Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
Je recommande à l’attention du peu recommandable ministère des
finances ma proposition budgétaire ci-dessous. Lors de son élaboration j’ai
tenu compte de toutes les exigences qui permettront le bien-être futur et
l’heureux et paisible épanouissement de la nouvelle république hongroise.
Il n’est pas exclu que l’assemblée
nationale à convoquer trouve exagérés certains points de la rubrique dépenses
de ce budget, mais si l’on réfléchit sérieusement sur les lignes, il est
impossible de ne pas reconnaître les avantages que ces lignes de dépenses, je
vous l’accorde, d’un nouveau genre, mais absolument nécessaires assureront.
Le caractère improvisé de ma proposition
est pour le moment à chercher dans le fait que je n’aie pas encore été mandaté
pour une élaboration détaillée. Dès que je serai en possession d’un tel mandat
je m’apprêterai à développer professionnellement mon projet pour l’exécution de
chacun des points, naturellement en accord avec les classes concernées et avec
le soutien mutuel des milieux adéquats.
Dans les présentes lignes je souhaite
surtout offrir quelques extraits représentatifs du nouveau budget – ceci sur la
base de la clause jointe à l’article III., § 4.,
alinéa b) 28622/15, du chapitre dont le titre sera « soutien aux
institutions culturelles nationales, propagande nationale et internationale,
développement des affaires administratives ».
Les montants indiqués dans les items ont
naturellement un caractère approximatif, le chiffre définitif incombera à la
commission, en coopération avec les institutions nommées ou avec des
particuliers, après négociations et délibérations.
Donc :
1. Il est à créer un fonds de
250 000 couronnes pour la rémunération de diplomates afin de les
retirer de façon individuelle, sélective et progressive d’une participation aux
affaires de l’État, tout en leur assurant une activité convenable (pêche,
chasse, numismatique).
2. Un fonds de 250 000 couronnes à
l’attention des directeurs de théâtre permettant leur soutien budgétaire dans
leurs activités politiques internationales, sous forme de missions
diplomatiques.
3. Un fonds de 800 000 couronnes au
bénéfice de politiciens actifs afin de leur faciliter une réussite dans la
carrière théâtrale, au moyen de créations de scènes libres, de contacts avec
des directeurs de théâtre, de contrats, etc.
4. Un fonds d’un montant à déterminer ultérieurement
pour développer les institutions scientifiques. Ces sommes à définir au cas par
cas permettront à nos éminents et populaires savants universitaires d’écrire
des romans et des drames.
5. Des bourses de voyage, mais plus
significatives que les anciennes, en faveur de quelques-uns de nos sculpteurs,
musiciens et peintres à la mode, pour qu’ils puissent faire des voyages d’étude
à l’étranger. Leur montant doit être suffisamment important pour qu’ils restent
loin le plus longtemps possible ou qu’éventuellement ils ne reviennent pas.
6. Un montant à négocier au cas par cas pour
des écrivains à la mode, leur permettant de ne pas être obligés de gagner leur
vie avec leur plume. Une négociation séparée devra décider de la somme
permettant que l’écrivain en question cesse définitivement toute écriture.
7. Même chose pour les auteurs d’articles de
journaux humoristiques. C’est une ligne de dépenses d’un montant relativement
modeste. À titre d’exemple, je connais
un de ces journalistes qui ne demanderait pas cher du tout pour cesser cette
activité.
Pesti Napló, 9 février 1919.