Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
Madame préface
(Maeterlinck, le grand poète
français, a publié un recueil de poèmes, que Madame son épouse a préfacé. On
raconte que l’exemple français a profondément ému des poètes et des écrivains
hongrois ; notre collaborateur a visité nos imprimeries et s’est procuré
les épreuves des préfaces écrites pour un certain nombre de livres actuellement
sous presse ainsi que des critiques écrites sur ces livres.)
1. Ádám CHACRAT : Voix et couleurs
Préface
Dans ce recueil, cher lecteur, il y a des poèmes – de doux et mélodieux poèmes d’amour qui tintent, tous s’adressent à une merveilleusement belle Hongroise,… une belle blonde aux yeux bleus,… elle a entouré le poète de ses bras, elle a mis son cœur en esclavage…
…je n’ai pas besoin de te dire, cher lecteur, qui est cette Hongroise blonde aux yeux bleus à qui ces poèmes sont dédiés… Si tu lis ces poèmes, tu tomberas toi-même amoureux de cette femme qui a inspiré le poète, undsoweiter… Car seul l’amour tendre et généreux d’une femme est propre à pousser un homme en soi sans intérêt à être poétiquement inspiré au point d’abandonner ses anciennes et vilaines habitudes, rentrer tard à la maison, jouer aux cartes, cracher sur le tapis (et on est obligé le matin de faire tout nettoyer par la bonne), et puis aussi imprégner les rideaux de la puanteur de ses cigarettes…
…et je n’ai pas besoin de dire aussi que ces poèmes sont les meilleurs ; pour le prouver il suffit de savoir que Lajos Gáspár chez "Ország-Világ" reçoit cinq couronnes pour un poème, alors que Ádám reçoit vingt couronnes pour le sien. Une chose comme ça seulement une femme peut l’obtenir, une femme dont l’amour généreux inspire un vrai poète…
…une belle blonde dont chacun doit tomber amoureux en lisant ces poésies…
Madame Ádám Chacrat, née Jolán Czeizler
2. Alajos LE SEC : Histoire de la Philosophie
Préface
La fillologie est une chose telle qu’un homme véritable doit s’y connaître, s’il veut espérer afficher qu’il est un Homme. Pourtant persone ne peut contester qu’Alajos Le Sec est un Hom véritable pour qui l’a vu même qu’une fois, parce que le cygne de la virillité n’est pas la Grande Mousstache, même si mon Alajos aurait une grande mousstache s’il ne la ferait pas raser.
La filosofie, parce qu‘elle demande de la spéqulation et qu’on se casse la tête, ça marche à celui qui a de quoi. Parce que mon Alajos a de toute façon toujours aimé spékuler avant de s’attaqué à quelque chose. Moi, en qualité d’actrice modeste, je n’arrête pas de lui dire de pas tant spéquler, Mais allez, vas-y ! – je luis dis. On y voit bien qu’il a beaucoup de talan parce que les autre qui n’on pas tant de talan, n’arrivent pas à tout spéquler.
Pépi Tourond
Du
cabaret "Paltoquet"
3. Nouvelles
d’Armand LEBEAU
Préface
Cet homme brun qui hier avait attiré mon attention sur ce livre et qui se promènera à trois heures et quart aujourd’hui devant le café Palermo avec un œillet rouge, est un nouvelliste authentique. Il s’agit là des nouvelles les plus belles, les plus charmantes, les plus courtoises du monde, des nouvelles merveilleuses. De chacune de ses lignes émanent noblesse et traits virils, une force virile authentique que l’on ne peut obtenir qu’avec beaucoup de gymnastique et beaucoup de passion…
Ces nouvelles vous dessinent deux bras d’homme musclés et amoureux qui se nouent autour du cou d’une pauvre femme qui se défend, mais qu’il possède… Des nouvelles merveilleuses, bleues, de petites nouvelles brunes, au-dessus de la bouche, taillées à l’anglaise… De belles nouvelles à pois, en soie jaune, pour un col jaune à rabats… Oh ! J’aime tant, moi, les nouvelles charmantes, à la mode, courtoises !
Or les nouvelles d’Armand Lebeau sont toutes comme ça. Shakspirh n’a jamais écrit des nouvelles comme ça !!!... !!... Je les lirai, c’est sûr… !!?...
Babette Balogh
4. Casimir
VOLAGE : Poèmes
Critique
Les poèmes de Casimir Volage ont commencé à paraître déjà l’an dernier, autour de septembre… Ces poèmes s’adressaient alors à une dame à la sveltesse élégante, avec une force poétique, ils avaient un élan. C’était l’an dernier, jusqu’au vingt-trois septembre, au café Simplon, lorsque, apparemment, "Quelqu’un" a congédié le poète… Il avait peut-être été insolent…
Depuis ce jour les poèmes de Casimir Volage s’adressent à une petite souris blonde, chacun sait qui elle est, ce qu’elle est. C’est cela qui rend les derniers poèmes du poète aussi risibles, l’arme aiguisée de la critique n’a aucun mal à les exécuter. Ces récents poèmes sont ridicules, stupides et insolents !! Oui, insolents !!... C’est le terme qui convient !!... Le poète en question s’imagine que nous ignorons qu’il se mettrait volontiers à quatre pattes pour retourner chez "Quelqu’un", si cette dame ne se fichait pas de lui et ne lui conseillait pas de rester plutôt auprès de son laideron aux jambes torses.
Ninon Jambiste
Critique littéraire
Borsszem Jankó, 22
septembre 1912
Article
suivant paru dans Borsszem Jankó