l’eau qui
s’infiltre par la fente de la porte. Quand nous regardons la rue, les gens
courent en tous sens, étant donné que tout l’univers s’écoule à travers la
fêlure d’une baignoire gigantesque et l’eau recouvre la totalité du pays. Nous
pouvons voir s’écrouler et disparaître sous l’eau au fur et à mesure des tables
de nuit gratte-ciel construites d’authentiques briques Richter et de pièces de
Mécano. Là-dessus arrive Noé avec sa barque, il repêche tout le monde, au
demeurant ils avaient tous pris une bonne assurance contre le dégât des eaux
par le fait d’accepter leur rôle dans ce film monumental, pendant qu’on voit
déjà la réclame bien connue de Kotro accrochée au
mont Ararat.
22
novembre 1936
-------
Dans la cavalcade du luna-park de Paris apparaît Joe le
bonimenteur devant le stand de Petit Louis à la tête minuscule. Les affaires ne
marchent pas bien, la tête de Petit Louis est enflée de soucis, ce qui nuit à
l’intérêt des spectateurs. Joe déambule fatigué vers la brasserie Bousalca avec sa copine, l’ancienne directrice d’un dancing
et lieu d’aisance, qui n’avait pas écouté ses parents aimants et s’est dépravée
en actrice de cinéma.
À la brasserie Joe rencontre son ami, le
toujours élégant Ziegfeld, momentanément célibataire.
Il a pour surnom Lys, en français Liliom[8], dont la particularité est que les femmes
raffolent de lui. On voit en gros plan Ziegfeld qui
tourne la tête de la copine de Joe, mais avant de parvenir à la dévisser
complètement au grand déplaisir de Joe, il aperçoit dans la poche de Joe un
exemplaire du Figaro dans lequel Joe avait entouré au crayon bleu une annonce
dans la rubrique des recherches d’emploi, l’annonce d’Hélène D., bonne au
chômage.
Il quitte sur le champ Joe et sa fiancée
dont la tête ne pourra être remise en place qu’au prix des pires difficultés,
par conséquent Ziegfeld a tout son temps pour rendre
visite à la jolie Hélène à son domicile. C’est une jolie bonne, douée,
affectueuse et sentimentale qui est en train de repasser tout en fredonnant la
chanson commençant par « Mon Jules, mon Jules, espoir de mon cœur, sans
toi le soleil est sans lumière, car tu es un comte et moi une pauvre orpheline,
et mon cœur orphelin aspire à ton cœur de comte ». Avec son intelligence
bien au-dessus de la moyenne, Ziegfeld reconnaît en
l’espace d’une seconde le talent exceptionnel de la jeune fille pour le
repassage, il lui fait l’offre de la placer auprès de la meilleure famille
comtale. Hélène est heureuse, mais quand elle apprend que Ziegfeld
n’a pas d’argent, c’est à elle qu’il compte emprunter même pour le tantième de
l’agence d’intérim pour bonnes, elle s’indigne et le met à la porte, mais elle
lui court après par l’escalier de service pour le rappeler, car le charmant
garçon courageux lui plaît.
Ziegfeld réussit à placer Hélène et cette petite
chatte habile, toujours gaie conquiert la famille, surtout avec la deuxième
partie de son chant de repassage selon laquelle « Mon Jules, mon Jules, si
tu vas à la guerre, je me vêtirai de deuil, et je veux qu’on écrive sur ma
tombe qu’ici repose une malheureuse orpheline ». Ziegfeld,
bien que ne possédant pas de licence d’activité, sera désormais reconnu comme
placeur sérieux. Sa réputation ne fait que croître, il sera harcelé par toutes
les bonnes cherchant à se placer. Le monde remarque petit à petit qu’un nouveau
style de placeur est en train de gagner du terrain à Paris, et le monde entier
aimerait l’imiter. Puis Joe fait quelques rares apparitions et malgré sa
jalousie il se porte au secours du très dépensier Ziegfeld
qui se débrouille si bien avec ses tantièmes que bientôt il possédera un nid
douillet, une pièce cuisine, au quatrième étage avec usage d’une salle de
bains. Nous apprenons entre-temps qu’il a épousé la fidèle Hélène qui l’aime de
tout son cœur, elle a même accepté de changer son nom en Julika
pour lui faire plaisir, mais Ziegfeld finit par
renoncer généreusement à un si grand sacrifice.
