Frigyes Karinthy -
Poésies : À nul je ne peux le
confier
VA-T’EN, l’oiseau !
Il crie vers moi sur ses ailes immenses Le bec ouvert, noir vautour, Il couine et claque alentour. Il claque, il couine au-dessus de mon nid, Des braises à sa langue de feu : Dès le matin, voler il veut. Il m’exhorte à sauter, allons, allons, viens, donc, Fait comme moi, déploie tes ailes. Lance-toi donc, on t’appelle C’est comme ça qu’il faut s’élever, déployer ; Ne sois pas si pataud, bêta – Saute mon petit, saute là. l m’enseigne, il volette en arcs autour de moi, Suivre je n’ose, figé, blotti Je m’accroche au bord du nid. Je n’ai pas le cœur à me lancer dans les airs - Je fais comme pour m’envoler : Je saute et retombe affolé Je cligne de mes yeux, je cille des paupières, Mes plumes dressées fourchicottent Je me gratte et je grelotte |
Je savais que c’est toi, je t’ai vu t’approcher De loin point noir exemplaire : Horizon crépusculaire Je ne t’attendais plus, cri matinal des cimes, Cri d’au-delà et de jadis, Cri sourd qui cherche son fils Je me sens bien ici, déposé dans ce creux, Où tu m’as mis, car tu m’aimais, Ou parce que tu ne m’aimais. Oh, bon lit de boue molle, où les vers Sont si doux aliment pour moi – Oh, mère, je ne pars avec toi ! Ne crains rien, quand le nid sous mes pieds sera froid Vers le bas je sauterai Ailes collées au duvet. Oh, noir autre moi-même, mes amours tout hirsutes, Petits oisillons gentils, Venez près de moi, chéris. Un oreillard noiraud voltige dans le vent. Faites du charivari – Va-t'en, oiseau maudit ! Chassez-le bien loin d’ici. Il fouette l’air au loin, sur ses ailes fuyantes. Horizon crépusculaire ! Point noir aviculaire ! Ne reviens plus cavitaire ! |