Frigyes Karinthy : Nouvelles parues dans la presse

 

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Épilogue pour le jamboree

 

Le petit reportage ci-dessous a été photographié par notre collaborateur sur le modeste kodak de sa rétine. Le cadre : tête du Pont aux Chaînes à Buda, les personnages sont un brave agent de police qui d’une main dirige la circulation et de l’autre s’essuie le front, pendant que la victime torturée reluque de son doux regard mélancolique les trois scouts aux cheveux blanchis dans l’honneur qui lui font face et tentent nerveusement de lui expliquer quelque chose, en pointant leur index sur un plan, il n’a pas la moindre idée de ce qu’ils lui veulent, pourtant ils parlent tous les trois en même temps. L’aîné des scouts est si excité qu’il piétine presque sa propre barbe quand un des passants remarque que c’est probablement parce que ces trois-là causent en anglais : « y a qu’à lire leur brassard, ils sont de la Jamaïque d’où vient aussi le café, ça ne peut être qu’une colonie anglaise ». Les Anglais ne plaisantent pas en matière de café. Notre brave agent de police cherche de l’aide, découvre un porteur au coin de la rue, daigne lui faire signe d’approcher. Les scouts se sentent soulagés : à la barbe blanche de Monsieur Samuel, ils reconnaissent aussitôt le compagnon scout. « Parlez-vous l’anglais ? », demande sévèrement le policier. « Sûrement pas ! ». « Comment ? » rétorque le policier, « vous ne parlez même pas l’anglais ? Comment un type comme ça ose-t-il se placer dans les services publics ? » conclut-il, provoquant l’hilarité générale, les scouts rigolent avec les autres, l’espéranto du rire dissout d’un coup le désordre babélien, tout le monde se serre la main en ami, les scouts comprennent que Pest est une métropole où il est superflu de demander où se trouve ceci ou cela – où qu’aille un scout, il se sent bien partout.

 

Az Est, 15 août 1933.

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