Un immense succès donne une impulsion
inattendue à sa carrière déjà bien lancée, lorsque Ziegfeld
réussit à placer Juci qui chante si bien en cirant
les parquets « au sommet des hautes montagnes je regarde dans la vallée,
j’y vois trois comtes qui nichent dans trois barques », que cette chanson
deviendra bientôt un tube sur tous les continents. Ziegfeld
ouvre une deuxième agence, où son
confort égalera celui d’un aristocrate ou celui d’un garçon au Café de la Paix.
Hélène se fait du souci mais n’ose pas intervenir, jusqu’au jour où elle prend
son mari en flagrant délit d’aider Juci à cirer un
parquet, juste au moment où la jeune fille rusée fait semblant d’avoir le
vertige et tombe dans les bras de Ziegfeld. Hélène
abandonne Ziegfeld aussitôt et même son emploi
enviable, elle va en province pour faire la coursière dans une épicerie
honorable.
La gloire de Ziegfeld
ne cesse pas de croître. Toutefois dans son for intérieur le placeur est pris
de remords. Il épousera Juci et ils auront même une
petite fille, mais Ziegfeld sent bien qu’il est sur
son déclin. Il entreprend une grosse affaire financière pour assurer la vie de
sa famille, il investit tout son argent dans les billets de loterie, mais aucun
ne gagne et son capital est aussi perdu. Un jour il tombe malade, et pendant
que Juci qui ne se doute de rien cire le parquet chez
les Mayer, Ziegfeld est à l’agonie. Il revoit les
étapes glorieuses de sa vie : la première maison où il a placé sa protégée
au cinquième étage, il revoit quand ils montent lentement l’escalier parce que
la maison ne comportait pas d’ascenseur. « Mehr
Lift[9] » murmure-t-il de ses lèvres
pâlissantes, et son haut front derrière lequel le génie s’apprête à son dernier
sommeil se couvre de sueur. Puis son lit se met lentement à s’élever et on
entend au loin la musique des sphères et les girls de l’Olympe sangloter et
danser, Ziegfeld disparaît dans les coulisses de
l’immortalité.
28
novembre 1936
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La chaleur du soleil fait brûler… (non traduit)
8 décembre
1936
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Shearer et Howard
ou
Montaigu et
Capulet
(Version cinématographique d’un drame
Dreyfusard médiéval, production américaine, basée sur l’idée intitulée
"Roméo et Juliette" d’un écrivain anglais William Shakespeare, adapté
à la scène italienne par J.C. Black, scénario de C.D. White, les
droits ont été achetés à Alexander Korda par "Corporation of Worldscreen Ltd" pour E.F. Alexander Rekorda, orchestré par G.H. Simpleton,
vérifié par K.L. Pumpleton, la bordure de la
pellicule a été perforée par Bump & Comp. Manufacture Corporated Ltd.)
Après la restauration d’une tapisserie
véronaise originale on apprend qu’un conflit d’origine inconnue sévit ente les
familles Montaigu et Capulet. Cela risque de couper court à l’action quand
apparaît par hasard le jeune Little Maurice Cukor et
il s’imagine des choses. De ce qu’il imagine éclate un grand tumulte dans les
rues de Vérone restaurées selon l’original : les deux familles
s’approchent l’une en face de l’autre, les deux cortèges sont introduits par
des fanfares militaires, défile également le centurion d’honneur des
V.R.P.M.I.C.L. (Voyageurs Représentants Placiers Médiévaux International
Corporation Limited), puis on apporte la coupole de Notre Dame en deux
exemplaires, les deux ménages défilent sous leur coupole, et enfin quelques
tanks médiévaux originaux ainsi qu’un sous-marin démodé couvert de patine
closent la marche, pendant qu’un avion blindé, lourdaud, de l’époque antique de
l’empereur Socrate III cahote et grince en l’air.
Alors les coursiers, les bonzes, les
sorciers vagabonds et les motards (en ce temps-là ils n’avaient pas de moteur,
seulement des pédales) se tapent dessus, la bagarre s’installe, des cuisiniers,
des assistants habilleurs, des chefs de bureau du registre du commerce porte
péniche et des cow-boys se cognent furieusement, pour le plus grand amusement
du public des tribunes charpentées à cet effet. Mais le Prince arrive à la tête
de son armée, il dit « non mais des fois » puis s’éloigne à la tête
de son armée.
