Frigyes Karinthy : Nouvelles parues dans la presse

 

 

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Ma diversitÉ

Écrit et illustré par Frigyes Karinthy

Dès ma plus tendre enfance j'avais le sentiment que les limites des arts pris séparément sont trop étroites pour votre serviteur. Ma modeste personne avait le même talent pour tout, par conséquent il était impossible de cataloguer ma modeste personne dans une case quelconque et il était impossible de décider si ma personne insignifiante était plus considérable en tant que romancier ou en tant que poète, en tant que politique ou graphiste, ou en tant qu'humoriste. D'aucuns m'ont déjà dit que je suis pareillement grand sous tous les profils et qu'il est impossible de définir si je suis meilleur par-devant ou par-derrière.

Lorsque le Courrier du Lundi de Budapest m'a invité à leur écrire quelque chose, il n'a nullement précisé en laquelle de mes qualités il voulait me voir. En conséquence il m'a mis dans une situation de grande gêne : il me contraint à me présenter dans toute ma diversité.

 

Éditorial

 

L'exposé du ministre des affaires étrangères n'a ni le contenu ni la forme pour mettre la situation en lumière, en tout cas pas suffisamment pour apaiser les inquiétudes. Aussi longtemps que la Conférence de Londres n'a pas abouti à un résultat dans la question des Balkans, nous ne voyons clairement, nous ne pouvons affirmer avec fermeté qu'une seule chose digne d'un homme politique sérieux et prudent : la Russie est du côté de la monarchie.

 

Roman

 

Les montagnes frémissaient déjà dans une couleur violacée.

- Madame, dit Ottokar, Madame…

Il ne poursuivit pas. Leurs lèvres se soudèrent…

- Mais je ne peux être vôtre… - balbutia-t-elle.

- Si vous ne pouvez pas être mienne, dit sombrement Ottokar, je meurs.

Cela se passait le 26 octobre 1847. Et le malheureux garçon tint parole. Nous venons d'apprendre qu'il est décédé ce matin.

 

Poème

 

"Place, place !" cria profondément bouillonnant

Une nuit de grande inspiration, le poète.

Il mourut, on lui avait crié "Vivat !", pourtant

Mais son souhait fut exaucé.

C'est son nom que la ville a donné

À l'avenue de la Brouette.

 

Croquis

 

(Deux hommes dans un café)

 

Premier homme : Et vous, Pranger, qu'en dites-vous ?

Deuxième homme : Rien. (Il récite dix excellents poèmes d'affilée.)

Premier homme : Ha, ha, ha. Splendide. C'est seulement au prix du plus grand effort que je peux me retenir de rire.

 

Critique

 

Dans la poésie de Aladár Komlós[1] on trouve un certain caractère douloureux qui génère en nous tous une indubitable nostalgie. Il préfère le doux lyrisme, le ton épique plus profond, on le trouve chez lui de plus en plus fréquemment en arrière-plan.

 

Buda

Pesti Hétfői Hírlap[2], 23 décembre 1912.



[1] Aladár Komlós (1892-1980). Poète, écrivain.

[2] Courrier du lundi à Budapest