Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
MON SKETCH
Parmi ceux qui vont voir
mon sketch, c’est moi le plus curieux, et c’est moi qui sais le moins bien à
quoi il ressemble. Je trouve ce genre fort intéressant et je crois qu’il
apporte quelque chose à la littérature. Il a libéré toute une armée de thèmes,
pour le moment timides et décousus, des thèmes jusque-là méprisés et rejetés
par l’écrivain, parce qu’il n’existait pas encore une forme dramatique dans
laquelle le thème se serait trouvé justifié. Bien sûr, il faudra encore de
nombreuses expériences et études jusqu’à apprendre que le secret de ce genre
littéraire réside précisément dans le choix
du thème : il conviendra de trouver le moyen d’allier les éléments
déliquescents, liquides, de l’imagination et le dur airain de la réalité en une
nouvelle composition organique. Il est certain que « la représentation
fidèle et sincère de la vie », oriflamme que s’est planté le drame
moderne, ne nous avance en rien dans ce genre. Le temps confortable et heureux
appartient au passé où l’écrivain, si ses sources de sujets ont tari, écrivait
tout simplement le vrai et cela lui
assurait le succès.
Le
reste est l’affaire du public – c’est du public que dépend vers où évoluera
cette nouvelle possibilité. Je suivrai la réaction du public avec une curiosité
attentive, pour savoir dans quelle mesure il capte ce que je voulais lui
communiquer, en paroles et en images. Je m’efforcerai aussi de le
comprendre : je suivrai avec sympathie ses gestes muets ; si le
public joue bien et réagit bien, c’est avec des applaudissements enthousiastes
que je l’inviterai derrière le rideau.
Színházi
Élet, n°22, 31 mai
1914.