Howard se rend donc au bal masqué et
aperçoit là Shearer. Cette jeune actrice américaine
lui plaît beaucoup, mais devant l’environnement noble et la revue de danse
moderne mise en scène spécialement à cette fin à grands frais par Ziegfeld, le roi des revues, avant sa montée au ciel peinte
par Léonard de Vinci, il pense qu’une actrice de cinéma si riche et si noble ne
pourra être conquise ni par sa beauté ni par son argent, il faudra la chauffer
par sa culture au sens européen.
Dans cette idée il lui récitera donc by heart,
c’est-à-dire par cœur le rôle de Roméo selon Shakespeare, pour étaler sa bonne
éducation. Mais il en faudrait plus pour Shearer qui
n’en manquait pas elle non plus, et elle répond par des citations de Juliette.
Ce petit jeu plaît beaucoup aux deux excellents acteurs, ils en oublient que ce
n’est qu’une revue, Shearer fait construire une
magnifique chaire au milieu du parc de Palm Beach et c’est de là-haut
comme d’un balcon quelle continue le rôle de Juliette.
Le jeu s’avère être extrêmement amusant, si
bien que tout le monde riche du cinéma, Cukor compris, joue le jeu – ils
l’élargissent même en un jeu de société comme le rami, et cela se répand comme une épidémie. Dès le
lendemain chacun joue du Roméo et Juliette dans la Vérone hollywoodienne, ils
abandonnent la revue et les défilés. Ils jouent même que Roméo tue Tybalt, il s’enfuit, Juliette prend des somnifères, elle se
fait enterrer, Roméo revient, il la croit morte, il ingurgite du poison,
Juliette se réveille, elle le trouve mort, elle ingurgite un poignard.
Néanmoins ici le metteur en scène intervient. Il explique aux deux excellents
acteurs que cette histoire digne d’un roman policier est complètement
invraisemblable, car qui va croire une telle série de malchances et de
maladresses, notamment que juste au moment où on communique à Hamlet qu’il peut
venir chercher Juliette en catalepsie, éclate la peste et on interdit à son
envoyé l’entrée du Palais, en revanche on y laisse entrer le porteur de fausses
nouvelles qui annonce la mort de Juliette, alors Hamlet rentre chez lui et il
se tue précisément trente secondes avant le réveil de Juliette, directement
avant le happy end bien mérité. Tout le monde est d’accord là-dessus, mais les
quatre-vingt-dix minutes sont écoulées. On ne voit donc pas le film véritable
justement produit à partir d’Othello de Shakespeare et de la pièce "Enfant
de la fortune" de Gábor Drégely[10] par le studio américain pour les mêmes Shearer et Howard, on en verra seulement la bande-annonce,
celle du programme suivant.
5
janvier 1937
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Film en couleurs
(Roman fantastique futuriste
des temps américains précinématographiques)
On voit dès le premier instant que nous ne sommes pas dans la
réalité, mais dans une région fantastique, imaginaire, peut-être sur une autre
planète. L’écran représente un verger, mais les arbres ne sont pas gris et noirs
comme dans ce monde naturel qu’avait créé pour nous le fondateur de l’industrie
mondiale moderne, notre seigneur le Capital cinématographique ;
imaginez : ces arbres sont verts,
et le ciel n’est pas noir grisâtre non plus comme il se doit, mais il est bleu, parole d’honneur le ciel est bleu,
les pommes sont rouges (on est bien
obligé de rigoler !), rouges et non gris noir, et alors arrive Ramona, la
fille du futur producteur du studio Schwarz und Weiss
– et Ramona n’est ni noirgrisâtre-noir comme doit
être une figure de cinéma normale, mise au monde par une mère, mais elle a des
joues roses, des lèvres rouges, des yeux bleus, et (son unique trait naturel)
des cheveux noirs.
C’est de cet être futuriste miraculeux
qu’est amoureux le neveu millionnaire du futur roi du cinéma, il est déjà près
à l’épouser pour en fabriquer du gris normal, quand apparaît Alessandro,
l’autre idiot, qui tout Indien qu’il est, n’a pas un visage couleur plomb mais
des joues rouge cuivre, et les tomates qu’il cueille ne ressemblent pas au
cirage à chaussures normal, mais c’est un autre fruit rouge (des fruits de
couleur ! Non mais des fois !), et
pour couronner le tout, quand il allume sa pipe, la flamme de
l’allumette n’est pas noire mais jaune rouge.
