Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
QUI SERA CE MONSIEUR ?
Il n’en faut pas davantage pour saisir clairement la
situation : un éclair aussi ne dure qu’un instant mais il
suffit pour dévoiler un paysage dans la nuit la plus noire.
Ordinairement il dévoile un paysage tourmenté parce qu’il
est un éclair ; mais même dans un paysage tourmenté il
vaut mieux voir clair que se promener aveuglément au soleil. Le paysage
c’est la culture théâtrale hongroise, et
l’éclair c’est la nouvelle surprenante que
László Márkus à qui il y
a quelques jours le ministère de la culture a signé un contrat de
trois ans, a renoncé à diriger le Théâtre National
et que le ministre de la culture a accepté sa démission.
Quant aux raisons de ces deux
événements, ils dévoilent des conclusions concordantes.
László Márkus avait remis un
projet de budget conforme à ses idées comme condition sine qua non,
afin de pouvoir réaliser sinon le maximum de son programme digne de la
vocation et des tâches de ce théâtre, mais au moins un
minimum honnête, dans la mesure
du possible. En lui signant le contrat, on reconnaissait que,
répétons-le, il ne pouvait pas assumer sa tâche honnêtement,
la conscience tranquille, avec un autre budget,
moindre. Pourtant, comme l’acceptation de sa démission le prouve,
ils sont parvenus au ministère à la décision de ne pas
entériner ses « exigences ».
Les deux conceptions ensemble, la
reconnaissance de la légitimité et le refus de
l’entériner, donnent une image si évidente de la situation
que toute expression d’opinion devient superflue. Ce qu’on peut
encore ajouter à cette affaire se limite à une modeste et
curieuse question : dans ces conditions qui sera ce Monsieur qui assumera la position du ministère
et prendra le poste de László Márkus ?
Magyarország,
28 juin 1933.