Frigyes
Karinthy : "Ne
nous fâchons pas"
futurisme[1]
À
l’attention de l’honorable rédaction de
"Pâté mortel Rigolant vers l’Azur",
à
Budapest
Très
honoré Monsieur le rédacteur,
C’est avec un grand
intérêt que j’ai lu le récent, donc premier
numéro de votre
méritante revue, qui atteste incontestablement de grands
progrès par rapport aux numéros précédents. Je suis
imbibé de la conviction que vous avez développé
l’essentiel, Monsieur le rédacteur, dans votre éditorial
intitulé "Prafmargitis" sur la
quatrième de couverture dans lequel vous expliquez que notre
poésie doit marcher du même pas que le rythme de guirbitz orvivant sur la diamétrie cosmique de l’époque !
Je sais parfaitement à quoi vous faites allusion, Monsieur le
rédacteur, et à mon sens il ne peut se trouver d’homme
d’intelligence intacte dans notre siècle pour ne pas ressentir en
ces jours difficiles l’absence de plus en plus brûlante de la diamétrie cosmique. Mais même s’il
s’en trouve, certains communiqués de votre excellente revue sont
à même de convaincre radicalement les sceptiques.
Néanmoins, permettez-moi, Monsieur le rédacteur, d’attirer
votre attention sur les dommages causés dans notre littérature
par le fait que dans les conditions que vous avez esquissées la
personnalité de certains de nos poètes les plus talentueux fait
défaut, et par ce fait toute notre poésie antérieure est
nécessairement condamnée si personne ne se propose à
rattraper les manques, et à traduire les poèmes qui
méritent de survivre en une langue futuriste, les sauvant ainsi de
l’anéantissement. J’ai décidé de faire
quelques tentatives dans ce sens – je vous soumets par la présente
un échantillon afin de mieux vous faire comprendre mon idée. Mon
choix est tombé sur un poème connu de Petőfi qui pour nous
désormais n’est que charabia incompréhensible, confus et
pompeux – j’ai tenté de transformer ce sujet par ailleurs
intéressant dans le langage simple, compréhensible, non
apprêté du futurisme. Faites votre choix !
Le poème de Petőfi
Vers la cuisine j’ai tourné…
Vers la cuisine j’ai tourné,[2]
Ma pipe en bois j’ai allumé
Allumé, ou bien fait semblant ?
Je l’avais allumée
avant…
Voilà ma pipe en feu de joie,
J’allais alors par-là, pourquoi ?
J’allais par-là car je savais
Qu’une belle enfant s’y
trouvait,
Faisait du feu et bien
tournée !
Elle et le feu, quelle
flambée !
Oh là-là ! Il prenait le
feu
Et dans la perle de ses yeux !
J’entrai : elle me regarda,
Je crois qu’elle m’ensorcela !
Alors ma pipe s’éteignit,
Et flamba mon cœur endormi !
La même chose en vert
Cuisinerie
Cuisine.
Froide véritabilité,
rythme
Couleur, odeur, soleil,
Chaudron, creuset, cruche.
Suie.
Interférence des lignes
Possible manger libre
Neuf virgule huit dixième
De la Sphère.
Frémissement du désir
d’une jeune bonne
D’une poterie de muscles. Point.
Félix.
Puant halètement vital.
Pipe. Nicotine.
Odeur renfermée de Gay-Lussac
Sa croupe en viscères olé olé.
Croupe universelle ! Riz.
Rythmes !!! Rythmes !!!
Rythmes !!!?-,;(-)
Feu ennuyeux, haut-le-cœur -
louis-philippardisage
sur routes criardes, pouah,
Arrogançage professoral.
Atchoum !!
Jeune pubérisante ?
Quinze, seize,
quatu-enahafaire.
Œil. Iris + reflex
- poche lacrymale, log. 3241
Tangente retina. Flamboiement V
Bien tournée, journée,
fournée.
Symphonie !
Raclement crevant vie
D’un jeune corps, parfum, odeur,
puanteur, chevaux d’odeurs !
Désorbitation de mes yeux
frôle
L’axe vital sous 30 degrés.
Magasine, boucan, chahut,
Gare, pièce de poussoir.
Ô toi mon col, oiseau noir !
Coït, coït, corps de bûches
Frottement tumultueux,
Épidermie !?
Pipe endormissement lent lent,
Vieillesse, ramollo, ride haut,
Nirvâna. (Éteignoir).
Volcan ! Titanus
de mon cœur
s’ensalit
sur Sirius.
Hé, oh… o… hopp !! MOI, MOI.
Oh… o… hopp !!
Ooh ! Hisse ! Grrr !!...
Croa croa !!!...
(moi ?)
Guirbitz.
Anatole
Semoule-Berger.