Frigyes
Karinthy : "Qui rira le dernier"
qui embrasse le plus ?
Problème printanier
C’est la
question que je pose à la cantonade : l’affirmation des
penseurs pessimistes selon laquelle la femme en général est plus
immorale que l’homme, sa fidélité serait plus
vulnérable, ses désirs plus libertins, son amour moins fiable,
est-elle vraie ou non ? La caractérologie spéculative
n’est pas en mesure de donner une réponse convaincante à
cette question, seule la statistique, source la plus moderne de la philosophie
pratique, pourrait éclairer notre lanterne. Que les grands maîtres
de l’expérience et de la théorie répondent enfin
franchement et ouvertement : qui embrasse davantage (s’agissant bien
sûr de baisers d’amour !), les hommes ou les femmes ?
Les
réponses témoignent d’avis frontalement opposés. La
plupart des réponses – faute de données – soutiennent
avec des arguments développés en détail que (dans un cas)
ce sont absolument les femmes qui embrassent davantage (ceci a normalement
été répondu par des hommes), ou bien (dans un autre cas)
ce ne sont certainement pas les femmes mais les hommes qui embrassent le plus
(d’après l’avis des femmes sur la question).
Prenant en
considération la pénurie de papier, je ne vais reproduire ici que
deux réflexions contradictoires sur notre sujet, les deux
méritent attention par la précision convaincante de leur
argumentaire et de leur logique ainsi que par leur aspiration à une
objectivité impartiale.
L’une
des réponses signée Strindberger est la suivante :
- Question
superflue. Grâce à Dieu on n’a besoin d’aucune
statistique, une connaissance approfondie du caractère féminin
rend évident que la femme est plus infidèle et volage que
l’homme. Ceci découle premièrement de la
caractérologie psychique générale des femmes,
deuxièmement de la situation sociale contemporaine des femmes, de leur
éducation, du positionnement dans lequel les contours de la femme d’aujourd’hui
apparaissent. Vu ses qualités physiques et psychiques, la femme par sa
nature est plus proche de l’animal, ne vivant qu’une vie
corporelle, par conséquent ses actions sont inhibées dans une
moindre mesure que chez l’homme par des motifs qui sont des produits
spécifiquement humains du système nerveux, tels la
fidélité, le droit, la possession, l’autodiscipline, le
discernement. Or, par sa position sociale, la femme, contrairement à
l’homme menant des activités variées et diverses, est
spécialement orientée presque exclusivement, tout au moins de
façon prépondérante, vers les activités amoureuses
en tant qu’épouse, en tant que maîtresse. L’unique
possibilité de la vie et de la survie de la femme est l’amour, il
est donc naturel que toutes ces aspirations
l’orientant vers l’amour, le sens de l’amour se
développe en elle à plus haut
degré et plus intensément qu’en l’homme, en
conséquence les composantes de l’amour et principalement le
désir amoureux se manifestent en la femme avec plus de force, et par
là même elle cherche et trouve plus d’opportunités
pour les satisfaire : il est donc évident – quod erat
demonstrandum – que les femmes en général embrassent
davantage que les hommes.
L’autre
réponse avec la signature Pour et Contre Key :
- Question
superflue. Grâce à Dieu on n’a besoin d’aucune
statistique, une connaissance approfondie du caractère masculin rend
évident que l’homme est plus infidèle et vit son amour de
façon plus libertine que la femme. Ceci découle
premièrement de la caractérologie psychique
générale des hommes, deuxièmement de la situation sociale
des hommes, de leur éducation, du positionnement dans lequel les
contours de l’homme d’aujourd’hui apparaissent. Vu ses qualités
physiques et psychiques, l’homme, par nature, est la partie agressive qui
attaque, il n’est pas exposé à la circonstance inhibitrice
qui contraint la femme à attendre l’initiative de l’autre
partie, et dont le choix se limitera à un tout petit groupe par rapport
à la gent masculine tout entière, au groupe de ceux qui
l’avaient choisie, tandis que le choix de l’homme englobe la gent
féminine dans sa totalité. Or, par sa position sociale,
l’homme, contrairement à la femme possède un grand nombre
de moyens aptes à lui procurer l’amour de la femme : argent,
situation, position ; alors que la femme ne possédant rien d’autre
que son amour et ne pouvant l’offrir qu’une seule fois et à
un seul homme, l’homme, lui, en la possession continue et permanente des
susdits moyens, peut toujours prétendre se procurer l’amour de
femmes toujours nouvelles. De tout cela, mais plus encore de
l’assujettissement de la femme en tant que mère, il découle
de façon évidente – quod erat demonstrandum – que les
hommes en général embrassent davantage que les femmes.
Après
étude approfondie des réponses j’ai reposé tout le
dossier et je me suis laissé aller à quelques minutes de
réflexion.
Qu’il
me soit permis de vous apporter ici, le fruit de cette réflexion, une
modeste contribution à cette importante question.
À mon
humble avis les hommes et les femmes s’embrassent très
certainement autant l’un que l’autre, vu que chaque baiser exige un
homme et une femme.