La veuve du futur roi s’indigne de tant de
folies, elle interdit le trublion de sa maison. Or Ramona aperçoit son propre
visage dans un lac dont l’eau est bleue,
cela lui fait comprendre qu’elle est en parenté avec le garçon de couleur,
puisqu’elle a aussi une robe
multicolore ; elle en déduit que peut-être son sang est rouge aussi et
elle l’épouse.
La veuve du roi du cinéma pressent le
danger qui menace sa patrie à elle, le royaume des films sans couleur, si ce
genre de perturbateur se multiplie. En effet au bas mot dix mille films
normaux, gris, ont déjà été préparés pour que le public soit pourvu de films
jusqu’à la fin des temps une fois que le cinéma sera inventé, ils y ont investi
énormément de capitaux, sans même parler des
appareils d’enregistrement et de projection. Si l’on tient compte de
tout cela, cette industrie aura besoin d’un minimum de cinquante ans pour
amortir tant d’investissements. Or si ces coloristes devenus fous inventent
maintenant, dans leur naïveté infantile, leurs films à eux, ils risquent
d’inventer dès le début le film en
couleur. N’oublions pas qu’il aurait pu arriver que par exemple dans le
télégraphe aussi on comprenne dès le début qu’il peut très bien fonctionner
aussi sans fil, que c’est simple et naturel, à la suite de quoi les fabricants
de fil et les rois du fil n’auraient pas gagné un sou pendant quatre-vingts
ans ! Les agissements de ces nouveaux farfelus pourraient mettre en
faillite toute l’industrie cinématographique sans couleur à naître, voire
l’empêcher même de voir le jour !
Ressentant ce terrible danger, la veuve du
futur roi du cinéma organise une armée composée de futurs propriétaires de
studios, d’agents, producteurs de pellicule, etc. Ensemble ils assiègent le
petit parc de couleurs paisible, le nid douillet d’Alessandro et de sa femme,
où pour la grande horreur et le scandale de tout studio honorable les prunes
sont bleues, le blé est doré, les lilas sont mauves. Ils les chassent avant
qu’ils ne puissent élever leur nourrisson, le futur inventeur du cinéma en
couleur. Lorsque Alessandro veut sauver son enfant rachitique par manque de
capitaux, et il vole un cheval pour chercher au plus vite un médecin, ils le
tuent d’une balle. La malheureuse mère, comprenant que toute résistance est
vaine, se jette dans les bras des futurs puissants du cinéma qui inventeront et
diffuseront les films sans couleur, d’autant plus qu’entre-temps la nuit est
tombée et la nuit tous les chats sont gris et tous les films sont noirs.
2
février 1937
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(Merveille de film en
couleurs sur l’amour de deux cœurs déçus.)
Le premier cœur déçu, c’est Marlène Dietrich, a été élevé dans
un couvent ; sortie dans le grand monde, elle a regardé son film intitulé L’ange bleu, et elle a été dégoûtée à
tel point de la fange qu’elle a immédiatement repris le chemin du couvent où
elle déambule dans le jardin avec la mère supérieure à barbe grisonnante en
chantonnant la berceuse commençant par « Ich bin von Kopf bis Fuss auf Tugend
eingestellt[12] », quand elle se souvient que dans
les cas semblables le prophète Osée allait dans le désert paître des zèbres.
Elle boucle aussitôt ses bagages et prend
le premier train pour le Sahara.
Au même moment à l’autre bout du Sahara le
révérend Charles Boyer, dans un de ces monastères qui prolifèrent comme des
champignons, se remet de l’illusion d’optique fondamentale qu’il a subie lors
de sa naissance lorsqu’il croyait être venu au monde dans un buisson de roses.
Cela fait des années qu’il vit en ermite,
occupant son temps libre à cultiver des fromages et à se remplir d’eau-de-vie
de sa cueillette, la versant dans des bouteilles caractéristiques, ce qui
deviendra plus tard source de complications.
En effet, un jour il sent qu’il ne supporte
plus la pieuse fragrance du fromage et de l’eau-de-vie, il aspire à quelque
terrible bourbier criminel, il aimerait écouter la conférence du professeur
Halton sur l’art gestuel à Tombouctou qui, après la présentation de certains
mouvements libres du corps, se consacre aux éléments de base de la culture
physique africaine, avec une accent particulier mis sur les prétentions
coloniales des Pays-Bas et de l’Allemagne.
