Frigyes Karinthy : Nouvelles parues dans la presse

 

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AMOUR

(Nouvelle raciale)

Ce matin-là Bozóki (Blau) se leva tôt de son lit juif, pour se rendre dans la prairie juive que conformément à son caractère racial il avait loué vingt années auparavant et depuis lors il y travaillait avec l’assiduité juive qui caractérise tant les taupes juives. Dehors tout baignait déjà de lumière. Bozóki (Blau) d’un geste juif tournait vers le haut son visage racial et pour un instant il regarda le soleil qui au moment où il le regardait revêtait un visage juif. Fichtre, il va faire chaud, se dit en Juif Bozóki (Blau), parce qu’une sueur juive suintait sur son front juif, produite par ses glandes sudoripares juives. Puis pour un instant,, avec l’association d’idées particulière, dont déjà Renan a démontré qu’il était une caractéristique spécifique raciale des peuples du bassin du Jourdain, et que même des auteurs contemporains mentionnent dans leurs ouvrages consacrés aux Sémites, il pensa qu’il serait bien d’avaler quelque chose avant de se mettre au travail.

Il était encore sous l’effet incitatif de cette pensée destructrice, quand il arriva sur le lopin, il y trouva l’exploitant Andris qui venait justement de s’asseoir sur la terre chrétienne, à l’ombre d’une botte de foin.

- Maître Andris, dit Bozóki (Blau) en expirant de l’air juif de ses poumons juifs, vous reste-t-il un peu de lard ?

- Il en resterait bien un peu, répondit maître Andris en sortant un morceau de lard de sa poche chrétienne.

C’est avec un appétit sémitique authentique que Bozóki (Blau) s’attaqua au lard. D’un geste juif il en tailla un morceau, l’avala, puis se mit à observer en méditant la transformation du lard en lard juif dans son estomac, dans le but que son estomac juif puisse le digérer dans ses entrailles juives…

- Il va faire chaud, dit-il ensuite avec cette tournure spécifiquement raciale, de laquelle  Dezső Szabó était capable de déterminer en un instant une tournure d’esprit authentiquement sémitique. Une fois de plus il leva les yeux vers le ciel, manifestement dans l’intention de constater s’il était ou non son congénère.

Une plaisante jeune paysanne traversait le sentier.

- Eh ben, qu’elle est plaisante, cette jeune paysanne, s’écria Bozóki (Blau) avec l’enthousiasme caractéristique qu’il avait apporté de l’Orient lointain, dans lequel István Lendvai a tout de suite remarqué une manifestation de la psyché sémitique qu’il guettait depuis longtemps.

- On dirait bien qu’elle l’est, lança Maître Andris, ce ne serait pas désagréable de la lutiner un peu.

- C’est-à-dire qui ? – demanda Bozóki (Blau) avec une authentique curiosité juive.

- Qui ? Ben, moi.

Et c’est là que se produisit la tournure fatale que Ereky voyait venir, seulement ne voulait pas le dire.

- Ce ne serait pas désagréable pour moi non plus ! – dit Bozóki (Blau).

Un ricanement démoniaque s’échappa des lèvres de Dezső Szabó. Comment pourraient-ils se comprendre ces deux-là, avec deux mentalités si frontalement différentes ? Comment Bozóki (Blau) pourrait-il comprendre cette mentalité chrétienne archaïque selon laquelle maître Andris aimerait lutiner un peu cette accorte paysanne – et maître Andris comment pourrait-il comprendre cette âme sémite éternelle qui aimerait lutiner la même accorte paysanne ? Comment ? Mais comment ?

 

Az Ojság, 1er juillet 1920.

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