Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
excellent en insatisfaisance
(Grand drame
pédagogique en plusieurs thèses au Théâtre de
fut
Écrit par la triste et sombre vie, grand dramaturge, et par quelques
autres.
Écrit
par le lieutenant.
sera
Écrit par apparemment plusieurs personnes, tant que durera le stock.
a
ÉtÉ appliquÉ À
Époque :
de nos jours.
Comment
ça de nos jours ? À l’instant mÊme
oÙ j’Écris.
premier mouvement :
Burlesque
de degrÉ intermÉdiaire
Trois orphelines (une sombre chambre abandonnée, elles
pleurent dans leur solitude, sous une espèce d’averse chaude,
leurs fiancés se trouvent dehors à la buvette).
PremiÈre orpheline :
Mon nom est Jolie, je suis un petit mannequin, un ingénieur me fait la
cour, il…
Les deux autres orphelines :
Pourquoi tu expliques ça, tu crois qu’on l’ignore ?
PremiÈre orpheline :
Vous, vous le savez, mais le public l’ignore.
Les deux autres orphelines :
Ah bon, c’est différent. Dans ce cas nous nous appelons Zsuzsi et
Ágota, moi, Zsuzsi, je suis une girl, Ágota, elle, a passé
son bac mais maintenant elle vend des cravates comme dans la vie. Nous
remarquons que beaucoup de choses se produisent dans la vie.
DeuxiÈme orpheline :
Pourquoi c’est drôle ? Il n’y a rien de grotesque
là-dedans, et ce n’est pas caractéristique. Vous feriez
mieux de vous taire, déjà dans la pièce de l’autre
jour où j’étais une étudiante en médecine qui
renonce à son amour, j’ai dû vous prier de ne pas fourrer
votre nez partout.
(Vexée,
la vie se retourne vers l’intérieur dans sa balancelle qui se
décroche
sous son poids et tombe. Éclats de rire.)
TroisiÈme orpheline :
Moi je suis amoureuse d’un comte, mais je le suspecte d’en avoir
assez de moi.
DeuxiÈme orpheline (au
comédien) : Je vous aime,
achetez-moi cette cravate, que dites-vous, pourquoi êtes-vous si grossier
avec moi ? Bon d’accord, je préfère accepter votre
offre et j’accepte de travailler chez vous comme gouvernante. Ah
c’est vrai, j’ai oublié de prévenir le public que je
disais cela au domicile du comédien parce que, au cas où vous ne
l’auriez pas remarqué la scène a changé entre-temps.
Dr. SpÓrum :
Par la présente j’en tire la conclusion et je déclare que
parfois l’homme ne sait pas ce qu’il a à faire, mais l’à faire sait toujours ce
qu’est l’homme.
Le prÉcepteur
du prince (vite) : La
réponse était excellente car le prince avait pensé au
conflit italo abyssinien où effectivement tout dépend du nombre
d’hommes que l’on dépose à la frontière.
J’ai l’honneur de donner la note excellent dans le bulletin de
l’auteur, en politique et en diplomatie.
Tous : Bouclez-la.
deuxiÈme mouvement :
comÉdie de degrÉ supÉrieur
PremiÈre orpheline :
Je croyais que c’était fini.
DeuxiÈme orpheline :
Ah bon, et alors qu’est-ce que je vais devenir, moi ?
PremiÈre orpheline :
Tu as raison, j’apprends à l’instant que le comte est sur le
point d’embarquer pour l’Amérique sur un grand navire
percé.
DeuxiÈme et troisiÈme
orphelines :
Le comte va se noyer, le comte va se noyer, sauvons la pauvre Jolie, le pauvre
mannequin ! Et vous, qui êtes-vous ?
Lidi : Je suis
Lidi, j’arrive de Bicske, je remarque que ça n’a rien
d’extraordinaire, le pauvre Endresz[1]
était venu aussi à pied de là, pourtant il avait
volé de New York jusqu’à Bicske. J’aime
l’ingénieur qui veut fuir avec moi.