Pour sa perte il croise là Marlène Dietrich
qui elle aussi observe les exercices anatomiques de la danseuse du ventre
sénégalaise afin de rasséréner son âme déçue. Se voir, se fuir, se rabibocher
quand même après un long combat dans leur for intérieur, faire du ski à
Saint-Moritz ensemble pendant trois ans, faire l’apprentissage du cinéma auprès
d’Alexander Korda, revenir et s’enflammer d’un amour irrésistible l’un pour
l’autre : tout cela ne fut que l’œuvre d’un instant. On a beau les mettre
en garde, l’éclat de leur bonheur pourrait ne pas durer, le ciel pourrait
s’endeuiller, ils n’écoutent personne, pas même le vieil augure des sables qui
y enfonce son nez pour ne pas voir la suite, c’est facile pour lui : il
suffit de descendre de l’écran.
Les deux jeunes ourdissent un crime à
donner le frisson : ils s’unissent à l’église du village devant le curé
bienveillant qui les marie en hochant la tête, sachant que ça ne donnera rien
de bon. Pendant tout ce temps Charles Boyer fait une grimace comme si en s’il
avait oublié sur lui son maillot de bain mouillé et il avait constamment peur
que l’eau traverse son habit.
Ils sentent tous les deux qu’ils feraient
mieux de disparaître rapidement des yeux des gens. Par conséquent Charles Boyer
revêt à la hâte sa culotte de peau de porc, sa chemise de frac et son chapeau
de cow-boy, uniques biens qu’il avait emportés du monastère. Marlène Dietrich,
elle, n’emporte, à part quelques tenues de soirée et une sortie de bal
saharienne, qu’un seau à champagne, charmant souvenir de son enfance. C’est
ainsi équipés qu’ils partent en voyage de noces avec une caravane conduite par
un aristocrate vieilli avant l’âge. Ils consacrent leur temps au bonheur, à
faire du crochet et à caresser des éléphants.
Ils ont déjà dépassé le milieu du Sahara
lorsqu’ils tombent sur un capitaine de frégate qui fait son service à cet
endroit. Au champagne de six heures un morceau de fromage de trappiste lui fait
reconnaître Charles Boyer, prophète en fuite, qui en d’autres temps avait
jeté fromage et eau-de-vie et qui maintenant fait les quatre cents coups en
plein milieu du désert du Sahara, alors qu’il était autrefois le maître
fromager du couvent.
Après une grave crise de conscience Boyer
finit par dévoiler son casier judiciaire. Marlène Dietrich est d’avis que seul
un châtiment complet peut y remédier. C’est elle-même qui raccompagnera son
mari malheureux par un escalier arrière du Sahara jusqu’au couvent et lui fera
promettre de ne plus jamais y retourner aussi longtemps qu’il y aura un seul
homme pour préférer l’olmütz des Tchèques au
délicieux fromage des trappistes, et pour préférer la voir elle dans des films
cochons.
19
mars 1937
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Actualités, Mickey[13]
Actualités Fox, Actualités du monde, Actualités universelles,
Actualités omni-voyantes, Actualités spéciales, Actualités parlantes pour
sourds-muets, Actualités résumées, Actualités géantes d’Europe, Actualité la
plus grande, Actualité la meilleure, et pour finir cette mosaïque : la
Meilleure Actualité. Projection stationnaire, mascotte de la maison : des
rayons lumineux jaillissant du chaos, disque en spirale pirouettant, prise de
vue réussie du système solaire en formation, puis l’éléphant Bouddha qui
soutient l’assiette Terre, pendant qu’il penche majestueusement sa trompe, il
chante un long cocorico, puis il pâlit. Les événements sensationnels de la
semaine : pose de première pierre du lieu d’aisance à construire pour la
fabrique de bretelles de Hunterhelsingstadt. Après
l’hymne flamand nous voyons le maire de la ville en gros plan, il salue en
quelques mots d’encouragement le futur lieu d’aisance (dans sa langue basque
indigène). Défilé sportif sous le métro aérien de New-York d’étudiants japonais
ayant escroqué des cautions, leur guide en tête, avec son pipeau
caractéristique, suivi de l’équipe en rangs par quatre, en arrière-plan le pont
de Brooklyn. Principale sensation de la semaine, une prise de vue originale de
l’Espagne en ébullition : adossé à une palissade, un petit enfant espagnol
sale lève une casserole à sa bouche, la casserole contient probablement une
soupe, une soupe brûlante, même bouillante, parce que l’enfant l’éloigne de la
bouche avec une grimace. Vue sur des arbres espagnols depuis le bureau de
travail d’Unamuno, grand poète espagnol, une paire de bottes espagnoles dans un
coin, on voit par la fenêtre un angle de la cathédrale. Image finale :
Monsieur Szlatinek, conseiller de direction en
affaires de licenciement, inaugure l’exposition d’épinards de Szoboszlópalánk en quelques mots élevés dont on n’entend
que : « …l’épinard, Mesdames et Messieurs, les anciens Grecs
déjà… »
Mickey en pompier ! Dessin animé
truqué. Un immeuble de quatre étages flâne paisiblement sur la route, sa
cheminée fume une cigarette, elle lâche des volutes, son portail bâille.
