Frigyes Karinthy : Eurêka

 

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conte du stupide garçon

Allô, Jancsi, Pista… allô, Toncsi, Klári… On va raconter des histoires…

Il était une fois un tonnelier, le tonnelier a un fils très niais. Un jour le tonnelier envoie son fils découvrir le monde, tenter sa chance. Il lui donne une pièce d’or, grande comme la paume de ma main, pour qu’il veille sur elle (sur la pièce d’or, pas la paume de ma main).

Il marche, il marche le garçon niais, tout à coup un homme vient en face de lui avec une charrette à bœufs. Le garçon niais est fatigué, il veut monter sur la charrette, le charretier lui dit alors : « Tu sais quoi ? Donne-moi cet or, moi je te donne la charrette. »

Ne voilà-t-il pas que le garçon niais donne son or en échange de la charrette. Il avance doucement avec sa charrette, un autre homme vient en face de lui, conduisant quelques vaches. L’homme lui dit : « Donne-moi ta charrette, je te donne mes vaches ». Le garçon niais donne la charrette, continue sa marche avec les vaches. Il rencontre un porcher qui conduit une truie bien grasse. « Donne-moi tes vaches, je te donne mon cochon ». Le garçon niais cède ses vaches. Il continue son chemin avec la truie, un homme vient en face avec une oie bien grasse. « Donne-moi le cochon, je te donne l’oie ». Il le donne. Il continue son chemin avec l’oie, un canard vient en face, « je donne le canard, donne-moi l’oie ». Il marche toujours, vient en face le potier avec un plat en terre, « Donne le canard, je donne le plat ». Il poursuit sa marche avec le plat. Vient un homme avec un canif. « Donne le plat, je donne le canif ». Il marche toujours, avec le canif, vient quelqu’un avec une épingle. « Donne le canif, je donne l’épingle ».

Le garçon niais n’a plus qu’une épingle à la place de sa belle pièce d’or. Il est si niais. Il marche, il marche avec l’épingle. Tout à coup il entend un gémissement dans le fossé. Il va voir : un homme grelotte dans le fossé car un fort vent a soufflé et la pluie est tombée.

- Qui es-tu ? – demande le garçon niais.

- Je suis un écrivain hongrois, dit l’homme, je grelotte parce qu’un bouton est tombé de mon manteau. Donne-moi une épingle pour que je puisse le tenir fermé – je te donne ma gloire en échange.

- Je ne suis pas niais à ce point, répond le garçon, et il laisse grelotter l’homme dans le fossé. Et ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants sauf si leur mort est survenue entre-temps.

 

Suite du
recueil