Frigyes
Karinthy – Poèmes parus dans la
presse
indiffÉrence
De
froide indifférence j’ai tissé un linceul,
J’y
ai caché derrière mon âme fatiguée ;
Le
linceul moite de l’indifférence froide
M’enveloppe,
me recouvre, m’ensevelit.
Que
reste-t-il ? Une poussée dans le brouillard,
Sur
laquelle a givré le baiser de novembre.
Jetez
donc vos mottes sur moi, vous, les vivants,
Je
suis mort. Qu’attendez-vous ?
La
lumière est à vous et vôtre aussi la voix ;
Car
c’est à vous qu’est confiée l’Existence.
Le
songe heureux du bel été ensoleillé
C’est
à vous qu’il sème son feu multicolore.
Le
clair de lune, la nuit, fait s’exhale l’amour,
L’orage
du désir ici flambe et rougeoie,
La
promesse tremblante se noie dans l’ivresse.
Vous,
les cent fois heureux !...
Mon
lot était brouillard, mont
lot était l’angoisse,
Partout
où je passais le ciel s’assombrissait.
Des
cimes grises me considéraient pensives,
Elles
ne renvoyaient pas mon cri ni mon appel.
Le
calice des fleurs ne s’ouvrait pas à moi,
Elles
ne répandaient pas sur mon cœur leur fragrance.
Sombrait
aussi la Terre où je couchais ma tête,
Un
nuage courait sous ciel et la lune.
J’ai
aimé moi aussi, le rêve de mon âme
Espérait
en tremblant la fleur et le printemps,
La
première ce fut la fleur bleue du poème,
L’inondation
boueuse me l’a dérobée,
Puis
vint l’enchantement des lèvres féminines,
Son
souffle s’est posé sur moi s’est répandu.
C’était
mon éternel amour, la Vie altière,
Mais
elle m’a raillé, trompé, abandonné.
Ô
rêveur candide de ces songes heureux !
Que
me restera-t-il ? Nuit et indifférence.
Espoir
et foi – consolation des imbéciles –
Tu
m’a désavoué, tu as coupé nos liens.
Il
est digne de mon âme de renoncer
Au
bonheur sans limite qu’elle avait rêvé.
Parce
qu’il n’a pas droit au bonheur celui qui
Chérit
le tourment assassin.
Az Újság, 2
décembre 1906.