Frigyes Karinthy : Nouvelles parues dans la presse

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HISTOIRE DU WEEK-END

 

Nous diviserons notre recherche en deux parties : d’abord nous examinerons l’origine de la notion sur une base philologico-étymologique, puis nous jeterons un coup d’œil à l’évolution investigatrice du sujet, au long des millénaires. (cf : navigation maritime et fluviale.)

Les chercheurs de l’antiquité datent l’origine du mot week-end des temps préhistoriques, d’une part sur une base cosmogonique, d’autre part parce que… pourquoi ne pas la dater de là ? Est-ce important ? (cf : Tehetem ou Töhötöm, un chef de tribu des anciens Hongrois.) Selon eux, le premier week-end, et presque toutes les légendes de genèse des religions concordent, s’est produit directement après la création du monde et de l’homme (cf. : « et le septième jour il se reposa ») et le mot lui-même est une variante verbale de l’infinitif « reposer » : recoser, recosend, vecosend, week-end (le Littré). D’autres en revanche pensent plutôt aux Vikings, à ce peuple de navigateurs qui à la fin de chaque semaine grimpaient sur la terre ferme, pour une petite beuverie. D’autres investigations étymologiques peuvent aussi être prises en considération, de la plume d’auteurs différents :

 

1-      Véguinde ou véquinde, dérivé du francique vek repos et int gagné.

2-      Vékande ou fékonde du radical latin fe, favorable et unda, eau courante

3-      Végante ou vacante, oisif en ancien français.

4-      Wabinde ou Wabain ou va-au-bain, cri de guerre des camps de pionniers.[1]

 

C’était donc grosso modo les différentes théories scientifiques actuelles de l’origine du mot week-end – naturellement nous n’avons ici esquissé que les thèses des plus grands spécialistes.

Il existe également une autre conception, populaire celle-là, mais totalement profane, que nous mentionnons uniquement comme une curiosité : le mot week-end proviendrait des mots anglais « week » (semaine) et « end » (fin). Nous ne nous arrêterons pas sur cette hypothèse naïve qui n’a aucun fondement scientifique et qui serait trop simple.

 

Passons maintenant à l’histoire universelle.

C’est Adam et Ève qui peuvent être considérés comme les premiers à partir en week-end. Après leur expulsion du jardin d’Éden ils ont enfin pu s’offrir un peu de repos, sans avoir à se tourmenter pour savoir quel arbre est permis et quel autre est interdit.

Mais les traces des week-ends réguliers nous conduisent d’abord en Égypte. C’est là que se trouvent les maisons de week-end appelées pyramides que (en pensant aux pharaons) on construisait en leur temps en matériaux assez durs, néanmoins elles servaient en fin de compte le même but que les cabanes de week-end actuelles, ceci est prouvé par l’absence de hiéroglyphes dessus (comme il y en a sur les autres constructions), autrement dit les pharaons n’y emmenaient pas les demoiselles hiéroglyphographes. Ou s’ils les emmenaient ce n’était pas pour hiéroglypher.

Peu après l’écroulement de l’empire égyptien, c’est-à-dire au temps de la Révolution Française (cf. : le carrefour de l’Avenue Andrássy et du Quai Margit) il y a eu un mouvement qui voulait diviser le temps en semaines de dix jours. Le projet a échoué car cela était impossible. Sans même parler du week-end de Mahomet, quand il a couru de Médine à La Mecque, rien que pour y boire un café.

Ensuite vinrent neuf croisades, dont le point culminant de la mode était Jérusalem. Il est également intéressant de mentionner de cette époque les week-ends des Ibères, des Alémans, des Parthes, des Ostrogoths et des Visigoths (un descendant de ces derniers, Monsieur Goth, passe toujours ses week-ends sur le Danube).

Quelques mois plus tard nous voyons le campement d’Hannibal (dans des tentes de week-end) aux portes de Rome, juste à côté de la loge du concierge (cf. : Hannibal ante portas), et l’élection de Mátyás Hunyadi comme roi de Hongrie, sur le Danube gelé, à la belle étoile, en week-end.

Jules César passa son week-end avec Pompée à un endroit jadis à la mode, comme le prouve la dépêche qu’il a envoyée où il a écrit « rendez-vous à Filippi », dépêche qui a été retrouvée au cours des fouilles à Pompéi.

Son contemporain Napoléon Bonaparte a trouvé un meilleur moyen de passer ses week-ends. Comme il était en général très occupé, il a collecté tous ses week-ends, et il les a passés d’un seul tenant à Sainte Hélène, à la fin.

 

Színházi Élet, 1931, n°27

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[1] Paraphrases du texte original