Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
UN DOCUMENT INCONNU DE FRIGYES KARINTHY
par Ferenc Dalmáth
Mon ami J.K. m’a offert un
cadeau précieux. Une lettre originale de Frigyes Karinthy, digne d’une
humoresque, dont l’histoire, selon la légende familiale, est la suivante :
L’oncle défunt de J.K., un
admirateur inconditionnel de Karinthy, après une lecture conférence de
Karinthy, a demandé au grand écrivain une dédicace accompagnée de quelques mots
spirituels. (La coutume voulait à l’époque que le signataire ajoute un
aphorisme à l’autographe.)
Mais la famille à la maison,
oh douleur, toutes forces réunies, n’est pas arrivée à déchiffrer le précieux
manuscrit. L’oncle était un homme pointilleux : c’est à Karinthy lui-même
qu’il a posté le texte incriminé accompagné d’une lettre, en demandant le
déchiffrage.
Voici la réponse :
« Cher Monsieur,
J’ai tardé à répondre à votre lettre, car jusqu’à ce
jour je me suis moi-même tourmenté : que diable ai-je pu griffonner sous
cette dédicace. Aujourd’hui seulement j’ai retrouvé la solution rassurante, je
vous la transmets aussitôt avec joie : eh bien, il n’y a rien d’écrit. À
l’issue de la conférence dont il s’agit plusieurs personnes sont venues me
demander d’écrire un aphorisme spirituel, mais je n’en avais qu’un seul en
réserve, et même je l’avais oublié, or je n’avais pas le courage de l’avouer,
j’ai fait ce que nous faisons tous verbalement : j’ai recouru au baragouin
– j’ai contrefait une phrase écrite, en confiant à l’humanité et à la postérité
d’arriver à y lire quelque chose de spirituel.
Je vous révèle donc ce méfait, mais je vous prie de
l’emporter dans la tombe et de n’en parler à quiconque – laissons-les se casser
la tête.
Le 1er novembre 1916.
Cordiales salutations,
Frigyes
Karinthy. »
Lúdas Matyi, 7 décembre 1961.