Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
brest-litovsk et l’opinion publique
- Déclarations de grande importance, opinions des cercles influents -
- Entretiens avec des personnes initiées -
- Les points de vue ne sont pas encore clairs -
vec l’autorisation du
directeur général Monsieur Adolf
Lend[1], notre collaborateur s’est entretenu
avec quelques membres éminents du club politique et social influent dont
le local de réunion se trouve à proximité du terminus du
métro. Il s’agissait des négociations de paix, de leur
opinion à propos de la situation. Nous vous communiquons ci-dessous
quelques-unes des réponses dignes d’intérêt.
Ödön girafe
- Je vous fais volontiers une
déclaration. Je serai bref. À mon sens il ne faut pas placer la
barre très haut dans les objectifs de guerre. À mon avis, Kühlmann[2] développe sa position dans des
discours trop longs : ce n’est pas bien. Il convient de
régler les problèmes de façon courte et nette. La
brièveté ! Voilà l’âme de toute mesure de
fermeté.
comte ottÓ d’ÉlÉphant
Il m’a amicalement tapoté
l’épaule de sa trompe.
- Paix ! Comment pourrait-on
songer à la paix alors que les objectifs de la guerre n’ont pas
encore été atteints ? Alors que des jeunes gens à
l’œil fougueux attendent encore leur tour pour se lancer, au
mépris de la mort, dans le feu des combats ! Si je
n’étais pas retenu par mon poste de responsabilité –
comme je courrais moi-même, à travers champs et
forêts… dans le feu des batailles… tel le jaguar !...
Mais oh… le lourd devoir… !!...
Dr Écrevisse
- J’ai un seul mot pour
répondre à votre question – le mot qui enfièvre le
sang du patriote : - en
avant !
mÉlanie cigogne
La jeune actrice m’a reçu
très aimablement.
- La paix doit être
signée à tout prix, même au prix de sacrifices.
L’espèce est en perdition – on aura besoin d’une
nouvelle génération. Il faut se placer du côté de
l’esprit.
- Madame, avez-vous personnellement
tiré les conséquences de votre position ?
Elle baissa les yeux.
- Allons, ai-je plaisanté,
comme vous êtes pudique ! Apparemment vous ne savez pas encore qui
apporte les petits cigogneaux ?!
- Eh bien… c’est
l’homme…, balbutia-t-elle en rougissant.
gyula phoque
- Si les Russes refusent de faire la
paix, il convient de poursuivre la bataille des sous-marins.
prof. GÉza singe
- Au stade primitif actuel de
l’évolution du genre humain, la guerre ne peut pas être
solutionnée par voie de négociations. Franchement, j’ai
réfléchi, est-ce que la théorie de notre provenance humaine
n’a pas fait faillite ?
ernŐ Eider
- Je vous prie de vous adresser au
centre plumitif. Dans la période actuelle de la grande cherté des
plumes, je ne voudrais pas abuser du temps de la presse.
samu fourmi
- Il faut à tout prix
poursuivre la guerre. Nous sommes prêts, nous pouvons tenir dix
années, s’il le faut ! La crainte qu’une nouvelle
guerre hivernale puisse provoquer une crise économique est ridicule.
Seuls ceux qui n’avaient pas tout prévu, ceux qui ne faisaient que
chanter la paix, ont quelque chose à craindre, tandis que moi…
mais laissons cela. Eh bien, qu’ils dansent maintenant. Dites-moi, ne
pourriez-vous pas me procurer deux sacs de farine ?
mÓr kangourou
- Pardon… je suis trop
distrait… J’avais noté exprès la réponse
à vous donner… mais je n’ai pas ma bourse sur moi…
andor hyÈne
- Balivernes, comme quoi on ne
pourrait pas signer la paix ! Il faut endurer… Endurer, tenir
longtemps. Mais nombreux sont ceux qui se planquent, pourrissent dans leur
trou. J’ai beau écrire mes lettres anonymes. Pardon, excusez-moi,
je dois me rendre à une vente aux enchères.
gyula camÉlÉon
- J’avoue que les
tergiversations, retournement de veste, changements de couleur de la bande
à Trotski me déplaisent. La position de Hoffmann est
indubitablement proche de l’éventualité d’une
exactitude. Moi je dis ouvertement : ou bien, ou bien ! Ou
éventuellement autrement. Il est très probable qu’il est
certain selon quoi c’est possible.
le lion
À ma demande de déclaration,
il s’est mis à trembler de tout son corps, ses dents claquaient.
- J’ai terriblement peur des
journaux, a-t-il dit. S’ils révèlent que je ne veux plus me
battre… Dans le combat je ne craignais pas d’oser… Mais
maintenant je n’ose pas avoir peur… Attendez, pour l’amour du
ciel, que je sois tombé… Alors vous pourrez signer la paix.
Borsszem Jankó, 20
janvier 1918.