Frigyes Karinthy : "Parlons d’autre chose"
afficher le texte en
hongrois
sans culotte
(Opérette en trois
actes)
Introduction
Le directeur est venu me voir et s’est
répandu en félicitations à propos de mon important ouvrage
philosophique paru la semaine précédente avec un modeste
succès sous le titre "Les profondeurs de l’âme
humaine". Il faut profiter d’un tel moment, jeune homme, dit le
directeur, vous êtes à la mode, on parle de vous, on attend de
vous des choses, on peut traiter avec vous. Écoutez, écrivez-moi
une habile opérette. Mettez-vous y, construisez un plan, et alors nous
pourrons discuter d’une avance. Vous savez très bien que je ne
veux pas vous dicter son sujet, vous êtes mieux placé pour le
décider, c’est à toi de le trouver, n’est-ce pas, je
me contenterais de souhaiter que ce soit plutôt un grand spectacle, si
possible en costumes, de préférence historique dans une
période quelconque, mettons la révolution, en tous cas comique et
écoute-moi, j’ai là un tube à moi, que chantent les
coursiers de messageries avec le refrain "Y a qu’un boy, boy,
boy", ça il faut absolument le placer dedans, je te fais confiance
pour tout le reste, mais tu dois avoir terminé sous quinzaine.
premier acte
Nous sommes à Paris, quelques jours
avant la grande Révolution Française. Dans
le repaire des Jacobins ça s’agite beaucoup, ils sont tout
à fait révolutionnaires. Danton, le vieux brasseur, a
déjà achevé ses préparatifs, il
s’apprête donc à apprendre une petite chanson à sa
fille Lulu avec laquelle le lendemain, matin de la Révolution,
elle pourrait saluer les Jacobins. En même temps il lui confie sa culotte
pour qu’elle la repasse, mais Lulu la perd, ce qui lui vaudra
d’être moqué et intitulé "sans culotte".
Autour de Lulu tourne un prétendant, l’abbé Ci-Devant,
aristocrate ivrogne, qui aimerait ardemment obtenir ses faveurs, mais elle se
sent plutôt attirée par Samson, jeune bourreau idéaliste,
auquel elle promet qu’ils fuiront ensemble le lendemain soir. Samson est
inondé de bonheur et il s’en va avec l’idée
d’en faire voir à ce farfelu de Ci-Devant. (refrain de
l’intermède : "Liberté, Égalité,
Fraternité – C’est à quoi notre cœur aspire
– une fillette sous mon empire – Se glisse dans un lit douillet.
"). Arrivent les sans-culottes et ils chambardent tout, Lulu les assagit
et danse avec eux la "danse sans-culotte". (Refrain du final :
"Clapi-Clapion – C’est la Révolution").
deuxiÈme acte
Nous sommes dans la Conciergerie on
emprisonne les aristocrates. Samson, le jeune bourreau, est en train de lire
une liste de noms quand arrive Lulu en haletant pour dire que son père
l’envoie ici parce qu’il veut la marier de force à Ci-Devant
qui attend la guillotine ici, parce que ça leur permettra de toucher
l’héritage. (Chanson de Guillotin avec le refrain :
"Hirondelle, gentille hirondelle, de sang ta main ruisselle.").
Samson, affolé, pédale dans la choucroute, enfin il a une
idée, il envoie les aristocrates dans la salle de bains attenante et
convainc Lulu de vite se déguiser en jeune aristocrate, alors le vieux
ne la reconnaîtra pas et à la lecture des noms elle pourra
tranquillement monter à l’échafaud. (Refrain :
"Quelle joie à l’échafaud, d’y être avec
un costaud, etc…"). Lulu se change en vitesse. Les aristocrates
reviennent et font la fête à Lulu. À cet instant arrive le
vieux Danton, mais il ne reconnaît pas sa propre fille qui se cache
derrière le dos des aristocrates. Le vieux bout de colère, il
convoque les Jacobins qui provoquent une querelle avec les aristocrates.
Pendant ce temps, Ci-Devant se déguise en camelot de Styrie avec
l’intention de leurrer Lulu pour pouvoir monter la main dans la main
à l’échafaud. Mais la coquette Madame de
Lamballe se met à flirter avec Ci-Devant, avec succès. Par
conséquent le vieux Danton tombe entre deux chaises par terre. Mais
arrive Samson pour lire sa liste, mettant fin aux incertitudes. (Final :
chanson des aristocrates : "Marchons, marchons à
l’échafaud" ; chanson des Jacobins : "Quelle
joie à l’échafaud…"»).
troisiÈme acte
Samson a réussi à enlever Lulu,
mais il ne peut pas encore jouir de leur bonheur car Samson est très
occupé tout l’après-midi aux exécutions, il la cache
donc en attendant chez un de ses amis Jacobins. Le vieux Danton apprend
à retardement que le prince Marquis déguisé était
en réalité sa fille, et dans son désespoir il court voir
Samson pour empêcher son exécution. Samson ne lui dit pas la
vérité, mais fait semblant de chercher la tête
coupée de Lulu dans le panier des têtes coupées. (refrain : "Ni celle-ci, ni celle-là, brune
ou blonde, bien gironde !"). Danton, angoissé, jure à
Samson qu’il lui donnera Lulu à condition qu’il la retrouve. Pendant
ce temps l’héritage de Ci-Devant est retrouvé dans un
poêle, là-dessus Samson renverse tout le panier et Lulu est
retrouvée tout entière. Ci-Devant est également content
parce qu’il sera guillotiné avec la belle Madame de
Lamballe. Les aristocrates et les garçons coursiers chantent le bonheur
du jeune couple.