DeuxiÈme orpheline (au comédien):
Je vous aime, même si vous m’aimez. Je vous aimerai toujours
même dans le rôle de Samu, et je ne remarquerai même pas que
le docteur Csillag Spórum témoigne à mon égard
d’une attirance sincère comme je l’ai lu pendant
l’entracte dans le livre de l’auteur écrit à
l’avance. Parce que cela ferait l’objet d’une pièce
différente et ça n’aurait rien à voir.
Le comÉdien :
Une tempête épouvantable bat les côtes septentrionales de
l’Écosse. Je dis ça comme ça, accessoirement, car
ici à Budapest le temps est au beau fixe, mais le dire manquerait
d’effet. Samu, va au diable.
DeuxiÈme orpheline :
Je t’en prie.
un indigÈne
malais (sur l’île
de Sumatra, à sa femme) : Une fois de plus tu n’as pas lessivé ma boucle
d’oreille, c’est pour ça que le scorpion m’a
piqué.
sa femme :
Bon, bon, arrête de faire des scènes.
les Trois orphelines
(attendent toutes les trois ensemble leur fiancé pour dîner).
Premier fiancÉ :
Je suis attendu pour dîner, mais il se trouve que je
préfère continuer de m’amuser avec Lidi.
DeuxiÈme fiancÉ :
Je suis attendu pour dîner, mais il se trouve que je
préfère envoyer de l’argent à Zsuzsi.
TroisiÈme fiancÉ :
Je ne suis pas attendu pour dîner, je ne suis pas invité, mais il
se trouve que j’y vais quand même.
les Trois orphelines :
Personne ne vient. Plus abandonnées que nous, c’est de la triche.
Dr. SpÓrum :
Qui triche ne peut pas être abandonné. Par là même j’en
tire la conclusion et déclare que les hommes et les femmes
s’embrassent à égale fréquence, car chaque baiser
nécessite un homme et une femme.
Le prÉcepteur
du prince (vite) : La
réponse était excellente, le prince avait pensé que toutes
les femmes sont pareilles, soit comme ci, soit comme ça. Je propose
qu’on donne une excellente note à l’auteur en physiologie,
en conscienciologie, en sourçologie et en entomologie.
Tous : Silence,
bouclez-la.
troisiÈme mouvement :
tragÉdie de degrÉ ÉlÉmentaire
L’IngÉnieur :
Je pars pour l’Amérique.
Lidi : Je pars
avec toi.
L’IngÉnieur :
Mais on le savait déjà dans l’acte
précédent..
Lidi : ça oui, mais on ne savait pas
que…
PremiÈre orpheline :
J’accepte quand même cet argent du comte, comme ça se passe
dans la vie.
DeuxiÈme orpheline :
Je me tue, comme ça se passe dans la vie.
le MÉdecin :
Je vous sauve la vie, pourtant vous ne m’aimez pas, vous
m’épouserez par gratitude, comme ça se passe dans la vie.
TroisiÈme orpheline :
Oh !... Oh !… Protestation !... Que vais-je devenir ?
L’Avocat bossu (celui
qui a apporté l’argent) : Ne
vous inquiétez pas, je vous épouserai, puisque exprès,
dans ce but, je me suis fait pousser une bosse quand j’étais
petit, lorsqu’on me punissait si à la fin du troisième acte
je refusais d’épouser la fille déçue dans son amour,
comme ça se passe dans la vie.
TroisiÈme orpheline (pendant
qu’ils font les bagages) :
Comme si on revenait des Indes,
On fera
un happy end.
La chute ne vaut rien,
Car notre cœur est
chagrin.
Dr. SpÓrum :
C’est-à-dire…
Le prÉcepteur
du prince : La réponse était excellente, le
prince voulait dire par là que la vie est très difficile de nos
jours. Je propose que…
Tous :
Silence !
L’Auteur (avec
mépris) : Pouah !
Pure littérature ! Qui plus est, en un acte ! Mon amie, je
vois que vous ne connaissez pas la vie. Que savez-vous de la vie ?!
L’Auteur (tapote
l’épaule de
Színházi Élet, n°42, 1935.
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Élet