Frigyes
Karinthy : Recueil "Ô, aimable lecteur" (temps
héroïques)
l’Italie dÉclare
« L’amitié et la chaleur incontestables qui ces
derniers temps caractérisaient les relations entre les deux
gouvernements, ont dernièrement été troublées par
des malentendus dont il faut chercher la cause dans le manque de confiance de
la part du gouvernement turc, ainsi que dans l’attitude méfiante
avec laquelle la Turquie a accueilli nos offres prévenantes et
pacifiques et notre volonté de rapprochement.
Nous avons toujours voulu la paix et nous
avons tout fait pour convaincre
À notre dernier ultimatum dans
lequel nous avons évoqué l’attitude vexatoire des officiers
turcs qui ont refusé de s’abonner au recueil
d’épithètes de D’Annunzio bien que, comme preuve de nos
sentiments amicaux, nous leur eussions même proposé les frais de
port,
Dans notre deuxième ultimatum nous
nous sommes référés au paragraphe huit du traité
donnant expression à notre conviction qu’au cas où, en
conformité avec l’esprit de la Conférences de La Haye, il
n’y a pas d’appel possible contre la nature supposée des
changements intervenus, considérant la situation pouvant se prêter
à des périphrases et circonlocutions, sous l’effet
exercé par une situation nouvelle sur la base de rapports existants
entre une ou deux circonstances, éventuellement plus ; alors et en
tout cas, la Turquie a donné la réponse obscure, rusée et
propre à servir de prétexte à des malentendus
diplomatiques, réponse que voici : « Am stram gram, pique et pique et colégram ».
Ce qui est manifestement une allusion désobligeante à
l’épopée homonyme de D’Annunzio que nous avions
jointe en son temps au document accompagnant le transport de harengs
fumés.
À notre troisième ultimatum
dans lequel nous ne réclamions à la Turquie que trois
départements de Transylvanie et quelques îlots insignifiants sur
l’océan Himalaya, ainsi que trois forteresses de la Suède
situés à la frontière chinoise, plus un immeuble à
l’angle de l’Avenue Andrássy et du Boulevard Ferenc –
tout en nous engageant à leur céder la partie sud-ouest de la
Patagonie, trois îles des Canaries et la quantité d’eau des
chutes du Niagara qui tombe de neuf heures à onze heures du matin
– à cet ultimatum donc, le gouvernement turc a donné une
réponse non moins dilatoire et d’ailleurs peu satisfaisante, en
invoquant notre situation militaire dans le Karst, ce qui paraît
être une allusion sarcastique et désobligeante, une allusion
à la tête de D’Annunzio suggérant un parallèle
entre la nudité du Karst et la calvitie de la susdite tête.
Après tout cela, il ne nous restait
plus qu’à réitérer, dans un quatrième
ultimatum, nos conditions précédentes, mais cette fois
catégoriquement et clairement : 1 –
Il est vrai que la Turquie a répondu
favorablement à ces questions mais, vu qu’il est évident
que les questions étaient manifestement de débiles
imbécillités, elle n’a pas pu les comprendre : la
réponse a donc été une allusion de mauvaise foi au fait
que les questions n’avaient pas de sens. En conséquence nous
sommes contraints de rompre les relations diplomatiques entre l’Italie et
la Turquie, à titre de mesure de rétorsion contre les viles expressions humiliantes et offensantes qu’en
cours de négociation elle devait penser sur notre compte à part
soi, mais au moins sans les avoir proférer. »