Frigyes Karinthy : "Vous écrivez comme ça "
La tragÉdie de l’homme
(Critique théâtrale du numéro de
l’époque d’Objectivité Raciale.
Auteur : Lehel[1] Racé. En deux versions.)[2]
PremiÈre version
(Par erreur, l’auteur a été informé que
Madách[3] est… euh, comment dire…).
Dans
leur Théâtre National (Theo Neumann) que l’on a collé
sur notre pauvre public magyar (mayer) comme on
superpose le cholent[4] au chou farci (shoukrot),
les Youpins ont une fois de plus célébré Souccot, leur fête des Tabernacles. C’est une
espèce de Imre (Izaac)
Madách-Mohnblum qui étale sous nos yeux
les fleurs rances de l’imagination de sa race digne de la youpinerie bancaire, dans un article mondial kasher
budapestois sous le titre de Tragédie
de l’homme, qui est peut-être très utile du point de vue
spécifique de leur race, mais qui a peu à voir avec l’hungaritude.
Dans cette pièce, chaque mot flatte
en termes voilés la moralité raciale du public budapestois et
sert inconsciemment l’hécatombe hégémonumentale
de l’aspiration despotique juive. Cet écrivain typiquement
budapestois accumule sur le tas les scènes comme il aurait
accumulé les tuyaux aux courses de chevaux si d’aventure son
paternel ne l’avait pas éduqué pour en faire un auteur
dramatique budapestois mais, conformément aux intérêts du
cheval racial, il en avait fait un totalisateur.
Adam et Ève ont été
découpés dans le livre de Moïse, figures écœuramment
sentimentales et orientalement concupiscentes, Madame Weis
et Monsieur Schwarcz se reconnaissent aisément
parmi les promeneurs du Boulevard, défilent sous toutes sortes
d’aspects et de milieux (avec la falsification de l’histoire sur
une base raciopsychologique) dans Rome,
Athènes, Byzance, Prague, Paris, Londres, et ils parviennent même
au Groenland (eh, c’est facile pour eux, c’est le fonds des hevra-kaddisha[5] qui paye), ils voyagent dans le temps et
dans l’espace comme les vrp
internationaux qui ont les trains express pour berceau et pour patrie.
Dans la pièce il est aussi question
d’une sorte "d’idéal" qui tantôt se
renflamme, tantôt décrépit au cours des scènes
historiques. Le public budapestois de la salle a exprimé sa gratitude
avec ovation et enthousiasme pour cette pensée typiquement juive, il a
compris l’auteur à l’âme commissionnaire, qui voulait
attirer l’attention de ses frères de races aux hausses et aux
baisses de la bourse. Sans même dire à quel point cet
éclairage typiquement juif de
Que peut-on dire de l’intrigue de la
"pièce" ? Il s’agit d’un conte Budapestois,
de Lipótváros[6], "transposé" à des
époques différentes : l’imagination du petit Juif de
la firme de livraison d’histoire Adam (Adler) avec son Ève
(Epstein) transformé en pharaon (Toutankhamon est à la mode de
nos jours !), en Miltiade, Tancrède, Kepler ou Danton –
autant de scènes vivantes présentées à une
fête de famille par des maquereaux et des gourgandines comptoiristes. Public et auteur se sont bien compris par le
truchement des comédiens dont la plupart étaient également
des descendants de Juifs.
Nous nous sommes déjà faits
à tout ça. Néanmoins on ne peut tout de même pas
laisser passer ce que j’ai entendu au vestiaire, témoin du
dialogue de deux coreligionnaires qui ne se sont pas aperçus de ma
présence. L’un des Juifs a appris à l’autre
qu’il avait acheté deux oies et j’ai très bien saisi
ses mots, j’ai des témoins qui l’ont également
entendu : une des oies était blanche et l’autre brune !!
J’ignore s’il est encore permis
dans ce pays de donner expression à la pensée nationale du peuple
hongrois, inquiet pour sa destinée… opprimé par la main
juive. Mais en tant que dernier bastion et conscience de cette hungarité opprimée, j’estime
qu’il est de mon devoir d’en appeler par la présente aux
ministres de la justice et du commerce, sont-ils enfin enclins, oui ou non,
à mettre de l’ordre et, énergiquement, sans tergiversation,
et sans sensiblerie "juridique" inviter le Juif à rôtir
ses oies en enfer, pourquoi n’en a-t-il pas acheté deux
pareilles ?!! Et puisque ce n’est pas le cas, nous le lui
demanderons nous-mêmes, sans nous embarrasser de légalité
– mais il ne nous remerciera pas !!...
DeuxiÈme version
(Il s’est avéré que pas du tout ! Même
pas son grand-père !).
Quelques erreurs prêtant à
confusion se sont glissées dans mon article d’hier. Ainsi, la
distraction du typographe a voulu que par erreur il ait remplacé
l’expression « la plus grande valeur pour nous Hongrois »
par « galimatias juif », « gigantesque
création artistique » par « bombe puante kasher
budapestoise », « authentique chef-d’œuvre
dramatique » par « littérature des bas-fonds
dignes des maquereaux juifs ». Comme nous venons de
l’apprendre après coup, Imre Madách est un
événement de premier rang de notre littérature, par
conséquent nous vous prions de considérer tout l’article
comme une faute de frappe prêtant à confusion et donc sans objet.
Au demeurant le typographe juif à l’origine de tout ce problème,
nous l’avons aussitôt mis à la porte.
[1] Prénom hongrois des époques légendaires.
[2] Durant les années trente une frange de la société hongroise était nationaliste et antisémite. Le numerus clausus interdisait aux Juifs l’accès à une multitude d’emplois, ainsi qu’à l’enseignement supérieur.
[3] Imre Madách (1823-1864). Auteur de La tragédie de l’homme, n’a pratiquement jamais vécu àBudapest
[4] Plat de la cuisine ashkénaze composée d’orge, pommes de terres, viande de bœuf et haricots.
[5] Assemblée du Dernier Devoir : Association juive de
pompes funèbres rituelles.
[6] À l’époque, quartier juif élégant.