Frigyes
Karinthy : "Trucages"
mode de printemps[1]
Cette année il
y a fort à parier que la couleur à la mode sera de nouveau le
vert, c’est la tendance que nous avons constatée dans la
vêture des collines et promenades.
Les tissus sont des mousselines
légères, avec de modestes ornements dans les vallées
– une dentelle blanche, résidu des étoffes de
l’hiver.
La beauté de la vallée
danubienne est particulièrement prometteuse, en haut, au niveau du cou,
Les quais de Buda et de Pest seront
plaisants. Avec au milieu de larges boucles de ceinture grises. Sur le devant
une fente droite, des deux côtés des boutons bleus
densément appliqués, on y joint quelques détectives
français.
Individuellement naturellement, la mode de
l’année s’adapte aux métiers et aux occasions. Il
n’y aura aucune nouveauté dans la mode enfantine. Pour des
soirées de lecture les messieurs porteront cette fois encore le smoking,
avec, éventuellement, des bouchons de cotons bleus. Pour les naissances
on remet la blouse blanche – quant à l’enfant, il
apparaît en blanc – fortement décolleté, avec des
oreilles sur les deux côtés.
Dans le quartier de Ferencváros[2] les couleurs et lignes sont simples, cette
année encore, en accentuant le principe de longueur. Chemise blanche ou
noire, avec des nuances plus foncées au cou, motif simple
derrière les oreilles. Couteau bleu plissé extractible
Les changeurs de monnaie à la
sauvette portent cette année aussi des gilets rayés blancs. Pour
les joueurs, devant, au milieu de la poitrine, ou sur la tempe gauche, tache
rouge avec rebord modestement dentelé. Cordon gris au cou, largeur cinq
millimètres, noué derrière en une boucle
élégante. L’extrémité du cordon est
attachée à son arbre par un grand nœud marin à pois
jaunâtres. Langue portée longue et rouge.
Dans les casernes la mode reste au bleu,
orné dans le dos de cuir épais en larges bandes, lourdement
farci. Une épingle à chapeau longue, large, portée
à l’épaule.
Dans
À Angyalföld,
à Lipótmező[4], blouse large, arrondie, cousue
derrière.
Le problème de la cherté a
enrichi le proche avenir de la mode de printemps de quelques nouvelles
idées. Dans les cercles littéraires la couleur jaune dominera,
aux visages, sur les mains, dans les yeux, éventuellement même
dans les reins. L’estomac reste rougeâtre, des creux enflés
à l’intérieur, rarement quelques modestes passementeries.
Le foie est décoré de fourrure noire.
Cette année encore la mode sera
à la peau gris blanc collée à la chair, parfois, surtout chez
des sujets de plus grand âge, avec des plissures assez denses plaisamment
appliquées. Sur la tête des hommes politiques une peau mate
ondoyante sur le crâne. Aucune vergogne sur le visage.
Pour les enterrements, six planches
droites, volants sur les côtés, chapeau catafalque,
décoration florale.
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