Frigyes Karinthy -
Poésies : Message dans une bouteille
crÉcelle
du Vendredi Saint
In
memoriam E. A. Poe
Tu repenses au son
qui sonne
Ding
deng tonne,
Te
revient-elle dans le chant fier qui vole
La
cloche qui sonne ?
Hier,
ou jamais ne sonna
La
nuptiale cloche qui sonne ?
Devenue
tocsin qui sonne
Glas
qui sonne
Puis
la cloche plus ne sonne
Ni noce ni
fléau ni deuil ne furent
Peut-être
pas même une cloche, un bonnet à grelots,
Qui
sonna
Qui
vola,
Faucha
là-haut dans les nuages
N’a pas
cessé jusqu’au lointain
Ouvrant
tes noces
Sanglant
fléau, lâches noces
Tout
est trempé
Tu
peux bien secouer tes deux mains
Ce
n’est pas une cloche, tonnant loin,
Ni
un hochet
C’est
une crécelle
Toute
grêle
Agenouillée
sur ton chagrin
Arbre
commère et craquant et bavard
Joug
de bois triste crécelle
Ton carrosse
céleste, ton vieux carrosse et ses roues
Brouette
pleurant dans la boue
Ton
bai palefroi
Effroi
Sur
tes épaules jetées tout droit
Les
rênes sur toi
Dans
tes oreilles fanées
Le
voleur d’âme
Ne
vole plus, il trotte il brame
Qu’il
est sourd
Ce
son
Qui
grince
Ta flamme, ton
rêve, ton désir dans la poussière geignent
Grincent
La
Terre tourne, balancelle
Elle
crécelle
L’homme
n’y est que parcelle
N’y
prêche pas, il bêle
À
l’autel
Radote et grince et claquette
Cigogne
orpheline
Sa
parole
N’a
nulle saveur
Revienne
ton heure
Se
dissipe le brouillard
Ton
Dieu revienne, non seul ton prêtre
Tu avais une cloche, tu avais un hier, tu n’aurais d’avenir,
Pour lesquels tu ferais ta voix, ton rang, ta cloche, revenir ?!