Frigyes Karinthy - Poésies : À nul je ne peux le confier

                                                           

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songe

 

Jétais dans une barque et je glissais en rêve,

Je me penchais

J’avais seize ans

Et mon bateau courait, courait sur une eau blanche,

J’ai vu une ville sous l’eau,

J’ai vu une forêt en l’air,

Et j’ai vu un fantôme dans son linceul,

Le ciel bleu pur et des étoiles et des nuages.

 

J’ai allongé mes griffes à mille lieues au loin

Et j’ai griffé le nuage, est-ce-étrange ?

Mais je désirais voir et j’ai gratté l’étoile

Mais le ciel s’est fendu derrière

Et s’est répandu et du pus

En coulait lentement avec du sang caillé

Alors je m’acharnais à déchirer ce ciel

Et je sentais couler le sang poisseux et chaud.

 

Je me réveillai en hurlant

Je me lacérai la poitrine,

Je la déchirai, la griffai

Le sang coula –

 

Plus que ne vaut le rêve

Plus que ne vaut la vie

Plus qu’une chanson ne vaut.

 

Suite du recueil