Frigyes Karinthy -
Poésies : À nul je ne peux le
confier
mÉnÉ, tekel…
Écoute mon discours, après moi le répète, Je te le dis en vers, pour que tu le retiennes. Je te le grave au cœur, le rabâche à l’oreille : Il était mal pour toi d’être un homme sur Terre, En notre siècle dont le bilan mensonger, Te trompera demain, comme hier t’a trompé. À midi la hantise saisit âprement l’homme, Mais la nuit advenue gémirent les fantômes. La douloureuse croix du Christ ils la pleurèrent, Et pourtant l’assassin de héros qualifièrent. La femme but la moelle et l’homme, lui, le sang Au dehors le poète se tenait sanglotant. Ils vêtirent le mort de soie et de brocard, Le vivant loqueteux vomissait du sang noir. Ils couvrirent de fleurs sa demeure tombale Le vivant grelottait sous la neige hivernale |
Sur le cercueil dressé ils prêtèrent serment, Le vivant gémissait sur le flanc, doucement. L’enfant les regardait, ses deux yeux grands ouverts, Les vieillards l’écoutaient lâchement, à couvert,, Mais aux yeux de son maître, le médiocre a craché, Ce disciple insolent, abject, dégénéré. Dans le feu furieux des navires se ruèrent , Les loques chamarrées des catins s’envolèrent, Les plus belles dentelles, les mieux ornementées, Telles des chiens crevés pourrissaient délaissées. Mains tordues je te prie, te supplie, sanglotant, Veille, prends garde à toi : proche est l’heure du bilan. Dans ton cœur, ton oreille ces mots tu garderas, Quand il
en sera temps, leur sens, tu l’apprendras. |