Frigyes
Karinthy : Nouvelles parues dans la presse
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hongrois
communiquÉ
militaire
de
la Mer Jaune à la Sublime Porte
LES AMIRAUX SE PLAIGNENT PARCE QUE LA FLOTTE IMPERIALE
NE DISPOSE NI DE SUFFISAMMENT DE CHARBON, NI D'ASSEZ
DE RIZ.
QUELQUES BOULETS QUE, SOUS HANKAU, LES TROUPES GOUVERNEMENTALES ONT TIRÉS SUR LA VILLE,
ET QUI PLUS TARD ONT ÉTÉ RETROUVÉS DANS LES COLONIES
ALLEMANDES
SE SONT AVÉRÉS
ÊTRE EN FAIT DES OBUS PEINTS EN NOIR.
Porte
Majestueuse ! Ces affreux révolutionnaires ne nous laissent pas vivre
tranquille. Sur ordre de votre Majestueuse Portité,
nous avons pris notre petit bateau sur le dos et nous l'avons porté sur la Mer
Jaune afin de trucider les petits révolutionnaires. Trois par trois, nous nous
sommes assis dans nos petits bateaux et nous avons navigué sur la petite Mer Jaune.
Alors là, tout à coup arrivent ces révolutionnaires sur un gros malabar de
bateau mal élevé, même leurs canons n'étaient pas peints en joli jaune, mais
simplement laissés comme ça, en noir. Nous leur avons offert du thé, mais ils
ne voulaient pas boire ; ils ont fait des vagues si grosses qu'elles
atteignaient presque la peinture jaune et le papier de soie sur nos voiles a
failli être mouillé. Alors nous nous sommes fâchés et nous leur avons lancé du
riz, cinq kilos au total, mais ça n'a pas eu d'effet. De leur canon à eux
sortaient de gros grains noirs qu'on ne peut pas manger mais qui explosent
aussitôt. Nous commencions à manquer de riz, mais il nous restait encore des
billes en bois avec lesquelles nous avions l'habitude de jouer et de boire leur
thé. Nous n'avons pas retrouvé la poudre car elle était dans la théière et dans
une des tasses, mais nous n'avons pas retrouvé la tasse avec l'ornement doré
sur son côté. Alors nous avons un peu décoré les billes avec de la peinture
dorée, nous avons peint des arbres dorés et des oiseaux dorés sur les billes
pour qu'elles aient une certaine allure avant de les tirer – ensuite nous avons
tiré les billes. Mais notre ami Tching-Tchouang, le
peintre, s'est rappelé que sur l'œil doré du faisan doré il n'avait pas terminé
la coloration de la plume noire. « Aïe, aïe – a-t-il dit – houang-ho, il faut absolument y mettre de la
peinture ! » et il a sauté dans son petit bateau pour suivre sa
bille, et heureusement il l'a rattrapée avant qu'elle n'atteigne l'autre
bateau, tout en courant il a peint dessus une petite geisha dorée avec du thé
et du riz. C'était très beau, et quel dommage que les affreux révolutionnaires
nous aient de nouveau lancé dessus de ces grands grains noirs qui font des
grosses vagues, tellement que la vague est montée jusqu'au haut de notre petit
bateau, et notre petit bateau est devenu mouillé et même complètement trempé,
parce que si vous voulez savoir, ces bateaux de guerre sont faits de mauvais
papier qui se mouille aussitôt sous nos pieds. Nous avons sautillé un peu mais
quand nos bas de soie jaunes ont été mouillés eux aussi, nous avons sauté de
nos bateaux, nous avons mis un peu de thé dans la Mer Jaune, nous l'avons fait
bouillir dans la théière, nous avons déposé douze grains de riz cuits sur la
rive et avec nos douze petites tasses, nous nous sommes assis tout autour.
Notre prochain plan de bataille est de boire la Mer de Thé Jaune pour faire échouer les bateaux
ennemis. Nous déposons un baiser sur le bout de l'ongle de votre Portité Majestueuse, mais si notre plan échoue, nous serons
obligés d'ouvrir nos petits ventres, cela en général dégoûte l'ennemi, hi, hi,
hi…
Fidibusz, le 10 novembre 1911.
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