Frigyes Karinthy -
Poésies : Message dans une bouteille
honneurs avant le combat
Mon
adversaire
Ce
signe secret l’épée tendue vers la terre
(En
clignant des yeux pour ne pas être aperçu)
Ne
le comprends pas comme une vile bassesse
Seulement
simuler que nous nous blesserons
Oh
non je le sais bien comme moi tu es fier
Tu
te battras jusqu’à total épuisement
Moi
aussi ce n’est pas de cela qu’il s’agit
Je
te passe un message et nous nous
comprendrons
Une
salutation autre que l’officielle
Celle
que réclame le balcon le parterre
Juste
comme ça sans but et par orgueil altier
Pour
que tu saches avant que tu ne meures ou moi
Que
je sais qui tu es que tu en saches autant
Sur
mon front enfoncé trouve le même signe
Que
j’ai depuis longtemps remarqué sur ton front
Les
fils de nos épées vont trinquer fièrement
Elles
s’embrasseront telles des cordes tendues
Pendant
que les tailles tinteront avec ruse
Je
sais bien vois-tu que tu vaux plus que les autres
Bien
plus que ceux qui t’ont envoyé au combat
Nous
deux fils malheureux de deux tribus rivales
Deux
races étrangères qui se haïssent à mort
Nous
combattons pour eux nous les nouveaux Curiaces
Pour
toi aussi bien sûr il est bien plus facile
De
mourir dans ce lieu que d’avouer chez toi
Le
Péché, ton secret à ceux de ta tribu
Cette
Malédiction clamée sur les Sept Pierres
Le
courage ne hait seuls les lâches haïssent
Toi
aussi n’est-ce pas ta gorge est oppressée
Nous
savons à l’avance qu’un de nous restera
Couché
sur cette piste tandis que l’autre hissé
Par
la multitude sur les épaules en liesse
Sera
taché de sang et ceint de lauriers
Ses
deux mains pendantes et léchées par les lèvres
Des
femmes assoiffées de sang noir et impur
Ensorcelé
il se penchera jusqu’à terre
Où
dans la poussière on sera occupé
À
ramasser le corps à la poitrine creuse
Jambes
pendantes lèvres pâles et fermées
Qui
jamais ne lui avaient dit mot et sa tête
Qui
ne s’était jamais tournée vers lui hostile
Yeux
brisés qui jamais se posèrent dans les siens
Dans
les glorieux combats des Verts et des Jaunes
Avec
ce blanc-ci, oui, ils se seraient compris
Et –
tu entends l’autre ? – démarre le vacarme
Tout
d’abord à l’épée puis si le jeu n’avance
Au
gourdin et la crosse et la dague et les mains
Si
l’autre râle encore lui reste un peu de souffle
Jetant
l’arme à mains nues tu attrapes la tête
Attrape
ce que tu peux le nouveau cri de guerre,
Cet
hallali du Christ nouvelle bannière
Tes
ongles sur ma gorge et mes dents dans tes bras
Et
tes griffes – était-ce le troisième signe ? –
Hourrah,
en avant, sans faiblir ! Avec tes griffes
Arrache
mon cœur je piétine tes viscères
Crève
chien ou que je crève mort devant toi
Hourrah
sur la verdure, ton sang la teint en rouge,
Et
maintenant je tombe, mon corps, ton sang, ton corps,
Mon
ennemi tu tombes, mon sang, en bas ici,
En
haut là-bas, en haut, toi mon unique ami,
Toi
mon digne ennemi, mon frère dans le ciel !