Nounours le guette de derrière un buisson, parce que Mickey ronfle à une des
fenêtres. Son ronflement effraie les peupliers qui longent la route. Ils tapent
rythmiquement de leur tête sur la mélodie de « Miss Otis », deux
trembles accompagnent la mélodie à la tierce, puis un capricorne ayant enroulé
un ver de terre trop curieux autour de ses hanches se met à courir, tout en
jouant le Yankee Doodle sur des vers de terre comme sur les cordes d’un violon.
L’immeuble jouisseur s’étire, s’aplatit, puis s’allonge au bord d’un fossé et
s’endort. Mais un piano d’appartement fait une fugue, prend Mickey sur son dos
et grimpe sur un cerisier dont dépassent des pendules murales, qui dans leur
panique se mettent à tictaquer « Parlez-moi
d’amour », mais Mickey les avale les unes après les autres au moment même où Nounours se lance à sa
poursuite. Sous le poids de Mickey le piano s’allonge en un crocodile, se met à
courir et explose. Ses pédales heurtent la demi-lune qui fait une cure
d’amaigrissement et se nettoie les ongles, quand Nounours la rejoint. Une
bagarre éclate, le piano tape avec ses touches sur la tête de Nounours, dont le
squelette tape le chant « Niggerbigger »,
il essaye de parer les coups avec les valves de son cœur, puis Nounours tombe
en quatre morceaux, chaque quart fuit sur la mélodie de « Old
people », pendant que l’immeuble assoupi prend feu, court vers la rivière
pour s’éteindre. Nounours aperçoit que les langues de flammes qui sortent par
les fenêtres se moquent de lui, il se met en colère, fait sortir la rivière de
son lit, il la jette à Mickey. Mais celui-ci démonte le pont de la rivière,
chasse le corbeau qui croasse du haut d’un peuplier, il enroule l’arbre et cogne
la tête de Nounours avec le rouleau, pendant qu’il s’avère que dans ce monde
même le non-sens a perdu le sens…
1938
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Le petit faon et les bêtes
sauvages
(Film américain original sur la récompense de la vertu et le châtiment
du crime, dans ce Babel moderne dans lequel un faon innocent a tant de mal à
rester pur.)
Faon est en réalité une jeune fille innocente très pauvre qui,
dans la misère effroyable où vivent ses parents et ses frères et sœurs, est
contrainte d’accepter qu’un entrepreneur millionnaire ose lui offrir un poste
de secrétaire, payé cinq mille dollars par semaine. Naturellement, cet homme,
honte à lui, l’entrepreneur, exigera de cette enfant sans défense, impuissante,
les intérêts de son investissement : dans un moment inattendu, pendant
qu’il lui dictait une lettre, il réussit presque à lui caresser le cou, sous
prétexte de jeter un coup d’œil au texte. Dans sa frayeur haletante, la seule
façon que la malheureuse victime trouve pour se défendre est de lui administrer
un grand coup dans le ventre avec le tabouret du piano, puis renverser la
baignoire sur le dos de ce loup mis à terre qui grimpera à quatre pattes à la
façon d’une tortue jusqu’à sortir par la fenêtre et notre Faon pourra se
sauver, elle, par la porte ouverte.
Mais d’autres loups apparaissent dans ce
petit château de province calme, silencieux, où Faon s’est retirée avec son
chagrin et sa déception où elle traîne sa vie de misère avec le petit pécule
amassé pendant les trois mois passés dans le château
du loup féroce. Un riche propriétaire terrien, Sawyer, qui cache sa méchanceté
de fauve derrière une jeunesse et une beauté resplendissante, attire Faon et
ses trois enfants illégitimes en visite chez lui, où il lui offre son nom et sa
main, afin de parvenir à ses fins honteuses. Faon, dans son innocence
inébranlable se donne à lui, mais la nuit des noces la sauvagerie animale de
Sawyer va jusqu’à découvrir l’entrepreneur et il se met à hurler d’une façon
effrayante, si fort que Faon ne peut sauver sa vie de Faon fragile et fuir du
château sans fourrer dans la bouche du propriétaire terrien quelques malles de
voyage.
