Frigyes
Karinthy – Poèmes parus dans la
presse
écouter le texte chanté en hongrois
conte
simplet
Le poète un jour, voyez-vous
Se prit d’amour pour une fille
Pour la raison que disait-il
Qu’un volcan brillait dans ses yeux
Selon lui dans ses yeux à elle
Braisait la tempête de mai ;
Le frou-frou des jupettes blanches
Remplissait tout l’espace immense.
Ses yeux suivirent longtemps, de loin
Ses traces errantes évanescentes :
Mais n’osa du tout l’aborder,
Trop timide pour lui parler,
La jeune fille était altière,
Le poète, lui, n’était rien.
Donc se convainquit le poète,
Être riche était nécessaire.
La richesse c’est de l’argent,
L’argent, c’est prodigué gratis.
Aux riches seulement, dommage :
Cela a nom taux d’intérêt.
Qui n’en possède y aspire,
Ça s’appelle : carrière, carrière.
Ça consiste en ce que tout homme
Fait comme il peut, son maximum.
Le poète rentra chez lui,
Il composa des poésies,
Les envoya à l’éditeur,
Puis, calmement, mourut de faim
Les poèmes furent publiés,
Soulevèrent beaucoup de bruit,
On évoquait "l’expressionnisme",
On parlait de "nouvelle école"
Apparut lors un ambitieux
Diplômé en art poétique.
Il cuisina un nouveau livre
D’analyse de ce cas-là.
Il affirma que ces poèmes
Etaient d’une façon nouvelle.
Le feu, la force on y trouvait,
Qu’ailleurs jamais n’apparaissaient.
Il révéla que le poète
Etait un panthéiste vrai.
Le panthéisme est bel et bon,
L’admirent trois générations.
N’hésita pas enfin à dire :
Une nouvelle ère s’ouvre à nous.
Et cetera, et cetera,
Le reste je l’ai oublié
Son livre fut beau, les sérieux
Professeurs en restèrent baba.
L’Académie considéra
Qu’il était digne du grand prix.
Par conséquent l’ambitieux
À la faculté fut nommé.
Son salaire se montait à mille
En sus un bel appartement.
Alors, tout bien réglé pour lui
Et les choses lui convenant,
Il apprit où logeait la fille
Que le poète avait aimée.
Elle était encore bien plaisante
Comme la lyre l’avait chantée.
Avec l’envol de la pensée
Elle était une fleur tentante.
Leur mariage fut très heureux,
Car il l’avait bien méritée.
Des enfants en naquirent, deux,
Qu’ils élevèrent dignement.
L’un est ingénieur chimiste,
Bientôt il sera promu.
L’autre s’intéresse plutôt
À la littérature, dit-on.
Après de menues révisions,
Un journal a fait connaître
Deux poèmes de sa façon.
Son père trouvera pour lui
Un précepteur à son service
Il deviendra quelqu’un
peut-être.
Így írtok ti, 1912