Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
VACANCES
PROLONGÉES
L’argumentation
est plus surprenante et plus intelligente que la disposition elle-même.
L’enfant ressent presque l’humanité, le sourire bienveillant
de Monsieur le Professeur Supérieur, le ministre de
l’éducation : eh bien, les enfants, vous avez eu un
été pourri cette année, le soleil vous était
insuffisamment généreux en lumière et en chaleur,
l’automne pourrait mieux vous soigner. Ne soyons pas plus
sévères que la nature ; on va vous donner à titre
exceptionnel dix jours de vacance en rab. Nous savons tous qu’une telle
annonce est accueillie avec enthousiasme, non seulement par le mauvais
élève, mais même par le premier de la classe, et ajoutons-y
en toute sincérité : même le brave corps enseignant.
Nous nous reverrons quelques jours plus tard, tant pis, d’autant plus
gaies seront les retrouvailles. Tout cela fait penser à la scène
où le père de famille consciencieux mais au grand cœur
caresse le petit visage papillotant et effaré en regardant la
pendule : bon, je veux bien, dors encore une petite demi-heure, mon
garçon, je te réveillerai quand il le faudra. Cette
compréhension paternelle, voire quasiment maternelle, est un bon signe
à mes yeux : depuis longtemps je suis convaincu qu’en pédagogie,
comme en toutes choses, mieux vaut une cuillerée à café
d’indulgence, ou même un minimum de complaisance, que cent quintaux
de sévérité intraitable – une aimable louange (même
exagérée) a un effet plus fécondant et plus stimulant que
cinq mille blâmes, réprimandes et mécontentements. Nous
félicitons le ministre de l’éducation pour cette
disposition.
Az Est, 30 août 1933.