Sawyer qui en pince pour elle cherche sa
malheureuse victime sur tous les continents afin de lui envoyer au moins de
l’argent. Faon ignore cela, et n’ayant personne à proximité pour la protéger,
retourne chez l’entrepreneur qui, dans un moment d’égarement, l’épouse. Par
hasard ils descendent au même hôtel où Sawyer pousse la porte une nuit. Faon,
oubliant les vilenies commises contre elle, et craignant pour la vie de Sawyer,
fait fermer la porte par l’entrepreneur, mais ce fauve immonde, en récompense
de sa bonté, veut tuer, pardon, embrasser, sa femme sur le front, ce à quoi
Faon, qui se débat dans le dernier des désespoirs, enfonce le tuyau de poêle
dans l’estomac de l’infâme. Et comme celui-ci ne vient toujours pas à la
raison, elle tire avec le fusil à eau qui lui tombe sous la main, puis,
exténuée, à bout de forces après tous ces harassements, se laisse tomber,
blasée dans les bras du fauve immonde !
À l’arrivée rapide de la police, Sawyer
regagne enfin ses esprits et, se rendant compte que sa poursuite contre la
pauvre Faon restera infructueuse, préfère prendre sur lui l’assassinat, ce qui
lui vaut d’être lynché par la foule déchaînée. C’est ainsi que la pauvre Faon
poursuivie par le sort atterrit entre les bras d’Arthur qui n’avait pas l’idée
de se sauver pendant qu’au dehors des criminels sadiques à chapelet chantent de
vieux cantiques négros.
Ce programme excellent comporte des prises
de vues sud-américaines intéressantes sur la vie fascinante des lamas
carnassiers et des chacals végétariens roucoulants, dans un cadre naturel.
1938
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« Wir
sind unschuldig »
ou
Innocents ?
Innocents !
Innocents… !
Innocents !?
ou
La jeunesse de
Madame Lunar
(Film de dissuasion contre
les bons auteurs et les bons réalisateurs)
Le but de ce film est de dissuader les auteurs et réalisateurs
de films qui fleurissent de nos jours, surtout en Amérique, et qui, révoltés
contre les traités et règles internationaux respectueux de l’intérêt du grand
public, obligent les industriels du cinéma de n’élaborer exclusivement que des
sujets minables, ou dans le pire des cas (si par hasard on est à cours de sujet
minable) au prix d’un travail de réalisation soigneux gâtent et anéantissent
les bons sujets. Nous verrons à quel point, en conséquence ad absurdo du non-respect de ces règles, ne naîtraient que de bons
films, sans même hésiter à représenter la vie réelle telle qu’elle est, gâchant
par-là le goût du public de gens biens. Il faut remarquer que les textes, le
titre lui-même aussi, ont beaucoup contribué à nuire à l’acceptabilité normale du sujet initial. Ce qui rend
intéressant l’histoire ci-dessous est le fait qu’il n’y a rien d’intéressant,
et je m’attelle à attirer l’attention des producteurs là-dessus.
Le film traite l’histoire de deux braves
amies et le fiancé de l’une d’elles qui ont ouvert une école privée, leurs
expériences désagréables avec les élèves, leur échec, puis une amélioration
partielle de leur sort. Ce film ne commence pas comme il devrait, c’est-à-dire
que le futur fiancé qui est médecin verrait une petite fille insouciante jouer
dans une prairie en fleurs, et cela lui rappellerait qu’il serait bon de créer
une institution éducative à Brighton. Il commence par les deux amies qui ayant
obtenu leur diplôme d’institutrice, rentrent chez elles et sur le trajet
rencontrent la tante d’une des deux. Or cette tante n’est ni riche ni
bienveillante comme une tante devrait l’être, c’est une comédienne provinciale
ratée, mais même en cette qualité elle n’est pas une Bohême aimable au cœur
d’or, mais une furie capricieuse, égoïste, le malheur de sa famille avec un
caractère de vipère, telle qu’il n’en a encore jamais existé au monde, sinon
tout au plus dans la réalité. Elle ne tarde pas à se pendre aux basques des
deux amies. Elles font connaissance du jeune médecin qui bien que doué et zélé,
n’est pourtant très invraisemblablement ni hautain ni mortellement sérieux,
mais joyeux et enfantin. Il tombe amoureux d’une des amies, mais au lieu de la
regarder au fond des yeux, rendant ainsi la scène apte au gros plan,
chuchoterait : « je vous aime, Magda », reniant toutes les
prescriptions de l’industrie cinématographique, il pousse un cri désespéré à la
face de son aimée : « Sacré nom, oh purée ! Qu’est-ce qu’on va
devenir, je suis amoureux de vous ! »
Or la tante ne l’entend pas de cette
oreille, comme le ferait une tante cinématographique normale qui les
encouragerait d’un sourire indulgent et d’un hochement de tête en écartant le
feuillage de deux index crochus pour mieux voir. Elle, d’un comportement
impossible que l’on ne rencontre dans aucun film au monde, sinon tout au plus
dans la vraie vie, se fait intrigante et accuse l’autre amie de machination.
