Frigyes Karinthy : Nouvelles parues dans la presse

 

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Pub laime beaucoup les annonces et les réclames. Je suis l’homme qui se plante devant les colonnes Morris et déchiffre bel et bien toutes les affiches.

Elles font un effet sur moi. On ferait une bonne affaire de m’engager comme cobaye de laboratoire, l’agence publicitaire pourrait essayer l’effet de ses annonces.

Quels sont mes genres de prédilection ?

Je vais faire un aveu : les annonces grossières.

Les réclames flagorneuses me retournent l’estomac : je n’arrive pas à croire en la sincérité de la firme qui m’attribue à moi, inconnu, cette intelligence et cette noblesse d’âme inouïes qui sont nécessaires pour que je commande sur-le-champ le coricide "Jardin de Cléopâtre". Elle prétend que moi, homme d’un goût parfait, je saurai apprécier la perfection qui sera entrée en ma possession. Il me faut autre chose. Mon cœur chagrin entend mieux la sévérité militaire et ecclésiastique qui semble tonner du haut d’un paradis moral, avec la voix terrifiante d’un Savonarole du haut de la colonne Morris où d’un recoin de ma feuille de chou.

« Vos nerfs sont usés. Vous êtes une épave. Une chiffe molle. Commandez illico la machine électrisante "Roi des Lions". »

Ou, avec encore plus de franchise :

« Votre peau est envahie de boutons. Vos oreilles puent. Vous n’êtes qu’un individu répugnant. Mais nous pourrons peut-être vous aider. Demandez notre émulsion de crème de savon de récurage dermique "Nuée de mousse". »

Voilà qui est bien parlé. C’est à mon goût. Mon Dieu, comme il doit être heureux celui qui sait s’exprimer avec autant de franchise et de fierté.

Notre métier, la fabrication et le commerce du livre, en tant qu’industrie, ont hélas coutume d’employer la première sorte de réclame et de publicité. Elle louange l’acheteur, le futur lecteur, elle fait appel à son intelligence, à sa capacité de jouissance, le livre, une fois en sa possession, gagnera forcément ses faveurs. D’ailleurs c’est seulement l’éditeur qui annonce, l’écrivain n’a pas le droit de vanter sa propre marchandise. On dit que ce serait de mauvais goût. L’éditeur annonce comme il l’entend. Mais comme il serait beau que l’écrivain propose un jour, franchement, affectueusement son livre, comme le font les firmes grossières mentionnées ci-dessus, qui m’impressionnent tant, plus ou moins comme ceci :

« Vous êtes un imbécile, inculte, sans goût. Ce que vous pensez de la vie, du monde et de vous-même, ne sont que sottises et balivernes. Vous avez d’urgence besoin d’acheter et de lire mon dernier roman intitulé "Finesse et tressaillements" si vous voulez que quelque chose de beau et d’intelligent entre enfin pour une fois dans votre tête hydrocéphale. »

Ce ne serait pas mal. Je vous jure.

 

Pesti Napló, 28 juin 1929.

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