Interviennent une petite élève de dix ans et sa copine du même âge, ce qui en
soi permettrait de gâcher honorablement le film de façon que le rayon de soleil
émanant de l’âme innocente et bienveillante des enfants rabiboche et réconcilie
les adultes, mais ce qui se passe ce n’est pas que Shirley Temple, la main dans
la main sous un cerisier avec le petit comte (comme ils sont mignons, n’est-ce
pas, oh Malvina !) décident de rendre justice, mais il se passe que sans
aucune raison la petite fille se met également à intriguer et à mentir ;
se basant sur des apparences elle va salir les amies devant toute la société de
bonnes mœurs, elle fait chanter sa petite copine pour qu’elle mente elle aussi,
elle organise des scènes d’hystérie, elle soulève tout le monde contre les amies
honnêtes et travailleuses. Bref, elle fait preuve d’une attitude qui ne
pourrait exister nulle part dans un film intelligent européen, sinon tout au
plus la semaine dernière à Vienne où un sosie adulte de cette petite fille, une
certaine Madame Lunar, a torturé sa bonne à mort, et
par sa suggestion hystérique elle a mis sous sa domination toute la maisonnée,
et maintenant tout s’est su.
La grand-mère bienveillante au grand cœur
est sur le point de tout arranger, mais les amies portent plainte contre elle
pour calomnie, la petite fille n’apparaît pas à l’aube devant son père pour lui
faire des aveux sincères dans l’intérêt d’un happy end, mais on va au tribunal.
À l’audience, aussi incroyable et inimaginable que cela paraisse, la vérité
n’éclatera pas sur la base des témoignages de Pasteur et d’Émile Zola qui se
trouvent par hasard dans les bancs du public, mais on acquitte le criminel et
on jette les innocents à la vindicte publique. Les malheureux ne s’en remettent
pas et sont contraints de fuir. À ce moment l’auteur et le réalisateur se
ressaisissent enfin, et pour offrir une fin heureuse ils font en sorte que les
amoureux puissent s’unir dans un environnement étranger. Mais, c’est plus fort
qu’eux, les auteurs trouvent le moyen de gâcher tout par une dernière scène,
car on ne voit pas le visage des deux amoureux s’approcher l’un de l’autre, ni
en gros plan ni de profil, c’est seulement de l’étonnement du public présent
dans le café que nous apprenons que les amoureux ont dû se trouver et
s’embrasser.
1938
[1] Satire d’un film de Sacha Guitry: Pasteur (1935)
[2] Référence à un passage de Éloge de la folie.
[3] Pasteur a été victime d’un AVC en 1869.
[4] Satire d’un film de John Ford (1936), « Je n'ai pas tué Lincoln (The Prisoner of Shark Island) sur le docteur Samuel Mudd qui a soigné l'assassin de Lincoln, John Wilkes Booth, dans sa fuite.
[5] Et maintenant, à travers le feuillage.
[6] Retournons de l’enfer de la nature dans la paix du monde civilisé.
[7] Satire du film Déluge (1933) de Felix E. Feist, produit par RKO Radio Pictures.
[8] Allusion à liliom, pièce de Ferenc Molnár, adaptée au cinéma par Fritz Lang, avec Charles Boyer.
[9] Déformation de Mehr Licht (plus de lumière) qui auraient été les dernières paroles de Goethe.
[10] Gábor Drégely (1883-1944). Écrivain, dramaturge.
[11] Satire du film américain The garden of Allah de Richard Boleslawski (1936), un des premiers films en couleur.
[12] Je suis de pied en cap faite pour l’amour
[13] Les trois textes suivants ont paru à part en 1938.